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de mauvais plaisants. composèrent un poème burlesque, intitulé le Siége des Annonciades, où ces tyrans étaient couverts de la boue du mépris, et qui les humilia sans les corriger.

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Pendant que l'on poursuivait des crimes imaginaires, les voleurs et les assassins avaient le champ libre, et usaient de la liberté du vol, et du droit de prendre dont on prêchait déjà la théorie dans certains clubs. Le 20 décembre, une bande pénétra dans le greffe crimi nel du Châtelet, et après l'avoir pillé, voulut y mettre le feu. Les gardes étant accourus, ces maladroits se laissèrent saisir et garotter, On trouva sur eux de faux billets de caisse, vingt montres, quatre lingots d'or et pour plus de cinquante mille francs d'or et d'argent monnayé. Cette capture fit à peine une légère sensation dans la capitale, car ce n'était point aux voleurs qu'on en voulait; nous verrons, quatre ans plus tard, ces citoyens retirés des galères, devenir les dignes organes de certaines commissions populaires, et les plus zélés prédicateurs de la liberté et de l'égalité dans les boucheries humaines, décorées du nom de clubs, et de comités révolutionnaires.

L'assemblée nationale, sur le rapport de

M. Treilhard, rendit, sur les moines et sur les couvents, un décret que semblaient avoir dicté la philosophie et l'impiété. On encoura→ geait tous ceux qui voulaient abjurer leurs régles, au point de les rendre aptes aux successions de leurs parents, à dater du jour de leur sortie des couvents, ce qui donnait à la loi un effet rétroactif, et dépouillait les parents de ces moines qui avaient dû compter sur des renonciations formelles. On leur donnait en outre une pension de mille franes; ils pou vaient devenir vicaires ou curés, en conser vant la moitié de leurs pensions. Quant à ceux qui déclaraient vouloir vivré dans leurs couvents, ils devaient être au moins au nombre de quinzé, relégués dans les campagnes et dans des petites villes, sous peine d'en être chassés, on ne donnait à chaque religieux que huit cents livres, tous leurs anciens priviléges étaient supprimés, ils ne pouvaient hériter de leurs parents, et, au mépris de l'autorité ecclésiastique, ils restaient, quant à la gestion de leur temporel, et même de la forme de leur administration, sous la direction de l'assemblée nationale, c'est-à-dire d'un corps composé en partie de protestants, de philosophes, et de matérialistes, devenus les chefs

et les grands directeurs du clergé catholique de France.

La fin de l'année 1789 fut remarquable par un coup hardi que l'assemblée porta aux pensionnaires du trésor public. On avait publié un état des pensions qui avait causé bien des clameurs, dont quelques-unes n'étaient point sans fondement.

Entre autres abus on avait été surpris de voir la belle-sœur d'une ancienne favorite portée sur cet état pour une pension de vingt mille livres. L'assemblée décréta, après une. très vive et très bruyante discussion, que le paiement de toutes pensions au dessus de trois mille livres serait suspendu jusqu'à nou vel ordre.

Cette même assemblée venait de mettre fin à la fameuse constitution que les badauds attendaient avec tant d'impatience. Dès le 10 décembre, l'avocat Target avait déclaré, du haut de la tribune, que ce grand ouvrage était terminé. Mille applaudissements s'étaient fait entendre; ils devaient bientôt se changer en un concert de cris funèbres. Cette conception si sublime de la philosophie, va être regardée de toute l'Europe comme l'œuvre de la plus haute sottise et le piédestal de l'anar

chie. Le comité militaire s'était aussi déjà occupé de la formation d'une armée française. M. Dubois Crancé, son rapporteur, avait proposé une conscription nationale, qui devait comprendre tous les citoyens, depuis l'habitant le plus pauvre, jusqu'à l'héritier de l'empire. Nous verrons cette idée faire fortune, et changer la face de l'Europe, mise en pratique par un usurpateur, sorti des rangs de la révolution.

La France apprit, à cette même époque, .deux nouvelles qui furent accueillies d'une manière diverse suivant les opinions de chacun: 1° on sut que le scélérat à la grande barbe qui avait coupé les têtes des gardes-ducorps à Versailles, dans la journée du 6 octobre, venait d'être pendu à Clèves, pour avoir assassiné une jeune fille à laquelle il voulait faire embrasser par force la doctrine des Labadistes; 2° on répandit le bruit que le

Les Labadistes étaient ainsi nommés à cause de Jean Labadie, leur fondateur. Ce chef était gascon d'origine; il avait été jésuite pendant quinze ans. Séduit par le désir de tendre à la perfection chrétienne, il s'était livré à tant d'austérités, qu'il en était devenu fou. Les jésuites l'ayant chassé, il se rendit dans le diocèse d'Amiens, où quelques hommes simples le regardèrent comme un saint; mais l'évêque, M. de Caumartin, ayant appris qu'il avait

duc d'Orléans voulait fixer son séjour à Londres, que trois voitures, et vingt-sept chevaux de charge étaient partis de Paris pour lui apporter son bagage. De mauvais plaisants. ajoutaient qu'il avait fait transporter jusqu'aux ustensiles de sa buanderie, afin de pouvoir laver son linge sale dans les eaux de la Tamise. On savait qu'il n'avait obtenu qu'avec beaucoup de peine une entrevue avec le roi d'Angleterre, et que, pendant tout le temps de la visite, le roi ne l'avait entretenu que de la sensation douloureuse qu'il éprouvait à la vue

des liaisons suspectes avec de fausses dévotes, voulut le faire arrêter. Il s'enfuit dans le Languedoc, où il commença à prêcher son système de l'exaltation spirituelle, et voulut se faire passer pour saint Jean le précurseur. Chassé comme un fou et un scélérat des diocèses de Toulouse et de Bazas, il se rendit à Montauban, où il se fit calviniste. Il y resta quelques années. Les calvinistes le chassèrent ensuite de cette ville, puis de Genève où il s'était réfugié. Il vint à Middelbourg où il se maria avec la célèbre Schurmann. Il parcourut ensuite une partie de l'Allemagne, et vint enfin mourir à Altona où l'on croit qu'il fut empoisonné. Un pareil fon, qui le croirait? a encore des sectateurs. Il a beaucoup écrit. Le scélérat à longue barbe était un de ses admirateurs les plus zélés. Ce coupeur de têtes, cet égorgeur de filles, aura peutêtre un jour lui-même des sectateurs. O mentes insanas! O pectora ceca !

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