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qui se refuserait à un service de police sanitaire pour lequel il aurait été légalement requis en cette qualité ; toute personne qui, officiellement chargée de lettres ou paquets pour une autorité ou une agence sanitaire, ne les aurait point remis ou aurait exposé la santé publique en tardant à les remettre, sans préjudice des réparations civiles qui pourraient être dues, aux termes de l'art. 10 du code pénal (art. 12);

3o D'un emprisonnement de quinze jours à trois mois et d'une amende de cinquante à cinq cents francs tout individu qui, n'étant dans aucun des cas ci-dessus, aurait refusé d'obéir à des réquisitions d'urgence pour un service sanitaire ou qui, ayant connaissance d'un symptôme de maladie pestilentielle, aurait négligé d'en informer qui de droit. — Si le prévenu est médecin, ajoute l'art. 13, il sera puni, en outre, d'une interdiction d'un an à cinq ans.

4o D'un emprisonnement de trois à quinze jours et d'une amende de cinq à cinquante francs quiconque qui, sans avoir commis un des délits ci-dessus spécifiés, aurait contrevenu, en matière sanitaire, aux réglements généraux et locaux ou aux ordres des autorités compétentes (art. 14).

Bornons-nous, pour le moment, à l'énumération de ces pénalités; nous aurons à les apprécier plus tard.

9. Il est des cas où il eût été vraiment trop dur d'appliquer les peines terribles que nous venons d'énumérer. Aussi l'art. 15 a-t-il disposé que « les infractions en matières sanitaires pourront n'être passibles d'aucune peine, lorsqu'elles n'auront été commises que par force majeure ou pour porter secours en cas de danger. »

Cet article reçoit surtout son application en cas de naufrage. Il appartient alors aux autorités sanitaires de prendre les mesures nécessaires pour diminuer le danger des communications et d'imposer aux sauveteurs telles mesures de séquestration ou seulement de désinfection qu'il sera utile.

Toutes ces dispositions pénales se terminent par un article dont l'esprit à été emprunté à la législation sur les faux monnayeurs. L'art. 16 édicte que « pourra être exempté de toute poursuite et de toute peine celui qui, ayant d'abord altéré la vérité ou négligé de la dire dans les cas prévus par l'art. 10, réparerait l'omission ou rétracterait son faux exposé avant qu'il eût pu en résulter aucun danger pour la santé publique et avant que les faits eussent été connus par toute autre voie.

Cet article constitue ainsi un encouragement à revenir sur des déclarations compromettantes, avant qu'elles aient pu avoir un effet funeste.

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10. Avant d'en finir avec ces pénalités rigoureuses, nous devons faire remarquer qu'elles empruntent encore une particulière sévérité à ce fait qu'elles ne peuvent, en ce qui concerne les délits, être tempérées par les dispositions bienveillantes de l'art. 463 du code pénal sur les circonstances atténuantes. Si l'art. 463 peut abaisser la peine de tous les crimes, quelle que soit la loi qui ait édicté ces peines, il n'en est point de même en matière de délit. Il n'est plus controversé que l'art. 463 ne puisse s'appliquer aux délits créés par des lois spéciales qu'autant que ces lois en aient ainsi décidé; or la loi de 1822 est muette à cet égard. La conclusion en est facile à tirer.

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11. Cette rigueur extrême nous parait avoir amené une violation de la loi dans une espèce que nous vous demandons la permission de vous citer. Un sieur de Mauléon s'était embarqué sur un navire à Nice, alors pays italien. Arrivé sur les côtes de France, pressé de revoir sa famille, il se jeta à la nage et aborda avant l'accomplissement des formalités de l'arraisonnement. Il fut poursuivi devant le tribunal correctionnel de Grasse par application de l'art. 7 de notre loi § 3, qui punit d'un emprisonnement d'un an à dix ans et d'une amende de cent à dix mille francs, toute violation des règlements sanitaires, qui a opéré communication avec des lieux, des personnes

ou des choses, qui, sans être soumis au régime de la patente brute ou de la patente suspecte, ne sont point cependant en libre pratique.

C'était bien le cas d'appliquer ce paragraphe. Nice était pays sain. Le navire qui en provenait n'était soumis ni au régime de la patente brute, ni à celui de la patente. suspecte, mais il n'était point en état de libre pratique, puisqu'il n'avait point encore été reçu comme tel par les autorités sanitaires. Les juges refusèrent cependant d'appliquer cet article, argumentant de ce que Nice, comme nous venons de le dire, était un pays sain et que la libre pratique avec un tel pays était de droit.

L'argument était mauvais, parce que si Nice n'avait pas été un pays sain, c'était l'art. 7 qu'il fallait appliquer et que le sieur de Mauléon encourrait la peine de réclusion. Le navire était si peu en état de libre pratique de droit, qu'il lui fut infligé, en fait, une quarantaine de cinq jours. Mais les magistrats reculèrent sans doute devant la rigueur qu'il y aurait eu à condamner à un an de prison l'auteur d'un fait qui n'avait eu aucune conséquence fàcheuse. Le sieur de Mauléon ne fut condamné qu'à quinze jours de prison pour contravention aux règle- . ments sanitaires, par application de l'art. 14.

Le tribunal de Draguignan, alors le tribunal d'appel de celui de Grasse, confirma ce jugement et la Cour de Cassation, obéissant à la même considération, rejeta le pourvoi du ministère public par un arrêt rendu après délibération en la Chambre du Conseil, à la date du 2 juin 1837. C'est ainsi que les lois trop rigoureuses risquent de n'être pas obéies même par les plus hautes juridictions.

12.

Disons que les crimes, les délits et les contraventions prévus et réprimés par la loi qui nous occupe relèvent toujours des tribunaux ordinaires, quels que soient les lieux où ces infractions aient été commises et quels qu'en soient les auteurs.

Il importerait peu qu'elles aient été commises à bord des vaisseaux de l'Etat, dont la police appartient aux

autorités maritimes, ou qu'elles aient été commises par des officiers de vaisseau justiciables des conseils de guerre. Mais dans ce double cas, il est nécessaire que l'infraction à réprimer soit bien une violation des lois sanitaires et n'ait point été seulement commise contre des agents des autorités sanitaires. La cour de cassation a fixé la jurisprudence sur ces deux points dans les deux espèces suivantes, qu'il est intéressant de rapporter :

13.

Aux brillantes et solides qualités, dont nous nous énorgueillissons à juste titre, nos officiers de marine n'ajoutaient pas toujours, du moins autrefois, la patience.

Un garde de santé, du nom de Dubosset, avait été mis à bord du brick de l'Etat, La Flèche. Il gênait l'officier de quart qui lui adressa quelques propos vifs. Dubosset répondit sur le même ton. Le commandant Lapierre intervint, fit mettre le garde aux fers sur le pont et, sur ses réclamations, le menaça de le faire baillonner. Le procureur du roi, c'était en 1831, et le préfet maritim e se saisirent à la fois de ces faits. La cour de cassation fut obligée de régler de juge. Elle décida que les faits relevés, s'ils étaient établis, avaient eu pour résultat de séquestrer la personne du garde de santé, par conséquent d'apporter un obstacle absolu à l'exercice de sa surveillance; qu'ils constituaient ainsi une violation de l'art. 14 de la loi de 1822. Le commandant Lapierre fut renvoyé devant le juge d'instruction par un arrèt rendu après un long délibéré en chambre du Conseil du 3 décembre 1831.

14. L'autre espèce avait amené une solution contraire. Un garde de santé avait parlé le chapeau sur la tête, à bord d'un navire de guerre, au lieutenant de vaisseau de Vitrolle, auquel il adressait une réclamation; cet officier lui aurait, d'après la prévention, arraché son chapeau et porté deux coups au visage; il aurait, de plus, répondu par un propos grossier contre les intendants de la santé publique, sur la réplique du garde que ces messieurs lui feraient rendre justice. Réglant de juge, la cour de cassa

tion, par un arrêt en date du 28 septembre 1828, renvoya M. de Vitrolle devant le conseil de guerre maritime, parce que les faits s'étaient passés à bord d'un navire placé sous la juridiction militaire et n'avaient pas empêché le garde de santé, un seul instant, dans l'exercice de sa surveillance. Ces deux arrêts partent, on le voit, du même principe, quoique statuant en sens contraire.

15. Par suite de l'application des dispositions de la loi que nous venons d'analyser, toutes communications doivent être interceptées avec les navires mis en quarantaine, les lazarets ou tels autres lieux qui seront désignés par les autorités sanitaires. Des crimes, des délits et des contraventions, des faits intéressant l'état civil des personnes peuvent se produire dans ces lieux séquestrés. Les autorités ordinaires ne pouvant y pénétrer, il y avait lieu de rendre les autorités sanitaires compétentes pour la constatation de ces faits. Il y a été pourvu par les trois derniers articles.

L'art. 17 donne aux autorités sanitaires le droit exclusif de constater les crimes, les délits et les contraventions qui seraient commises dans l'enceinte des lazarets et autres lieux réservés. En dehors de ces lieux, elles concourent, pour la constatation des crimes, des délits et des contraventions à la police sanitaire, avec tous les autres officiers de police judiciaire, qui ont aussi qualité pour constater ces infractions, comme tous les autres.

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16. Enfin l'art. 19 donne à ces mêmes autorités toutes les attributions des officiers de l'état-civil à l'égard des personnes séquestrées, ainsi que tous pouvoirs de recevoir les testaments dans les conditions prévues par les art. 985, 986 et 987 du code civil.

17. L'art. 20, qui termine la loi, n'a aucune importance au point de vue qui nous occupe. Il statue sur les marchandises qui pourraient être oubliées dans les lazarets. Ces marchandises, si elles ne sont pas réclamées

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