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toutes les villes, municipalités et paroisses du royaume, ainsi qu'aux tribunaux, pour y être lu, publié, affiché et inscrit dans les registres.

On revient à la discussion sur la rédaction du procès-verbal de la séance du 4.

M. le comte de Mirabeau. Je voudrais rendre sensible combien l'article VII, de la rédaction duquel vous êtes occupés, exprime mal vos intentions.

Vous n'avez pas pu, je le soutiens, Messieurs, statuer ce que semble dire cet article; savoir, que la dîme serait représentée par une somme d'argent toute pareille; car elle est si excessivement oppressive, que nous ne pourrions, sans trahir nos plus saints devoirs, la laisser subsister, soit en nature, soit dans un équivalent proportionnel. Il me sera facile de le démontrer en deux mots.

Supposons le produit d'une terre quelconque à douze gerbes.

Les frais de culture, semences, récoltes, entretien, etc., en emportent au moins la moitié, ci.... 6 Les droits du roi sont évalués à un huitième de la récolte; ci, une gerbe et demie....

Droit du roi de nouveau, pour l'année de jachère..

Reste au cultivateur seulement trois gerbes..
Dont il donne au décimateur..

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Il lui reste les deux tiers de son produit net...... Le décimateur emporte donc le tiers de la portion nette du cultivateur.

Si, à cet aperçu, qui, loin d'être exagéré, porte sur une moyenne proportionnelle très-affaiblie, vous joignez les considérations d'économie politique, qui peuvent servir à apprécier cet impôt, telles que la perception d'un tel revenu sans participer aux avances, ni même à tous les hasards; l'enlèvement d'une grande portion des pailles dont chaque champ se trouve dé

pouillé, et qui prive par conséquent le cultivateur d'une partie considérable de ses engrais; enfin la multiplicité des objets sur lesquels se prélève la dîme, les lins, les chanvres, les fruits, les olives, les agneaux, quelquefois les foins, etc., vous prendrez une idée juste de ce tribut oppressif, que l'on voudrait couvrir du beau nom de propriété.

Non, Messieurs, la dîme n'est point une propriété; la propriété ne s'entend que de celui qui peut aliéner le fonds; et jamais le clergé ne l'a pu. L'histoire nous offre mille faits de suspension de dîmes, d'application de dîmes en faveur des seigneurs, ou à d'autres usages, et de restitution ensuite à l'Église : ainsi les dimes n'ont jamais été pour le clergé que des jouissances annuelles, de simples possessions révocables à la volonté du souverain.

Il y a plus, la dîme n'est pas même une possession, comme on l'a dit; elle est une contribution destinée à cette partie du service public qui concerne les ministres des autels; c'est le subside avec lequel la nation salarie les officiers de morale et d'instruction.

(De violens murmures s'élèvent parmi les membres du clergé.) J'entends, à ce mot salarier, beaucoup de murmures, et l'on dirait qu'il blesse la dignité du sacerdoce; mais, Messieurs, il serait temps, dans cette révolution qui fait éclore tant de sentimens justes et généreux, que l'on abjurât les préjugés d'ignorance orgueilleuse qui font dédaigner les mots salaires et salariés. Je ne connais que trois manières d'exister dans la société : il faut y être mendiant, voleur, ou salarié. Le propriétaire n'est luimême que le premier des salariés. Ce que nous appelons vulgairement sa propriété, n'est autre chose que le prix que lui paie la société pour les distributions qu'il est chargé de faire aux autres individus par ses consommations et ses dépenses : les propriétaires sont les agens, les économes du corps social.

Quoi qu'il en soit, les officiers de morale et d'instruction doivent tenir sans doute une place très-distinguée dans la hiérarchie sociale; il leur faut de la considération, afin qu'ils s'en montrent

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dignes; du respect même, afin qu'ils s'efforcent toujours davantage d'en mériter; il leur faut de l'aisance, pour qu'ils puissent être bienfaisans. Il est juste et convenable qu'ils soient dotés d'une manière conforme à la dignité de leur ministère, et à l'importance de leurs fonctions; mais il ne faut pas qu'ils puissent réclamer un mode pernicieux de contribution comme une propriété.

Je ne sais pourquoi on leur disputerait que la dîme est d'institution nationale; elle l'est en effet, et c'est à cause de cela même que la nation a le droit de la révoquer et d'y substituer une autre institution. Si l'on n'était pas enfin parvenu à dédaigner autant qu'on le doit la frivole autorité des érudits en matière de droit naturel ou public, je défierais de trouver à propos des dîmes, dans les capitulaires de Charlemagne, le mot solverint ; c'est dederint que l'on y rencontre toujours; mais qu'importe? La nation abolit les dîmes ecclésiastiques, parce qu'elles sont un moyen onéreux de payer la partie du service public auquel elles sont destinées, et qu'il est facile de les remplacer d'une manière moins dispendieuse et plus égale.

Quant aux dîmes inféodées et laïques, le préopinant a tout dit. Il a bien exposé le principe, que la propriété n'appartient réellement qu'à celui qui peut transmettre, et qu'on troublerait tout en remontant au travers du commerce des propriétés pour jeter des doutes sur le titre primitif.

M. l'évêque de Perpignan défend la dime en nature, non pas cependant comme une propriété ecclésiastique, car il convient qu'elle est une propriété nationale; mais il la défend par des principes de religion et de morale. Il dit que la suppression des dîmes va priver de tout secours les pauvres dont le clergé prend soin; il prie la nation de prendre en considération l'état de cette classe malheureuse. Après avoir fait sentir combien cette matière est délicate et difficile à approfondir, il demande que l'article VII du projet d'arrêté soit laissé provisoirement tel qu'il a été décrété, et que la discussion se borne à la simple rédaction.

Il a été décidé que la discussion serait continuée dans la séance de ce soir.

SÉANCE DU MARdi 11 aout, au soir.

La séance est ouverte par la lecture du mémoire envoyé par le syndic des banquiers expéditionnaires en cour de Rome, sur les annates. Ce mémoire présente comme impolitique la suppression de cette contribution, qui est modique, et qui facilite le commerce de la France avec l'Italie.

M. Camus combat ce mémoire. Il fait l'historique des annates, qu'il prouve être un des abus les plus crians, en attirant chaque année à la cour de Rome des sommes considérables, perdues pour la France. Il présente avec le même intérêt les détails sur les droits de déport, et en fait sentir l'indécence et le ridicule. Il propose une addition à l'article XIV, portant que les évêques seront tenus d'expédier les provisions des bénéfices, sans frais. Plusieurs membres proposent des observations; mais l'article est décrété tel qu'il a été rédigé par M. Camus.

On décrète successivement tous les autres articles, avec les changemens et modifications proposés par quelques membres. Nous les transcrivons tous, tels qu'ils ont été rédigés et décrétés dans les différentes séances.

Art. Ier. L'assemblée nationale détruit entièrement le régime féodal. Elle décrète que, dans les droits et devoirs, tant féodaux que censuels, ceux qui tiennent à la main-morte réelle ou personnelle, et à la servitude personnelle, et ceux qui les représentent, sont abolis sans indemnité; tous les autres sont déclarés rachetables, et le prix et le mode du rachat seront fixés par l'assemblée nationale. Ceux desdits droits qui ne sont point supprimés par ce décret, continueront néanmoins à être perçus jusqu'au remboursement.

II. Le droit exclusif des fuies et colombiers est aboli.

Les pigeons seront enfermés aux époques fixées par les communautés; durant ce temps, ils seront regardés comme gibier,

et chacun aura le droit de les tuer sur son terrain.

III. Le droit exclusif de la chasse et des garennes ouvertes est

pareillement aboli, et tout propriétaire a le droit de détruire et faire détruire, seulement sur ses possessions, toute espèce de gibier, sauf à se conformer aux lois de police qui pourront être faites relativement à la sûreté publique.

Toute capitainerie, même royale, et toute réserve de chasse, sous quelque dénomination que ce soit, sont pareillement abolies; et il sera pourvu, par des moyens compatibles avec le respect dû aux propriétés et à la liberté, à la conservation des plaisirs personnels du roi.

M. le président sera chargé de demander au roi le rappel des galériens et des bannis pour simple fait de chasse, l'élargissement des prisonniers actuellement détenus, et l'abolition des procédures existantes à cet égard.

IV. Toutes les justices seigneuriales sont supprimées sans aucune indemnité; et néanmoins les officiers de ces justices continueront leurs fonctions jusqu'à ce qu'il ait été pourvu par l'assemblée nationale à l'établissement d'un nouvel ordre judiciaire. V. Les dimes de toute nature, et les redevances qui en tiennent lieu, sous quelque dénomination qu'elles soient connues et perçues, même par abonnement, possédées par les corps séculiers et réguliers, par les bénéficiers, les fabriques, et tous gens main-morte, même par l'ordre de Malte, et autres ordres religieux et militaires, même celles qui auraient été abandonnées à des laïcs, en remplacement et pour option de portions congrues, sont abolies, sauf à aviser aux moyens de subvenir d'une autre manière à la dépense du culte divin, à l'entretien des ministres des autels, au soulagement des pauvres, aux réparations et reconstructions des églises et presbytères, et à tous les établissemens, séminaires, écoles, colléges, hôpitaux, communautés et autres, à l'entretien desquels elles sont actuellement affectées.

Et cependant, jusqu'à ce qu'il y ait été pourvu, et que les anciens possesseurs soient entrés en jouissance de leur remplacement, l'assemblée nationale ordonne que lesdites dimes continueront d'être perçues suivant les lois et en la manière accoutumée.

Quant aux autres dimes, de quelque nature qu'elles soient,

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