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elles seront rachetables de la manière qui sera réglée par l'assemblée; et jusqu'au réglement à faire à ce sujet, l'assemblée nationale ordonne que la perception en sera aussi continuée.

VI. Toutes les rentes foncières perpétuelles, soit en nature, soit en argent, de quelque espèce qu'elles soient, quelle que soit leur origine, à quelques personnes qu'elles soient dues, gens de main-morte, domanistes, apanagistes, ordre de Malte, seront rachetables; les champarts de toute espèce, et sous toutes dénominations, le seront pareillement, au taux qui sera fixé par l'assemblée. Défenses seront faites de plus à l'avenir créer aucune redevance non remboursable.

VII. La vénalité des offices de judicature et de municipalité, est supprimée dès cet instant. La justice sera rendue gratuitement. Et néanmoins les officiers pourvus de ces offices, continueront d'exercer leurs fonctions, et d'en percevoir les émolumens, jusqu'à ce qu'il ait été pourvu par l'assemblée aux moyens de leur procurer leur remboursement.

VIII. Les droits casuels des curés de campagne sont supprimés, et cesseront d'être payés aussitôt qu'il aura été pourvu à l'augmentation des portions congrues et à la pension des vicaires; et il sera fait un réglement pour fixer le sort des curés des

villes.

IX. Les priviléges pécuniaires, personnels ou réels, en matière de subsides, sont abolis à jamais. La perception se fera sur tous les citoyens et sur tous les biens, de la même manière et de la même forme; et il va être avisé aux moyens d'effectuer le paiement proportionnel de toutes les contributions, même pour les six derniers mois de l'année d'imposition courante.

X. Une constitution nationale et la liberté publique étant plus avantageuse aux provinces que les priviléges dont quelques-unes jouissaient, et dont le sacrifice est nécessaire à l'union intime de toutes les parties de l'empire, il est déclaré que tous les priviéges particuliers des provinces, principautés, pays, cantons, villes et communautés d'habitans, soit pécuniaires, soit de toute

autre nature, sont abolis sans retour, et demeureront confondus dans le droit commun de tous les Français.

XI. Tous les citoyens, sans distinction de naissance, pourront être admis à tous les emplois et dignités ecclésiastiqués, civiles et militaires, et nulle profession utile n'emportera dérogeance.

XII. A l'avenir il ne sera envoyé en cour de Rome, en la vice légation d'Avignon, en la nonciature de Lucerne, aucuns deniers pour annates ou pour quelque autre cause que ce soit ; mais les diocésains s'adresseront à leurs évêques pour toutes les provi sions de bénéfices et dispenses, lesquelles seront accordées gratuitement, nonobstant toutes réserves, expectatives et partages de mois; toutes les églises de France devant jouir de la même liberté.

XIII. Les déports, droits de cote-morte, dépouilles, vacat, droits censaux, deniers de Saint-Pierre, et autres de même genre établis en faveur des évêques, archidiacres, archiprêtres, chapitres, curés primitifs, et tous autres, sous quelque nom que ce soit, sont abolis, sauf à pourvoir, ainsi qu'il appartiendra, à la dotation des archidiaconés et des archiprêtrés, qni ne seraient pas suffisamrent dotés.

XIV. La pluralité des bénéfices n'aura plus lieu à l'avenir, lorsque les revenus du bénéfice ou des bénéfices dont on sera titulaire, excéderont la somme de trois mille livres. Il ne sera pas permis non plus de posséder plusieurs pensions sur bénéfices, ou une pension et un bénéfice, si le produit des objets de ce genre que l'on possède déjà, excède la même somme de trois mille livres.

XV. Sur le compte qui sera rendu à l'assemblée nationale sur de l'état des pensions, grâces et traitemens, elle s'occupera, concert avec le roi, de la suppression de celles qui n'auraient pas été méritées, et de la réduction de celles qui seraient excessives, sauf à déterminer pour l'avenir une somme dont le roi pourra disposer pour cet objet.

XVI. L'assemblée nationale décrète qu'en mémoire des grandes

et importantes délibérations qui viennent d'être prises pour le bonheur de la France, une médaille sera frappée, et qu'il sera chanté en action de grâces un Te Deum dans toutes les paroisses

et églises du royaume.

XVII. L'assemblée nationale proclame solennellement le roi Louis XVI restaurateur de la liberté française.

XVIII. L'assemblée nationale se rendra en corps auprès du roi, pour présenter à sa majesté l'arrêté qu'elle vient de prendre, lui porter l'hommage de sa plus respectueuse reconnaissance, et la supplier de permettre que le Te Deum soit chanté dans sa chapelle, et d'y assister elle-même.

XIX. L'assemblée nationale s'occupera, immédiatement après la constitution, de la rédaction des lois nécessaires pour le développement des principes qu'elle a fixés par le présent arrêté, qui sera incessamment envoyé par MM. les députés dans toutes les provinces, avec le décret du 10 de ce mois, pour y être imprîmé, publié, même au prône des paroisses, et affiché partout où besoin sera.

On fait lecture d'une proclamation faite au nom du roi, par laquelle sa majesté annonce la suppression de toutes les capitaineries, et mande aux officiers et gardes de continuer leurs fonctions pour le fait seulement de la conservation des moissons et récoltes.

La séance ést levée.]

Pendant que ces controverses agitaient l'assemblée, Paris pa raissait livré à la joie de l'abolition des droits féodaux, et à celle de son organisation militaire naissante; les gardes nationaux promenaient leur uniforme aux trois couleurs; on courait en céré→ monie aux églises faire bénir les drapeaux; en plusieurs lieux, une messe funèbre était chantée pour les hommes morts à la conquête de la liberté; des dames du marché Saint-Martin allaient en procession porter des bouquets et des voeux à sainte Geneviève, patronne de Paris.

Ce fut dans une de ces fêtes de districts que se fit particuliè

rement connaître, l'abbé Cl. Fauchet, prédicateur ordinaire du roi, janséniste, dit-on, et dont nous parlerons plus tard comme fondateur du club des Amis de la Vérité et du Journal des Amis. Il prononça dans une messe funèbre, célébrée par le district Saint-Jacques-l'Hôpital, une oraison, dans laquelle, considérant la conquête de la liberté comme la réalisation de la parole de Jésus, il bénissait les morts de juillet comme les martyrs de la cause éternellement sainte.

Les faux interprètes des divins oracles, s'écriait-il, ont voulu, au nom du ciel, faire ramper les peuples sous les volontés arbitraires des chefs! ils ont consacré le despotisme! ils ont rendu Dieu complice des tyrans ! Ces faux docteurs triomphaient parce qu'il est écrit: rendez à César ce qui est à César. Mais ce qui n'est pas à César, faut-il aussi le lui rendre? Or, la liberté n'est point à César, elle est à la nature humaine. >

Son discours remplit l'esprit de ses auditeurs d'un tel enthousiasme religieux et patriotique, qu'on lui décerna une couronne civique, et que deux compagnies le conduisirent à l'Hôtel-deVille, enseignes déployées et tambour battant. (Révolutions de Paris.)

Cependant, tout à coup, au sein de cette fête, la voix de la méfiance vint se faire entendre, et le peuple se montrer un instant le 6. On arrêta un bateau qui descendait la Seine: il était chargé de poudres qui étaient sorties de l'arsenal sur un ordre signé, pour M. le marquis de La Fayette, La Salle. Il fut dit, et cela était vrai, que ces poudres étaient gâtées, et qu'on les envoyait à Essonne pour être rebattues. Mais le peuple, dans son premier mouvement, rejeta cette justification comme une défaite; il occupa la place de Grève, et courut chercher La Salle, qu'il ne trouva pas. Enfin, la garde nationale se porta en masse sur la place de l'Hôtel-de-Ville, et sans violence, par son nombre seul, en couvrant tout le terrain, elle écarta la population qui l'occu pait auparavant : l'attroupement fut ainsi facilement dissipé. Mais cet événement ajouta aux inquiétudes qui tourmentaient

déjà les hautes classes, en prouvant que le calme n'était qu'apparent.

Aussi, l'assemblée des représentans de la commune, pour attaquer l'émeute dans ce qu'elle en croyait le principe, et éteindre la fermentation qu'avait occasionnée cette affaire, arrêta définitivement, et fit afficher, que le commandant général de la garde nationale prendrait, avec les commandans des districts, les mesures les plus promptes et les plus sûres pour faire cesser les attroupemens séditieux, qu'il ne faut pas confondre avec les assemblées de citoyens paisibles; défendre toutes motions hors des assemblées de districts, et pourvoir à tous autres désordres de la même nature.

› L'assemblée, était-il ajouté, a notamment enjoint aux citoyens de Saint-Roch, Saint-Honoré, l'Oratoire, des PetitsPères, des Filles-Saint-Thomas, et à tous autres, d'assurer l'exécution du présent arrêté, et de maintenir, chacun à son égard, la plus exacte police dans l'étendue de leurs districts respectifs, et de se prêter à cet effet tous secours nécessaires.

› Signé BAILLY, etc.▸

Malgré cet arrêté, les réunions du Palais-Royal continuèrent. Seulement les gardes-françaises se précautionnèrent contre ses dispositions. Ils s'élurent une assemblée de trente-six représentans. On remarque parmi les membres du bureau celui de Vialla,

secrétaire.

Le 12, les ordonnances du roi pour le rétablissement de la paix furent affichées dans Paris.

Il est difficile, dit Loustalot à cette occasion, de ne pas croire que les ravages dont plusieurs châteaux viennent d'être les théâtres, ne soient pas les effets des vexations passées des seigneurs, et de l'animosité de leurs tenanciers........ Que l'on nous cite un seigneur humain, charitable, qui ait été exposé à ces excès, nous renoncerons à notre idée!

› Quelle que soit, au reste, la cause de ces maux, il est souverainement juste d'y porter remède. S. M. charge tous les hommes publics de les prévenir par tous les moyens qui sont en leur pou•

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