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La séance est levée à six heures.

D'après la proclamation de la prochaine séance royale, l'ordre de la noblesse et celui du clergé ont suspendu leurs séances.

SÉANCE DU LUNDI 22 JUIN AU MATIN.

Communes.

Des hérauts d'armes ont proclamé aujourd'hui à huit heures du matin le renvoi de la séance royale à demain 23.

L'entrée de la salle nationale étant toujours interdite par des gardes, les membres de l'assemblée se sont réunis d'abord aux Récollets, ensuite en l'église de Saint-Louis qui offrait un emplacement plus vaste et plus commode.

L'assemblée ayant été formée vers les onze heures dans la nef, M. Bailly a dit qu'un héraut d'armes lui avait apporté, à deux heures après minuit, une lettre du roi, écrite de la main de sa majesté, et conçue en ces termes :

A M. Bailly, président de l'ordre du Tiers-état.

« Je vous préviens, Monsieur, que la séance que j'avais indiquée pour lundi, n'aura lieu que mardi à dix heures du matin, et que la salle ne sera ouverte que pour ce moment.

› 21 juin 1789.

Signé, LOUIS.>

›J'ai chargé le grand-maître des cérémonies de vous faire tenir ma lettre.›

M. de Brezé, en envoyant à M. Bailly la lettre du roi, lui a écrit ainsi :

<J'ai l'honneur de vous envoyer, Monsieur, une lettre que le roi m'a ordonné de vous faire tenir. Je vous prie de vouloir bien m'en accuser la réception.

Je suis avec respect, M. le président, votre, etc.

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« J'ai reçu, Monsieur, la lettre du roi qui m'est adressée, et

que sa majesté vous a chargé de me faire tenir.

> J'ai l'honneur d'être, Monsieur, votre, etc.

Signé, BAILLY.

On lit le procès-verbal de la séance tenue le samedi 20 juin, dans la salle du Jeu de Paume. Cette lecture faite, on admet au serment ceux des membres de l'assemblée nationale qui, pour cause d'absence ou de maladie, n'avaient pu se trouver à la séance de samedi. Plusieurs de MM. les suppléans s'étant aussi prẻsentés, et ayant demandé à adhérer à l'arrêté par leur signature, l'assemblée le leur accorde.

Vers midi et demi, M. Bailly annonce qu'il vient d'être prévenn que la majorité du clergé doit se rendre dans l'assemblée à une heure; que MM. les ecclésiastiques qui s'y trouvent sont priés de se rendre chez M. l'archevêque de Bordeaux.

Aussitôt les membres de l'assemblée nationale qui occupaient les sièges vers le haut de la nef, près du sanctuaire, s'empressent de céder leurs places comme les plus distinguées.

Quelques momens après, M. Laffon de Ladebat, au nom des opposans au mandat et à l'élection des députés nobles de la sénéchaussée de Bordeaux, demande à être admis avec ses co-députés, et que la contestation soit jugée par l'assemblée nationale.

L'assemblée donne acte à M. de Ladebat de sa demande, et renvoie le jugement de la contestation sur les pouvoirs de ses députés, au comité de vérification.

Vers deux heures, le clergé s'assemble dans le chœur de l'église Saint-Louis, pour faire, à haute voix, l'appel des cent quaranteneuf députés du clergé qui ont signé la déclaration du vendredi 19 juin, pour la vérification commune.

Pendant l'appel, des applaudissemens s'élèvent, lorsqu'on entend nommer MM. l'archevêque de Bordeaux, l'évêque de Chartres, l'archevêque de Vienne, l'évêque de Rhodèz, Thibault, curé de Souppes, Grégoire, curé d'Emberménil et trois autres curés, députés du Poitou, qui les premiers ont donné l'exemple patrio· tique de la réunion. L'appel fini, le clergé envoie une députation à la tête de laquelle est M. l'évêque de Chartres, qui annonce que la majorité de l'ordre du clergé ayant pris la délibération de se

réunir pour la vérification commune des pouvoirs, il est chargé d'en prévenir l'assemblée, et de demander sa place dans la salle. nationale.

M.le président répond que MM. les députés de Vienne et l'ordre du clergé seront reçus avec tout l'empressement et le respect qui leur est dû, et que leur place ordinaire de préséance est libre pour les recevoir.

Un moment après, M. de Pompignan, archevêque de Vienne, entre suivi de trois autres prélats, et de tous les ecclésiastiques formant la majorité; ils prennent la place qui leur est destinée.

Le silence qui régnait lorsque les portes du chœur se sont ouvertes, est bientôt interrompu par des applaudissemens et des acclamations universels. Au milieu de cette scène attendrissante, M. l'archevêque de Vienne prend la parole, et dit ;

Messieurs, nous venons avec joie exécuter l'arrêté pris par la majorité des députés de l'ordre du clergé aux États-Généraux. Cette réunion, qui n'a aujourd'hui pour objet que la vérification commune des pouvoirs, est le signal, et je puis dire, le prélude de l'union constante qu'ils désirent avec tous les ordres, et particulièrement avec celui de Messieurs les députés des communes.

M. le Président. Messieurs, vous voyez la joie et les acclamations que votre présence fait naître dans l'assemblée. C'est l'effet d'un sentiment bien pur : l'amour de l'union et du bien public. Vous sortez du sanctuaire, Messieurs, pour vous rendre dans cette assemblée nationale, où nous vous attendions avec tant d'impatience. Par une délibération où a présidé l'esprit de justice et de paix, vous avez voté cette réunion désirée. La France bénira ce jour mémorable; elle inscrira vos noms dans les fastes de la patrie, et elle n'oubliera point surtout ceux des dignes pasteurs qui vous ont précédés, et qui vous avaient annoncés et promis à notre empressement. Quelle satisfaction pour nous, Messieurs! Le bien dont le désir est dans nos cœurs, le bien auquel nous allons travailler avec courage et avec persévérance, nous le ferons avec vous, nous le ferons en votre présence : il sera l'ouvrage de la paix et de l'amour fraternel.

Il nous reste encore des vœux à former je vois avec peine que des frères d'un autre ordre manquent à cette auguste famille; mais ce jour est un jour de bonheur pour l'assemblée nationale; et s'il m'est permis d'exprimer un sentiment personnel, le plus beau jour de ma vie sera celui où j'ai vu s'opérer cette réunion, et où j'ai eu l'honneur de répondre au nom de cette auguste assemblée, et de vous adresser ses sentimens et ses félicitations.

M. l'archevêque de Vienne. Je remets sur le bureau la liste imprimée des membres du clergé qui ont voté pour la vérification commune des pouvoirs en commun.

M. le président propose d'inviter MM. du clergé à nommer seize de leurs membres dont les pouvoirs sont vérifiés, ou le seront sur le champ, pour entrer dans le comité de vérification, et concourir à l'examen et au rapport, tant des pouvoirs qui restent ci-devant à vérifier, que de ceux qui seront remis par MM. du Clergé.

Cette proposition étant acceptée par l'assemblée, on nomme MM. l'archevêque de Bordeaux, député de la sénéchaussée de Bordeaux; l'abbé d'Abbecourt, député de la vicomté de Paris; l'abbé de Villeneuve, député de Marseille; l'abbé Charrier de la Roche, Prévôt, curé d'Ainay, député de Lyon; Gouttes, curé d'Argilliers.

M. l'archevêque de Vienne requiert au nom des députés de son ordre, la communication du procès-verbal de la vérification des pouvoirs, afin d'en prendre connaissance et d'y faire les observations que le cas pourrait exiger.

L'assemblée ordonne cette communication.

M. Target. Messieurs, dans ce jour consacré pour jamais dans la mémoire des hommes, dans ce jour que la providence semble avoir voulu rendre plus solennel en convertissant le temple de la religion en temple de la patrie, il n'est point d'évènement heureux pour elle, qu'on ne doive s'empresser de communiquer au meilleur des rois. Je vous prie donc, Messieurs, de voter pour que la liste honorable que le clergé vient de vous remettre, soit

mise sous les yeux du roi, comme la marque de notre respect et le gage du bonheur public.

M. l'archevêque de Bordeaux. Nous avons de bons frères qui ne sont pas ici ; ils se rendront au vœu de la nation, nous vous prions de suspendre ce mouvement de patriotisme, pour leur donner le temps de se réunir à nous.

M. le marquis de Blacons et M. d'Agoult, députés de la noblesse du Dauphiné, se présentent pour faire vérifier leurs pouvoirs en commun; ils sont reçus avec les plus vifs applaudissemens.

M. le marquis de Blacons. Messieurs, la réunion de la majeure partie du clergé ayant levé tous les obstacles que présentaient nos mandats, nous venons réclamer la vérification de nos pouvoirs en commun, et la communication de ceux déjà vérifiés.

MM. de Blacons et d'Agoult remettent leurs pouvoirs sur le bureau ; l'assemblée en renvoye l'examen et le rapport au comité de vérification.

La séance est levée, et sera continuée demain à neuf heures du matin, au lieu ordinaire de l'assemblée.

Clergé.

Les membres du clergé qui étaient d'avis de faire la vérification en commun, se sont réunis chez M. l'archevêque de Bordeaux, pour se rendre ensuite dans l'église paroissiale de SaintLouis, où MM. des communes étaient assemblés. Cent-quaranteneuf membres s'y sont trouvés; ils avaient envoyé auparavant quatre députés à M. le cardinal de la Rochefoucauld, avec la déclaration suivante :

Le recensement final des opérations dans l'affaire qui fut discutée, vendredi dernier, par les députés du clergé, ayant établi que l'avis favorable à la vérification des pouvoirs en commun obtenait la majorité des suffrages, les adhérens à l'avis de la majorité attendaient le moment où tous les députés de l'ordre se trouveraient réunis, pour aviser à l'exécution de leur arrêté.

Un événement imprévu a suspendu la séance qui devait avoir lieu, et cette séance royale est remise à demain mardi.

L'ordre du Tiers s'assemble en ce moment à Saint-Louis; la

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