Page images
PDF
EPUB

dans la forme observée pour les secrétaires, et que les membres seront renouvelés ou réélus tous les mois.

On élève la question de savoir si ce comité sera permanent.

Il est décidé que le comité changera tous les mois.]

--Les séances des 29,30 et 31 juillet furent occupées par l'élection des membres du comité arrêté dans la réunion précédente, et par quelques discussions sur le réglement intérieur de l'assemblée. Une discussion qui s'était établie à Paris, entre les électeurs et le district, donna quelque intérêt à la séance du 30.

M. Necker s'était rendu à Paris, moins pour remercier la ville, que pour obtenir la grâce de M. de Bezenval, qui, arrêté dans sa fuite, était amené à Paris, et pour lequel on craignait le sort de Foulon et de Berthier. Le ministre avait en vain écrit à ceux qui s'étaient emparés de cet homme : il n'avait rien obtenu. Il fut plus heureux auprès des électeurs de Paris: il obtint d'eux une déclaration d'amnistie, et se retira avec cette promesse à Versailles. Mais les districts de Paris réclamèrent: ils nièrent aux électeurs, comme à tout autre individu, le droit de faire grâce pour les crimes de lèse-nation. Ces derniers expliquèrent qu'ils n'avaient voulu que bannir ce système de justice violente qui avait été appliqué les jours précédens. Ce débat vint retentir à l'assemblée nationale qui y mit fin en ordonnant le renvoi de Bezenval pardevant le Châtelet.

Cependant, le 30 juillet, les électeurs cessèrent leurs fonctions municipales, et les remirent à une assemblée de cent vingt membres, composée de deux députés envoyés par chacun des soixante districts. Cette dernière réunion avait été formée sur l'appel des électeurs eux-mêmes, afin d'organiser la municipalité parisienne. Ils se déclarèrent Représentans de la commune de Paris le 29, et se saisirent du pouvoir qui leur fut cédé le 30. Ils acceptèrent d'ailleurs tous les arrêtés pris par leurs prédé

cesseurs.

C'est donc ici l'occasion de citer l'un de ces derniers arrêtés qui marque le plus nettement l'esprit de réaction qui commençait à animer la haute bourgeoisie. Le 24, le comité provisoire, sur la

représentation qu'il se vendait publiquement par les colporteurs et autres, dans les rues de Paris, des imprimés calomnieux propres à produire une fermentation dangereuse arrêta... que tous les colporteurs ou distributeurs de pareils écrits, sans nom d'imprimeur, seront conduits en prison par les patrouilles, et que les imprimeurs qui donneront cours à de pareils imprimés, sans pouvoir d'auteur ayant une existence connue, en seront rendus garans et responsables. Et sera le présent arrêté imprimé, affiché et envoyé à tous les imprimeurs.

SÉANCE DU SAMEDI 1er AOUT.

[On commence la discussion sur la constitution par cette question: Mettra-t-on ou ne mettra-t-on pas une déclaration des droits de l'homme et du citoyen à la tête de la constitution?

56 orateurs se font inscrire.

M. Durand de Maillane. Je suis chargé par mon bailliage de réclamer une déclaration des droits de l'homme, qui serve de base à la constitution, et de guide pour tous les travaux de l'assemblée. Cette déclaration, qui devrait être affichée dans les villes, dans les tribunaux, dans les églises même, serait la première porte par laquelle on devrait entrer dans l'édifice de la constitution nationale. Un peuple qui a perdu ses droits, et qui les réclame, doit connaître les principes sur lesquels ils sont fondés, et les publier. Ce sont des vérités premières absolument nécessaires pour établir une constitution; c'est de là, comme d'une source, que doivent découler les lois positives. Quelques personnes semblent redouter la publication de ces principes. Le peuple sera plus soumis aux lois lorsqu'il connaîtra leur origine et leurs principes.

M. de Créniere. Je viens vous présenter ce que j'ai médité dans le calme de la retraite et d'une existence obscure. Je n'ai eu pour guide que ma raison, pour mobile que l'amour de l'humanité. Les Français demandent et veulent une constitution libre. J'ai juré à mes commettans de la demander pour eux; mais avant de faire une constitution, déterminons le sens qu'il faut donner à ce mot. La constitution d'un peuple n'est pas, selon moi, une loi

ni un code de lois dites improprement constitutionnelles. L'établissement des lois suppose quelque chose d'antérieur; un peuple a dû exister avant d'agir, être constitué avant de s'organiser.

Il me semble encore que la constitution d'un peuple ne peut pas avoir pour objet de fixer la manière de faire les lois et de les faire exécuter; car le peuple a toujours le droit de changer et d'adopter tel ou tel mode de législation, quand il le veut; or, d'après le principe d'un fameux publiciste qui dit que la constitution donne l'existence au corps politique, et que la législation lui donne la vie et le mouvement, on ne peut changer la constitution sans dissoudre la société, tandis qu'on peut changer, et qu'un peuple doit chercher même les moyens les plus propres à donner à la machine le meilleur mouvement possible.

La constitution d'un peuple enfin ne peut pas être un contrat entre ce peuple et son chef. Un contrat suppose une obligation réciproque, mais entre un peuple et son chef, il ne peut pas y en avoir d'absolue, puisqu'une des parties pourrait l'annuler à chaque instant. Qu'est-ce donc que la constitution d'un peuple? Il faut que je m'explique avant de répondre.

L'homme, dans l'état de nature, n'est ni libre ni esclave; il n'a ni droit à exercer, ni devoir à remplir. En entrant en société, il contracte des devoirs, mais il n'a pu s'imposer des devoirs sans acquérir des droits équivalens ; il n'a pu faire le sacrifice de son indépendance naturelle, sans obtenir en échange la liberté politique. Les droits qu'il acquiert par l'acte de son association sont donc naturels ; ils sont, par la même raison, imprescriptibles, et ils sont la base de cette même association.

C'est l'établissement de ces droits naturels et imprescriptibles, antérieur aux lois qui n'établissent que des droits positifs ou relatifs, que j'appelle la constitution d'un peuple.... Tous les peuples ont donc la même constitution, tacite ou exprimée, puisqu'ils ont tous les mêmes droits; ils les tiennent de la nature. Gravés dans le cœur des peuples libres, ils sont même empreints sur leurs fers, s'ils sont esclaves. Ces principes sont le code naturel de toutes les sociétés de l'univers.

T. II.

13

On m'objectera, sans doute, que des exemples récens ont appris à étendre davantage le sens du mot de constitution. A cela, je répondrai que le principal vice des constitutions modernes est d'avoir établi, par le même acte, des droits de différente nature; d'avoir confondu ce qui donne l'existence au corps politique avec ce qui le conserve; en un mot, la constitution du peuple avec ses institutions.

C'est de cette confusion que naissent les abus qui se trouvent dans la plupart des constitutions établies. On a regardé comme droits immuables, des institutions qui doivent changer selon les temps, parce que les mœurs changent selon les circonstances, ainsi que les besoins et les rapports politiques.

Pour juger de la vérité de ce que je dis, faisons un peu attention aux effets d'une constitution mixte chez un peuple voisin; car une constitution est vicieuse toutes les fois qu'elle présente comme constitutionnel ce qui n'est que d'institution, et comme absolument nécessaire ce qui n'est que relatif.

Quels sont donc les droits naturels et imprescriptibles dont l'énonciation doit seule faire l'acte de la constitution d'un peuple? ils sont connus et évidens; ils ne demandent pas de grandes recherches.

Toute association étant volontaire, la volonté seule des associés peut déterminer leurs rapports réciproques; toute société existant par un pacte, et ne pouvant se conserver que par l'établissement des lois et l'action des lois, les hommes en se réunissant, se sont nécessairement imposé le devoir de se soumettre aux lois et de reconnaître l'autorité chargée de les faire exécuter: de là le droit imprescriptible de faire leurs lois, de créer, conserver, circonscrire et déterminer l'autorité qui les exécute.

C'est d'après ces principes que j'ai rédigé le projet suivant :

Les Français, considérant qu'il leur était impossible de s'assembler tous dans un même lieu, et de se communiquer leurs intentions, s'ils s'assemblaient dans des lieux différens, ont librement choisi dans chaque province ou dans chaque partie de pro

vince, des mandataires qu'ils ont envoyés à Versailles pour les

constituer en peuple libre.

Fidèles aux ordres de leurs commettans, dont ils exercent les droits et expriment les volontés, ces mandataires constitués en assemblée nationale ont déclaré et déclarent à jamais :

1° Que la volonté du plus grand nombre étant la loi de tous, chaque citoyen a droit de concourir à la formation des lois en exprimant son vœu particulier;

2o Que chaque citoyen doit être soumis aux lois, et qu'il ne doit, dans aucun cas, être forcé d'obéir à des volontés privées ; 3° Que chaque citoyen a le droit de concourir à l'institution du pouvoir chargé de faire exécuter les lois;

4° Que chaque citoyen a le droit de demander la conservation ou l'abrogation des lois et des institutions existantes, et la création de lois et d'institutions nouvelles ;

5° Que le pouvoir législatif et institutif appartenant essentiellement au peuple, chaque citoyen a le droit de concourir à l'organisation de tous les pouvoirs ;

6° Que l'exercice de ce pouvoir peut être confié à des mandataires nommés par les habitans de chaque province, dans un nombre proportionné à celui des commettans;

7° Que l'époque de la tenue des assemblées nationales, leur durée ou la permanence même de l'une de ces assemblées, ne peuvent être déterminées que par la volonté des citoyens, exprimée par eux ou par leurs mandataires;

8° Qu'aucuns impôts, sacrifices ni emprunts ne peuvent être faits, exigés, ni perçus sans le consentement du peuple;

9° Qu'enfin, ces droits étant naturels, imprescriptibles, ils doivent être inviolables et sacrés ; qu'on ne peut y porter atteinte sans se rendre coupable du crime irrémissible de lèse-nation qu'appartenant indistinctement àtous les citoyens, ils sont tous libres, tous égaux aux yeux de la loi ; et qu'ayant tous les mêmes droits, ils ont aussi les mêmes devoirs et les mêmes obligations. C'est ainsi que je vois, que j'entends l'acte de la constitution d'un peuple.

« PreviousContinue »