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du Palais-Royal, arrivèrent à Caen ; ils avaient le costume militaire, et portaient à leur boutonnière le ruban tricolore avec les portraits de Philippe et de Necker.

Ils entrent dans un café, et provoquent plusieurs dragons de Bourbon qui s'y trouvaient. Une rixe s'élève; les dragons, traités d'aristocrates, s'élancent sur les deux Parisiens et leur arrachent l'étrange décoration qu'ils portaient, quelques mutins s'écrient que les dragons sont des contre- révolutionnaires qui viennent de fouler aux pieds les couleurs de la nation. Maltraités, ils tirent leurs sabres et se défendent. Les factieux courent aux églises et sonnent le tocsin, le peuple sort en foule, armé d'outils, de broches et de bâtons. On s'écrie que Belzunce est le seul coupable, que c'est un aristocrate et qu'il mérite la mort. Le peuple, toujours aveugle dans sa fureur, se livre aux perfides conseils de ceux qui l'égarent. On se porte aux casernes, on demande la tête de Belzunce.

zette de Paris, par du Rosoy. La Feuille du Jour, par Parisot, Le Mercure par Mallet du Pan.

Toutes ces gazettes avaient plus ou moins d'abonnés. Ce commerce produisait annuellement un bénéfice de plus de trois millions.

III.

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Les dragons, indignés, veulent monterà che val et charger les factieux. Le major, au lieu de prendre ce parti, le seul qui pût empêcher sa mort, cherche à parlementer, il envoie vers les mutins un officier nommé de la Saussaye. Celui-ci n'a pas ouvert la bouche qu'il tombe assassiné. Le régiment s'indigne, l'imprudent Belzunce retient ses soldats, et, par une grandeur d'ame hors de saison, il veut s'exposer seul à un peuple irrité. Il annonce aux mutins qu'il est prêt à se rendre avec eux à l'Hôtel-de-Ville, pour se justifier des crimes dont on l'accuse. Sa proposition est acceptée, mais ses dragons ne le laissent aller que sur otages. Belzunce paraît à l'Hôtel-de-Ville, et prouve son innocence aux municipaux, qui, n'osant le renvoyer au quartier-général, le font mettre en prison au château. Sur ces entrefaites, arrive le commandant de la province. Il est d'abord entouré des factieux qui le prient ou plutôt le somment de faire sortir de suite de Caen le régiment de Bourbon. Au lieu de leur résister, le commandant leur accorde ce qu'ils demandent. Le régiment s'éloigne en frémissant, et demande son major, que l'on ne peut, dit-on, lui renvoyer que lendemain. Les otages sont rendus rien ne peut sauver l'infortuné Belzunce.

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Le régiment est à peine à deux lieues de Caen, que ces barbares enlèvent le major de sa prison; ils le traînent sur la place SaintPierre et le frappent à coups de bâton sur la tête. Belzunce arrache, des mains d'un de ses bourreaux, une barre de fer avec laquelle il renverse tous ceux qui l'approchent; des coups de fusil sont tirés sur lui, il reste debout; les balles vont percer, dans la foule, des curieux ou des assassins; ce singulier combat dure plus d'une heure. Enfin le malheureux tombe couvert de blessures; la populace effrénée se jette sur son corps, déchire ses habits; des femmes dansent autour de la victime et trempent dans son sang leurs mouchoirs. qu'elles sucent ensuite avec avidité. Il expire; et ces furies outragent son cadavre de la manière la plus révoltante. Les cannibales se le partagent pour en faire un affreux repas !!! La plume se refuse à peindre de pareilles horreurs, et le lecteur refusera d'y croire'.

1 En entendant raconter, dans un salon de Paris, cette horrible scène, un des coryphées de l'assemblée nationale, le trop fameux M*** s'écria: « Que voulez-vous dire à cela? La révolution suit son cours; sachez que liberté est une g.... qui veut être caressée sur des tas de cadavres. » :

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Au mois d'août, le Forez, le Lyonnais, le Maconnais, l'Alsace, la Franche-Comté, servirent successivement de théâtre aux ravages de deux mille bandits, sortis presque tous de Paris. Armés de la torche et du poignard, ces scélérats lisaient sur les places publiques de faux décrets de l'assemblée, qui leur enjoignaient de piller, démolir, brûler les châteaux, et de massacrer tous les aristocrates, sans forme de procès. On était assez faible pour les croire, et assez lâche pour les laisser faire. On compte plus de douze mille victimes de leurs fureurs. Les hideux détails de leurs sanglants exploits nous font voir des gentilshommes empalés, leurs épouses, leurs filles violées et massacrées, des enfants au berceau portés sur des baïonnettes, en un mot toutes les atrocités dont peuvent être capables des scélérats excités et soutenus par une faction puissante, et qui sont sûrs de l'impunité.

Lassés de tant de cruautés et d'incendies, les honnêtes gens se rallient et courent aux armes. Les brigands, battus dans un combat, prennent poste à Urigny près Macon; on emporte ce camp d'assaut, tous ceux que l'on peut prendre sont pendus ou passés au fil de l'épée, le reste se disperse et se cache, et cette

partie de la France respire enfin après tant de malheurs et d'atrocités. E

A la même époque, la ville d'Orléans faillit être entièrement dévastée par ces apôtres de la liberté. Le courage et l'énergie de ses habitants la sauvèrent, et l'on peut dire qu'elle apprit au reste de la France comment on peut échapper à la rage des factions.

Une foule de prolétaires et de gens sans aveu venait d'arrêter un convoi considérable de blé, à l'entrée du faubourg Bannier; ce blé avait été acheté par le comité des subsistances d'Orléans, pour subvenir perpétuellemont aux besoins des pauvres et des hôpitaux de la ville. Les représentations les plus pressantes, les réclamations les plus énergiques ne purent empêcher le pillage de ce convoi. On était occupé à descendre les sacs des charrettes, lorsque deux cents volontaires armés, soutenus d'un escadron de cavalerie, arrivent et s'élancent sur les pillards. Un combat s'engage, les voleurs prennent fuite, on en tue a une vingtaine, on en met trente en prison; le tumulte paraissait apaisé, lorsque sur les midi, trois mille mutins, conduits par un marchand nommé R***, et par un militaire d'une taille gigantesque, nommé Desboeufs, parais

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