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rédigé par le sixième bureau. Cette remarque inattendue ramène aux opinions, et l'assemblée adopte unanimement l'article XX.

C'est le premier des vingt-quatre articles du projet de déclaration qui ait été conservé; le voici:

La garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force publique: cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée. »

L'article XXI a été décrété en ces termes:

Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. »]

SÉANCE DU LUNDI 24 AOUT, AU SOIR.

[On fait divers rapports.

Dans le premier, on s'occupe de l'affaire de Strasbourg, dont nous avons donné, plus haut, l'histoire.

Les négocians de Laval se plaignent du mauvais état du commerce. Ils représentent que le commerce des toiles est presque anéanti; ils attribuent le mal à la cessation des paiemens royaux, qui peut entraîner la chute entière des fortunes et de l'industrie. En conséquence, ils sollicitent l'assemblée de renouveler l'arrêté du 17 juin, qui ordonne que tous les impôts continueront d'être perçus à l'ordinaire.

On donne lecture d'une lettre qui annonce les excès auxquels se livrent les paysans dans la Lorraine et le Barrois; que plusieurs seigneurs ont été incendiés et leurs archives brûlées, etc. M. le marquis de Serent fait un rapport sur une affaire assez singulière :

Un auteur, M. de Boncerf, a fait un livre, il y a quinze à seize ans, contre les fiefs. Le parlement de Paris a informé, décrété et assigné pour être ouï, converti le décret d'assigné pour être ouï en décret d'ajournement personnel. Ce décret subsiste encore depuis douze ans. Le livre a été brûlé, et l'auteur est toujours

resté dans les liens du décret. M. le marquis de Serent observe que le régime féodal étant aboli, le livre n'est plus dangereux.

M. Regnault de Saint-Jean-d'Angely. M. François de Neufchâteau, poète connu par des ouvrages agréables, suppléant des députés de Lorraine, étant à Toul, avait rassemblé quelques syndics de communautés pour conférer avec eux sur des nouvelles relatives aux résolutions de l'assemblée nationale. M. de Taffin, lieutenant du roi, a fait appréhender M. de Neufchâteau et quatre électeurs par la maréchaussée, sous prétexte qu'ils tenaient une assemblée illicite. Après les avoir mis au secret dans les prisons de Toul, il les a fait conduire à Metz le lendemain, à une heure après minuit. M. le marquis de Bouillé, commandant de la province, a envoyé sur-le-champ à leur rencontre pour rendre ces messieurs à la liberté. M. de Bouillé, pour faire oublier à M. de Neufchâteau la disgrâce et l'indignité de son emprisonnement, l'a comblé d'honnêtetés. Le vrai héros aime toujours l'homme de lettres. Je demande que l'assemblée prenne une détermination sur cette affaire.

L'examen détaillé de cette affaire est renvoyé au comité des douze, qui est chargé d'en faire incessamment le dernier rapport. M. de Saint-Fargeau présente, au nom du comité de rédaction, un projet d'adresse pour la fête du roi, qui est adopté.]

[Versailles, 25 août.-Il n'y a point de séance.

L'assemblée nationale a nommé soixante membres pour porter l'adresse au roi; M. de Clermont-Tonnerre était à la tête de la députation. Le roi a paru reconnaissant des témoignages de dé yoûment, d'attachement à sa personne. Le grand-maître a été recevoir la députation et l'a reconduite. On lui a rendu tous les honneurs d'étiquettes accordés aux princes.

M. le duc d'Orléans, avec toute sa famille, a été faire sa cour au roi. Ce prince s'en abstenait depuis long-temps, pour faire voir avec quelle rigidité il remplissait les fonctions de député.

A midi, les officiers municipaux de la capitale ont été admis

chez le roi avec tous les honneurs d'usage. Ils sont entrés chez le roi par l'escalier des princes.]

« La députation fut introduite dans la grand'chambre à coucher du roi. S. M. y était assise, couverte, environnée de Monsieur, des grands-officiers de la couronne et de tous les ministres.

» Le maire et la députation se sont approchés de S. M.; Messieurs les députés sont restés debout. M. le maire, seul, a mis un genou en terre, et a prêté, entre les mains du roi, sur le crucifix présenté et soutenu par M. Brousse-Desfaucherets, le serment arrêté par la commune, et conçu en ces termes:

Sire, je jure à Dieu, entre les mains de votre majesté, de › faire respecter votre autorité légitime, de conserver les droits › sacrés de la commune de Paris et de rendre justice à tous. ›

› Après le serment, le maire s'est levé, a pris des mains de l'un des secrétaires un bouquet enveloppé d'une gaze, sur lequel était écrit en lettres d'or: Hommage à Louis XVI, le meilleur des rois; et il l'a offert à S. M., qui l'a reçu avec bonté.

» Ensuite, le maire a présenté M. le commandant général de la garde nationale, M. le commandant, les officiers, etc. » (Procès-verbal de la députation.).

Avant de quitter Versailles, la députation s'assit à un banquet où l'on poussa force cris de vive le roi! vive la famille royale!

SÉANCE DU MERCREDI 26 AQUT.

[On met à la discussion l'art. XXII du projet du sixième bureau, qui porte:

• La contribution publique étant une portion retranchée de la propriété de chaque citoyen, il a le droit d'en constater la nécessité, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée. » M. Duport propose deux amendemens; l'un en ces termes : Par lui-même ou par ses représentans, à ajouter après ces mots, il a le droit; et on l'a adopté unanimement.

Le second amendement tendait à retrancher ces mots: La con

tribution publique étant une portion retranchée de la propriété de chaque citoyen; il est mis à la discussion.

M. Robespierre. La nation a, dit-on, le droit de consentir l'impôt. Poser ainsi le principe, ce n'est pas le consacrer; mais c'est l'altérer. Celui qui a le droit de consentir l'impôt a le droit de le répartir; dès que le pouvoir législatif réside dans les mains de la nation, le droit de la répartition y réside également; elle doit forcer tout citoyen à le payer, et, sans cela, ce droit ne serait plus, étant en la puissance du pouvoir exécutif, qu'un veto qu'il nous opposerait.

Je viens actuellement à la seconde partie de la motion. Tout impôt, y est-il dit, est une portion retranchée de la propriété: je soutiens, au contraire, que c'est une portion de la propriété mise en commun dans les mains de l'administrateur public. Je développe cette idée. Qu'est-ce, en effet, qu'un administrateur, si ce n'est le dépositaire de toutes les contributions? Or, admet on le principe contraire : si c'est une portion retranchée de la propriété, elle n'appartient plus à la nation; la nation n'a plus le droit de lui en faire rendre compte: en conséquence, voici ce que je propose au lieu de l'article XXII du projet du sixième bureau.

Toute contribution publique étant une portion des biens des citoyens mise en commun pour subvenir aux dépenses de la sûreté publique, la nation seule a le droit d'établir l'impôt, d'en régler la nature, la quotité, l'emploi et la durée.

On présente encore beaucoup d'autres modèles d'arrêté. Un curé propose la rédaction suivante :

«Tout subside, par voie d'emprunt ou d'impôt, doit être consenti par la nation; elle peut seule en faire l'assiette, en faire faire le recouvrement, et en fixer la durée. »

Dans la dernière séance, il s'était élevé des orateurs pour établir la thèse attaquée par les préopinans; pour démontrer que l'impôt est une portion retranchée de la propriété. Cependant l'assemblée, sans avoir égard aux projets d'arrêté, s'est contentée de rejeter la phrase qui porte que tout impôt est une portion

retranchée de la propriété ; et elle a adopté, avec cette modification, l'arrêté suivant. C'est celui du sixième bureau, avec les modifications proposées et adoptées :

( Chaque citoyen a le droit, par lui-même ou par ses représentans, de constater la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette et la durée.>

Au lieu de contribution publique, il y avait impôt.

M. de Laville-Leroux fait sentir la différence de ces deux mots: l'un est ce que paie chaque citoyen; l'autre, ce que paie la nation entière.

Cette observation est trouvée judicieuse; et quoique proposée après l'article discuté et passé, l'assemblée n'y a pas eu moins d'égard.

On discute l'article XXIII du projet du sixième bureau, ainsi conçu la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration.

Quatorze amendemens différens sont proposés. Enfin l'assemblée s'arrête à celui de M. Lameth, légèrement amendé; elle l'accepte en ces termes :

Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, et la séparation des pouvoirs déterminée, n'a pas de constitution. >>

Le plus grand nombre des membres veut passer enfin à la constitution; d'autres veulent que l'on ne termine pas la déclaration des droits, sans y insérer un article concernant la propriété.

M. Duport en propose un qui réunit sur-le-champ beaucoup de suffrages, non qu'il n'y ait eu beaucoup d'amendemens, qu'il n'ait été suivi d'une foule d'autres projets; mais il a passé tel que le voici :

< La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. »

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