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Mais la grande cérémonie de l'apothéose était destinée à effacer toutes les autres. Plusieurs fois, comme on le sait, elle avait été demandée. Thérèse elle-même, accompagnée d'une députation de la Société républicaine de Franciade (Saint-Denis) avait apporté ses réclamations'. Le Comité d'instruction publique fut chargé d'étudier la question'. Lakanal, dans un long rapport, établit les titres de Rousseau à des honneurs exceptionnels, régla la composition et l'ordre du cortège et donna tout le programme de la fête. Elle fut fixée au 20 vendémiaire an III. Il avait d'abord été question du cinquième jour complémentaire; mais l'apothéose de Marat devant avoir lieu ce jour-là, pour la seconde fois, Rousseau se trouva en compétition avec Marat, et pour la seconde fois, Marat lui fut préféré 3.

Cependant, par une sorte de compensation, la fête de Rousseau fut autrement solennelle et brillante que celle du féroce révolutionnaire. Les Genevois avaient obtenu d'y être largement représentés, et le club des Jacobins avait décidé de s'y transporter en masse.

Le 18 vendémiaire, dès 4 heures du matin, le corps de J.-J. Rousseau, pieusement déposé sur un char décoré avec richesse par les soins de l'écuyer Franconi, partait d'Erménonville et prenait lentement le chemin de Paris. Tout le long du par

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cours, des musiciens montés sur un autre char faisaient entendre des airs funèbres. Il avait été décidé

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qu'on irait par Émile (c'était le nouveau de Montmorency); on y arriva tard et l'on y passa la nuit. Cependant, sur l'observation faite à Ginguené, un des membres délégués par la Convention, que ce char couvert de dorures jurait avec la simplicité de Jean-Jacques, on se mit en devoir, avec des peupliers, des gazons, des pervenches, de disposer les choses d'une façon plus conforme à ses goûts.

Le 19, départ de Montmorency, avec accompagnement de gardes nationales, de jeunes filles jetant des fleurs; passage par Franciade, arrivée à Paris. Réception, à l'entrée du jardin des Tuileries, par une députation de la Convention; foule, nombreux cortège, musique, coups de canon, discours, dépôt du corps sous un petit temple élevé au milieu d'un grand bassin entouré de saules pleureurs, afin de rappeler l'Ile des Peupliers. Thérèse avait sa place marquée au cortège; elle jugea à propos de se dispenser d'y venir; en passant par Saint-Denis, on la remarqua avec indignation à la fenêtre d'un cabaret, avec son amant.

C'était le 20 que devait avoir lieu le déploiement de toute la pompe républicaine. La gendarmerie à cheval, les tambours, plusieurs musiques, les élèves du Champ de Mars, à pied et à cheval, figuraient sur divers points du cortège; des groupes de musiciens, de botanistes, d'artistes, d'artisans, d'agriculteurs, chacun avec leurs trophées et leurs inscriptions, rappelaient les titres de Rousseau à la reconnaissance de la postérité; les sections de Paris portaient les tables des droits de l'homme; sur

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char, des mères de familles, vêtues à l'antique, avec leurs enfants autour d'elles ou sur leurs genoux, glorifiaient l'auteur de l'Émile; une Renommée en bronze couronnait les œuvres du philosophe; les orphelins des défenseurs de la patrie entouraient les drapeaux de la France, de Genève et de l'Amérique; il y avait jusqu'au char des enfants aveugles; les habitants de Genève, de Saint-Denis, de Grosley, de Montmorency, figuraient avec leurs bannières aux places qui leur avaient été assignées; les citoyens d'Ermenonville avaient l'honneur d'entourer le sarcophage. La Convention nationale, séparée du peuple par un simple ruban tricolore, et précédée du phare des législateurs, le Contrat social, marchait en avant du char qui portait la statue de Rousseau couronnée par la Liberté. Sur le piédestal de la statue étaient inscrits ces mots : Vitam impendere vero; et au dessous Au nom du peuple français, la Convention nationale à J.-J. Rousseau, an III de la République '. Enfin, pour que rien ne manquât à la fête, le Président de la Convention avait pu l'inaugurer en annonçant au peuple assemblé les nouvelles victoires que les soldats de la Liberté venaient de remporter sur le despotisme.

Au Panthéon, en face du sarcophage, triomphalement élevé sur une estrade, le président retraça les vertus de J.-J. Rousseau et les travaux sublimes qui lui assuraient l'immortalité; il jeta ensuite des fleurs sur sa tombe au nom de la Nation; puis, pendant que les groupes défilaient, la musique fit entendre ses plus beaux morceaux : les airs composés

1. Nous citons le programme; mais il paraît que

cette statue n'a jamais été exécutée.

cours, des musiciens mont. saient entendre des airs for qu'on irait par Émile de Montmorency); on y la nuit. Cependant, sur guené, un des membres que ce char couvert d plicité de Jean-Jacqu des peupliers, des : poser les choses goûts.

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déposé au Panthéon les restes de faudrait pas croire qu'on les y ait en paix.

ayant été restitué au culte en 1821 ', Téplacement dut avoir lieu. Si l'on s'en

Dictionnaire de Feller et à la Biograud 2, les restes de Rousseau et de Volent alors été transportés au Père Lachaise. registres du Père Lachaise sont muets à , tandis qu'une pièce officielle établit que ophages et les cercueils furent descendus s caveaux du monument. Un doute cepenneurait dans certains esprits. Stanislas de , alors député, demanda au ministre où les ossements de Rousseau, et exprima le le les replacer à Ermenonville, plutôt que de les r dans un cimetière vulgaire, au Père Lachaise. ls sont encore au Panthéon, dans les caveaux, »> ondit le ministre Corbière *.

..n 1830, nouveau changement le Panthéon fut adu à sa destination profane; Voltaire et Rousseau prirent leur place primitive 5.

Lettre de Pocholle au botaniste Teypyer, pour organiser le groupe des botanistes; (Revue rétrospective, 2e série, t. 1, 1835, p. 159.) 1. Il avait dû l'être, dès 1806; mais le décret n'avait pas eté exécuté.- 2. Dictionnaire de FELLER, 8e édit., 1832. Abrégé chronologique de l'Histoire de France, par le Pt HÉNAUT, continuée par MICHAUD, de l'Académie fran

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çaise, 1836. 3. Procès-verbal du déplacement en date du 29 décembre 1821; inséré dans l'Intermédiaire des chercheurs et curieux, numéro du 1er avril 1864. 4. Séance de la Chambre des députés du 25 mars 1822. 5. Procès-verbal du replacement, 4 septembre 1830 (même numéro de l'Intermédiaire.)

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