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lui conseillent de se sauver à Metz, avec tout ce qui lui reste de soldats fidèles qui, dans cette ville fortifiée, lui feront un rempart assuré; des courtisans, plus perfides ou plus prudents, lui représentent qu'il n'a d'autre parti à prendre que de se jeter entre les bras des états-généraux, et de suivre tous leurs mouvements. Le premier parti était le plus généreux, mais le second promettait moins d'éclat et plus de facilité dans l'exécution.

Le 15, au matin, l'assemblée envoie une députation au monarque; au lieu de la recevoir, il déclare qu'il va se rendre au sein de l'assemblée. Il s'y rend en effet une heure après, sans autre escorte que celle de ses deux

taient l'énergie et la fermeté, avaient eu recours à la plus odieuse calomnie. Ils répandaient le bruit qu'à l'insu du roi on devait dissoudre l'assemblée, et pendre une cinquantaine des députés les plus coupables. On devait pendre aussi la meilleure partie des électeurs de Paris, et faire arrêter le duc d'Orléans; Paris devait être occupé par les troupes, qui se seraient emparées des barrières. Le pillage du Palais-Royal était permis aux soldats ; l'autorité civile devait être remise au parlement. Monseigneur le comte d'Artois et le baron de Breteuil devaient se mettre à la tête de l'entreprise. C'est à l'occasion de ce complot chimérique, que les factieux étaient parvenus à faire proscrire, par un peuple imbécille et furieux, le plus jeune des frères du roi,

frères. Il est sans pompe, sans suite, sans aucune marque de cet appareil brillant dont il était décoré lors de la dernière séance royale. Son visage exprime l'abattement et la douleur, on y démêle toutefois, à travers les voiles de la tristesse, le calme d'une conscience pure. Debout et découvert, il prononce le discours suivant :

« Messieurs, je vous ai rassemblés, pour vous consulter sur les affaires les plus importantes de l'état; il n'en est pas de plus instante et qui affecte plus sensiblement mon cœur que les désordres qui règnent dans la capitale. Le chef de la nation vient avec confiance au milieu de ses représentants, pour témoigner sa peine et les inviter à chercher les moyens de ramener l'ordre et le calme. Je sais qu'on m'a prêté de mauvaises intentions; je sais que l'on a osé publier que vos personnes n'étaient pas en sûreté. Serait-il donc nécessaire de vous rassurer sur des bruits aussi coupables, qui sont démentis d'avance par mon caractère connu? Eh bien! c'est moi qui ne suis qu'un avec ma nation, c'est moi qui me fie à vous. Vous m'aiderez dans cette pénible circonstance; votre zèle pour le salut commun m'en est un sûr garant.Comptant sur l'amour et sur

la fidélité de mes sujets, j'ai donné ordre aux troupes de s'éloigner de Paris et de Versailles. Je vous autorise et vous invite même à faire connaître mes dispositions à la capitale. »>

L'archevêque de Vienne, président, répondit au roi, en le félicitant de la démarche qu'il venait de faire. Il demanda que l'assemblée fût autorisée à renvoyer une députation à Paris, et engagea le roi à changer ses ministres.

Le roi sortit, accompagné de l'assemblée tout entière, aux cris redoublés de vive le roi. Une partie des députés suivaient le mouvement de leur cœur, l'autre partie, sous le masque de la reconnaissance, célébrait son propre triomphe. Le peuple de Versailles mêla bientôt ses acclamations à celle des représentans, qui n'étaient pas fâchés de montrer au monarque leur influence sur le peuple, que, d'un signe, ils pouvaient irriter ou calmer. La reine, tenant le dauphin dans ses bras, parut au balcon, au milieu des bravos universels; le cortége se rendit ensuite à la chapelle du château, où un Te Deum fut chanté en réjouissance d'une si belle journée.

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Louis XVI était dans l'ivresse, son cœur aimant et sensible le consolait de la diminu

tion de son autorité. Moins de pouvoir, et plus de repos et d'amour, telle avait été toujours sa devise, mais pendant qu'il s'abandonnait aux doux élans d'une joie pure, les amis de la monarchie pleuraient en secret sur ses ruines. Ils ne pouvaient se dissimuler que le roi venait en quelque sorte de donner sa démission, en s'inclinant devant un pouvoir qu'il avait créé lui-même. Il ne lui restait plus qu'un vain titre, et sa démarche imprudente livrait ses fidèles partisans au ressentiment et à la vengeance des nouveaux souverains.

Le 16, les ministres furent renvoyés, et les troupes reprirent le chemin des frontières. Le comte d'Artois, avec sa famille, sortit d'un royaume où les rois Capétiens ne dominaient plus. Les princes de Condé, de Conti et plus de mille gentilshommes, suivirent cet exemple prudent, et emportèrent une partie du numéraire du royaume. Pour remplacer tous ces seigneurs, Versailles vit arriver M. Necker, que l'on pouvait plutôt regarder comme le premier ministre de l'assemblée, que comme le chef du conseil d'un prince détrôné1. C'était une bien légère compensation à la perte

'Le roi sentait bien que le rappel de Necker était l'arrêt de son interdiction. «Si je rappelle Necker, s'écria

de l'élite du royaume que l'anarchie contraignait d'aller chercher un asile chez l'étranger; mais la France était alors tellement aveugle, qu'elle croyait avoir trouvé un trésor dans un financier suisse qu'elle avait forcé son roi de rappeler.

La première démarche du contrôleur-général des finances fut de rendre hommage à ses nouveaux maîtres; voici la lettre qu'il écrivit à l'assemblée :

<< Messieurs, sensiblement ému par de longues agitations, et considérant de près le moment où il est temps de songer à la retraite du monde et des affaires, je me préparais à ne suivre plus que de mes vœux ardents le destin de la France, et le bonheur d'une nation à laquelle je suis attaché par tant de liens, lorsque j'ai reçu la lettre dont vous m'avez honoré. Il est hors de mon pouvoir, il est au-dessus de mes faibles moyens de répondre dignement à cette marque de votre estime et de votre bienveillance; mais je dois au moins, messieurs, vous porter l'hommage de ma respectueuse reconnaissance. Mon dévouement ne vous est pas nécessaire, mais

t-il, il faut que lui cède mon trône. » Il le céda, en effet, mais ce ne fut pas Necker qui le prit.

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