Page images
PDF
EPUB

(Note de l'éditeur.) La pièce suivante aurait dû être placée à la page 526 de ce volume, comme suite et complément d'un premier article sur Harrington. Je regrette beaucoup ces erreurs qu'explique cependant la difficulté de ne rien transposer dans la réunion d'un aussi grand nombre de pièces détachées; il n'y en a pas moins de 700 dans ce volume.

(EUVRES POLITIQUES DE JACQUES HARRINGTON, ÉCUYER,

CONTENANT LA RÉPUBLIQUE D'OCÉANA, LES APHORISMES ET LES AUTRES TRAITÉS DU MÊME AUTEUR.

Précédées de l'histoire de sa vie,

Écrite par Jean TOLAND.

Nous avons parlé de la traduction des ouvrages d'Harrington dans une de nos feuilles précédentes. C'est sa personne que nous nous proposons de faire connaître aujourd'hui, d'après Toland.

Jacques Harrington, descendant d'une famille noble du comté de Rutland, naquit en 1611. Après ses premières études à Oxford, il suivit son goût dominant, celui de voyager pour apprendre à connaître les hommes, et pour devenir un jour capable de servir son pays.

La Hollande venait de s'affranchir du joug de l'Espagne et faisait les premiers essais de la liberté. Ce fut là qu'il commença à faire du gouvernement le sujet de ses méditations ; car on l'entendit souvent dire qu'avant de quitter l'Angleterre il ne connaissait la signification de ces mots désagréables de monarchie, d'anarchie, d'aristocratie, de démocratie, d'oligarchie, et autres, que par ce qu'il en avait appris dans son dictionnaire. Le prince électeur le mena en Danemark; au retour, il lui confia la direction de toutes ses affaires en Angleterre. Harrington n'en suivit pas moins son plan, qui était de voyager et d'observer.

Il traversa la Flandre, vint en France, où il fit, sur son gouvernement, des remarques qu'il a semées dans ses ouvrages; de là il passa en Italie. Il préférait Venise à toutes les villes d'Italie, et son gouvernement à tous ceux de l'univers; il devait, selon lui, par ses causes visibles ou invisibles, ne finir qu'avec le monde. Il y acheta la collection des meilleurs livres italiens, surtout des traités de politique, et il y fit connaissance avec les personnes dont il pouvait tirer quelque avantage ou quelque instruc

[ocr errors][merged small]

tion. Il vit encore quelques parties de l'Allemagne; après quoi il revint en Angleterre.

Le roi Charles 1er lui demanda un jour pourquoi, étant à Rome, il n'avait pas voulu baiser les pieds du pape ; il répondit qu'ayant eu l'hon neur de baiser la main de Sa Majesté il trouvait au-dessous de lui de baiser le pied d'aucun autre prince. Le roi, flatté de cette réponse, s'attacha dès lors Harrington en qualité de gentilhomme extraordinaire de sa chambre. Il aimait mieux causer avec lui qu'avec tout autre; ils conversaient souvent sur le gouvernement, mais, quand il venait à parler de république, le roi montrait beaucoup d'impatience.

Il fut obligé de quitter le service du roi pour avoir soutenu quelques arguments en sa faveur contre les commissaires du parlement. Comme on conduisait Charles à Windsor, Harrington demanda et obtint la permission de paraître à la portière du carrosse. Charles le serra dans ses bras; on lui permit de demeurer trois on quatre jours avec lui; mais, ne voulant pas préter le serment de ne pas aider ou cacher toute fuite qu'entreprendrait le roi, il fut non-seulement privé de sa place, mais encore mis en arrestation jusqu'à ce que le major général Ireton obtint sa liberté. Il trouva ensuite le moyen de voir le roi à Saint-James, et l'accompagna même jusque sur l'échafaud où ce prince eut la tête tranchée, le 9 février 4649.

Harrington avait alors trente-huit ans. Il vécut retiré dans sa bibliothèque. Ses amis crurent que c'était par mécontentement : il les détrompa en leur montrant une copie de l'Oceana.

Le point saillant de l'Océana est ce principe que l'empire suit la balance de la propriété, soit que celle-ci se trouve entre les mains d'un seul, de plusieurs ou du plus grand nombre d'un seul, c'est la tyrannie; de quelques hommes, c'est l'oligarchie; du peuple, c'est l'anarchie. Sans une loi agraire qui change la balance, il n'y a pas de remède; car l'un, ajoute-t-il, mangera l'autre; et le gouvernement, soit monarchique, soit aristocratique, soit démocratique, ne saurait être de longue durée.

Quelques partisans de Cromwell ayant appris qu'on livrait cet ouvrage à l'impression s'emparèrent du manuscrit.

Lady Claypole, fille favorite du protecteur, promit de le lui faire rendre, si toutefois cet ouvrage ne contenait rien de préjudiciable au gouvernement de son père. Harrington l'assura que c'était une espèce de roman politique qui ne renfermait rien de contraire au protecteur, et que même il avait le dessein de le lui dédier. I le lui dédia en effet. Cromwell, après l'avoir parcouru, dit que l'auteur avait voulu lui faire quitter son pouvoir, mais qu'il n'abandonnerait pas pour quelque straits de plume ce qu'il n'avait acquis qu'à la pointe de l'épée; il ajoutait, avec sa dissimulation profonde, que, sans approuver le gouvernement d'un seul, il voulait, en faisant les fonctions du protectorat, maintenir la paix entre tous les partis, puisque tous ces partis, livrés à eux-mêmes, ne pourraient jamais convenir d'une forme certaine de gouvernement. Il n'avait guère peur de la presse, celui-là; car l'Oceana était, dans la vérité, un plan de république. Mais Cromwell avait son plan à lui, et il en laissait faire aux autres.

Avec toutes les épées il pouvait se rire de toutes les plumes, d'autant mieux que les plumes ne manquent jamais à celui qui a les épées. Les écrivains tombèrent sur l'auteur de l'Océana, lui causèrent des chagrins, et Cromwell mourut tranquillement dans son lit. Après la mort de Cromwell, Charles II, ou plutôt ses courtisans, n'en jugèrent pas de même. Harrington, suspecté soit pour

son livre, soit pour ses liaisons, fut arrêté le 28 décembre 1661, conduit à la Tour de Londres, interrogé, non jugé, et, malgré l'habeas corpus que sa sœur, lady Asthon, lui avait obtenu, enlevé à ses juges, transféré, au bout de cinq mois, dans une autre prison, et de là à Plymouth. Ce fut là que le docteur Dunstan lui conseilla de prendre du gayac dans du café comme un remède certain contre le scorbut.

L'usage immodéré de cette liqueur lui dérangea l'esprit. Le roi accorda l'ordre de le remettre en liberté. Arrivé à Londres, il n'était plus qu'un squelette, incapable de marcher seul, ne pouvant dormir.

L'imagination troublée, prétendant que ses esprits vitaux s'échappaient sous des formes d'oiseaux, de mouches, ou d'autres animaux, il ne déraisonnait cependant que sur cet article. On lui fit cesser sa boisson; mais cette boisson et ses malheurs avaient produit un effet irremediable: sa tête ne se remit point.

se maria dans cette situation, ne fut pas heureux, et, après avoir langui quelque temps, il mourut à Westminster, le 21 septembre 1677, âgé de soixante-six ans.

De là deux vérités de fait sur la presse : la première, c'est qu'elle fait communément peu de bien et beaucoup de mal aux écrivains; la seconde, qu'elle ne fait ni bien ni mal au gouvernement.

(Journal de Paris, du 16 messidor an iv. 4 juillet 1796.)

FIN DU QUATRIÈME VOLUME.

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

(Note de l'éditeur.) Il m'est impossible actuellement d'entreprendre de relever les erreurs d'impression que
renferme très-probablement ce volume, dont je ne veux pas retarder la publication. Je me réserve de joindre,
s'il y a lieu, cet erratum au volume suivant.

Toutefois, je dois signaler ici une négligence dont je me suis aperçu trop tard, et qui aura pour fâcheux
effet de rendre les recherches, dans ce volume, plus pénibles qu'elles n'auraient été si j'avais pu y remédier à
temps.
Le titre courant placé au haut des pages aurait dû, à partir de la 126, reproduire à chaque verso
le titre général d'Opuscules, puis le numéro du paragraphe; puis indiquer à chaque recto le titre parti-

[ocr errors]

culier ou l'objet du paragraphe ou sous-paragraphe.

On suivra cette marche dans le cinquième volume, qui contiendra d'abord le complément de tous les ar-
ticles de peu d'étendue, qui ne peuvent être considérés que comme des opuscules

« PreviousContinue »