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DESTINÉ E, f. f.

S'IL y a des métaphyficiens qui fe fervent de ce mot, un peu décrié, & non fans raifon chez les philofophes, il ne peut fignifier que la fuite des divers états par lefquels un être doit paffer, pendant toute la durée de fon existence, en conféquence de ce qu'il eft, des circonftances où il fe trouve placé, des relations qu'il foutient avec les êtres qui peuvent influer fur fon état. Ceux qui regardent tous les êtres, & toutes les actions des êtres comme un enchaînement prévu, déterminé & arrêté par la cause premiere, dès le moment qu'elle eut amené l'univers à l'existence, qui croient que tous les événemens fubféquens, que toutes les faces diverfes & fucceffives, qui varient les fcenes de cet univers, ne font qu'un dé-. veloppement du premier inftant, ne peuvent regarder la Deftinée de chaque être que comme un effet néceffaire, prévu & fixé par l'état de l'univers, dans le premier moment de fon exiftence, en forte que rien n'a pu être autrement qu'il n'eft, & qu'il ne dépend de perfonne que du Créateur du monde, de changer en rien cette Deftinée. Je crois quelquefois appercevoir quelque différence entre une telle Deftinée, & une Deftinée. fatale ou la fatalité; je crois quelquefois entrevoir une poffibilité, de concilier cette Deftinée avec le fentiment intime que j'ai de ma liberté; mais bientôt je fuis forcé de convenir que rien n'eft plus léger que cette perception; c'eft une foible lueur qui, femblable au ver luifant, fixe mes yeux fur elle pendant l'obfcurité, mais ne répandant point de jour autour d'elle, ne fauroit éclairer mes pas, & me laiffe incertain de la route que

dois fuivre; je reviens alors à moi, je fens que je fuis libre, que je me détermine de moi-même ; ce fentiment eft tel que je ne puis me fouftraire à fon impreffion; de l'autre côté je ne vois plus rien que des écueils ou des nuages, à travers lefquels je cours rifque de me perdre.

Une chofe fur-tout me porte fur ce fujet, à fuivre plutôt ce que me dit le fentiment, que ce que veulent me perfuader les partifans de la Deftinée fatale; c'eft que la morale femble trouver dans cette doctrine métaphysique un ennemi qui lui enleve le motif le plus preffant & le plus efficace; qui voudra agir & qui agira avec zele, avec confiance, quand on lui dira, comme que tu faffes, il n'en fera ni plus ni moins, tu seras toujours entraîné par ta Deftinée, elle amenera pour toi ce qui doit être, & rien autre. Il m'eft bien plus doux, plus encourageant, & plus facile à comprendre, que fi j'agis avec prudence, je ne ferai pas la victime de mon étourderie; que fi la vertu conduit mes pas, je ne ferai pas exposé aux effets immédiats du crime.

Dans la politique, on a vu quelques perfonnes, mais en petit nombre, croire à une Deftinée abfolument fatale: mais il eft un grand nombre

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de perfonnes qui croient une Deftinée réelle pour les corps politiques ; ils la défignent fous le nom de Deftinée des Etats, par où ils entendent une certaine fuite de révolutions, que tous les corps politiques éprouvent, qui les fait paffer néceffairement par un état de foibleffe en commençant, état auquel fuccede un accroiffement de vigueur & de force, qui conduit à la fituation la plus floriffante, suivie bientôt d'un affoibliffement qui les conduit à leur diffolution. Peut-être que plufieurs ont adopté cette idée moins par la vue de fa vérité, que conduits par l'éclat de la comparaifon qu'ils ont faite des corps politiques avec le corps humain, qui de l'enfance foible paffe à l'adolefcence, à l'âge mûr, à la vieilleffe & à la mort; mais une comparaifon ne doit pas tenir lieu de preuve, elle n'en eft pas une. La conftitution phyfique de l'individu eft la caufe qui rend néceffaire dans chaque homme ces révolutions. Dans les Etats, corps moraux, ce ne font pas des caufes phyfiques & néceffaires, qui fixent leur fort; ce font les caufes morales qui ne font pas fujettes à s'altérer par les influences de l'air & des alimens.

La religion nous offre une autre idée de la Deftinée; elle nous l'offre d'abord comme étant, par rapport au corps, une fuite des loix phyfiques, établies dans le monde, enfuite defquelles chaque corps fubit certains changemens. Nous naiffons, nous grandiffons, nous nous fortifions, nous dépériffons enfin & nous mourons tout comme les faifons fe fuccédent les corps gravitent, &c. C'eft-là la Deftinée de l'homme; il eft ordonné à tous les hommes de mourir une fois.

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Par rapport au moral, tous font appellés à travailler à fe perfectionner: leurs foins pour arriver, & leurs progrès vers ce point de vue, eft la feule route, mais fure, pour arriver au bonheur; leur négligence à y travailler, & leurs imperfections confervées ou augmentées font une route qui les conduit néceffairement tôt ou tard à la mifere nul bonheur fans vertu, nul vice fans malheur, voilà leur Deftinée comme êtres moraux, Enfin une bonté fouverainement fage, préfidant au fort des humains, qui fou vent fe trompent fur ce qui leur convient, n'accorde pas toujours à leurs défirs, les fuccès qu'ils fouhaitent; ils travaillent, mais ils doivent attendre de la providence la réuffite de leurs efforts; s'ils ont eu des intentions droites, s'ils ont été actifs & vigilans, tôt ou tard leur vertu fera récompensée, & il eft rare qu'elle ne foit pas dejà pour le préfent une fourca de félicité.

Voilà la Deftinée que la religion nous prêche; elle eft bien plus confolante, plus aifée à comprendre, plus propre à fe faire adopter, & plus encourageante que celle du métaphyficien orgueilleux, qui fe plongeant dans les abîmes, veut voir plus loin que fes yeux ne peuvent porter.

DETROIT, f. m. Mer étroite, ou refferrée entre deux terres & qui ne laiffe qu'un paffage plus ou moins large pour aller d'une mer

à l'autre.

LE Détroit le plus fréquenté eft celui de Gibraltar qui fépare l'Espagne de l'Afrique, & joint la Méditerranée avec l'Océan Atlantique ou mer du Nord.

Le Détroit de Magellan qui fut découvert en 1520 par Magellan, fut quelque temps fréquenté par ceux qui vouloient paffer de la mer du Nord à celle du Sud: mais en 1616, on découvrit le Détroit de le Maire, & on abandonna celui de Magellan, tant à caufe de fa longueur, qui eft plus que double de celle du Détroit de Gibraltar, que parce que la navigation y eft dangereufe, à cause des vagues des deux mers qui s'y rencontrent & s'entrechoquent.

Le Détroit qui eft à l'entrée de la mer Baltique, fe nomme le Sund. Il ne faut pas le confondre avec le Détroit de la Sonde, qui fépare les ifles de Sumatra & de Java. Varenius croit que les golfes & les Détroits ont été formés, pour la plupart, par l'irruption de la mer dans les terres. Une des preuves qu'il en apporte, c'eft qu'on ne trouve prefque point d'ifles dans le milieu des grandes mers, & jamais beaucoup d'ifles voifines les unes des autres. Voyez l'Hiftoire Naturelle de Mr. de Buffon, tom. I. On y remarque que la direction de la plupart des Détroits eft d'orient en occident, ce qu'on attribue à un mouvement ou effort général de la mer dans ce fens.

Le Détroit qui fépare la France d'avec l'Angleterre, s'appelle le pas de Calais. Voyez fur la jonction de l'Angleterre à la France, & fur le pas de Calais, la differtation de Mr. Defmarets, qui a remporté le prix de l'académie d'Amiens en 1752.

Il faut remarquer en particulier à l'égard des Détroits, que quand ils fervent à la communication de deux mers, dont la navigation eft commune à toutes les nations, ou à plusieurs, celle qui poffede le Détroit ne peut y refuser paffage aux autres, pourvu que ce paffage foit innocent & fans danger pour elle. En le refufant, fans jufte raifon, elle priveroit ces nations d'un avantage, qui leur eft accordé par la nature, & encore un coup, le droit d'un tel paffage eft un refte de la communion primitive. Seulement le foin de fa propre fureté autorife le maître du Détroit, à ufer de certaines précautions, à exiger des formalités, établies d'ordinaire par la coutume des nations. 11 eft encore fondé à lever un droit modique fur les vaiffeaux qui paffent, foit pour l'incommodité qu'ils lui caufent en l'obligeant d'être fur fes gardes, foit pour la fureté qu'il leur procure en les protégeant contre leurs ennemis, en éloignant les pirates, & en fe char

geant d'entretenir des fanaux, des balifes & autres chofes néceffaires au fafut des navigateurs. C'eft ainfi que le Roi de Danemarc exige un péage au Détroit du Sund. Pareils droits doivent être fondés fur les mêmes raifons & foumis aux mêmes regles que les péages établis fur terre, ou sur une riviere.

On fait en droit politique trois grandes queftions fur les Détroits & les golfes, qu'il importe de réfoudre.

On demande 1o. à qui appartiennent légitimement les Détroits & les golfes. La réponse eft unanime. Ils appartiennent à celui qui s'eft le premier établi fur les côtes du Détroit, qui y domine de deffus terre, & qui en conferve la propriété, foit par la navigation, foit par des flottes. En effet le premier occupant s'approprie par cela feul & fans fuppofer aucune convention, tout ce qui n'eft à perfonne. Ainfi la prife de poffeffion eft en ce cas, aujourd'hui auffi-bien qu'autrefois, la feule maniere d'acquérir originairement la propriété d'une chofe.

On demande, en fecond lieu, fi un Souverain, maître d'un Détroit, peut avec juftice impofer des péages, des tributs, fur les vaiffeaux étrangers qui paffent par ce bras de mer. Ce péage paroît très-jufte, parce que s'il eft permis à un Prince de tirer du revenu de fes terres, il lui doit être également permis de tirer du revenu de fes eaux. Perfonne ne peut s'en plaindre, puifqu'il ouvre un paffage qui rend la navigation commode, le commerce floriffant, & qui fait le profit des nations qui viennent fe pourvoir par ce paffage du Détroit, de diverfes chofes qui leur font néceffaires.

Enfin l'on demande fi le Souverain, maître du Détroit, pourroit également impofer des droits de péage à un autre Prince, dont les terres confineroient à la côte fupérieure & inférieure de ce Détroit. L'on répond qu'il le peut également, parce que la pofition d'un tiers ne fauroit rien diminuer des droits du Souverain, premier poffeffeur du Détroit. Dès qu'une fois quelqu'un s'eft établi le premier fur un des côtés du Détroit, & qu'il a pris poffeffion de tout le Détroit; celui qui vient enfuite habiter de l'autre côté, n'eft maître que de fes ports & de fes rivages; de forte que le premier occupant eft fondé à exiger le péage des vaiffeaux de l'autre, tout de même que fi ce dernier étoit en deçà ou en delà du Détroit, à moins qu'il ne l'en ait difpenfé par quelque convention. En vain le dernier Prince établi fur le Détroit répliqueroit, pour refufer le droit de paffage au premier, que ce feroit fe rendre tributaire de l'autre Souverain, ou reconnoître fa Souveraineté fur les mers dont le Détroit eft la clef : on lui répondroit qu'il n'eft pas réellement par-là plus tributaire du Souverain, maître du Détroit, qu'un Seigneur qui voyage dans les pays étrangers, & qui paye le péage d'une riviere, eft tributaire du maître de la riviere; on lui attribue par ce paiement, la fouveraineté sur tout ce qui eft au-delà de Cette riviere.

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DETTE, f. f. Ce que l'on doit à quelqu'un.

QUOIQUE ce terme pris dans fon véritable fens, fignifie ce que l'on

doit, néanmoins on entend auffi quelquefois par-là ce qui nous eft dû, & que l'on appelle plus réguliérement une créance. Pour éviter cette confufion, on diftingue ordinairement les Dettes actives des Dettes paffives, entendant par Dette active la créance, & par Dette paffive ce que l'on doit foi-même.

Tous ceux qui peuvent s'obliger, peuvent contracter des Dettes; d'où il fuit par un argument à fens contraire, que ceux qui ne peuvent pas s'obliger valablement, ne peuvent auffi contracter des Dettes: ainfi les mineurs non-émancipés, les fils de famille, les femmes en puiffance de mari, ne peuvent contracter aucune Dette fans l'autorisation de ceux fous la puiffance defquels ils font.

Perfonne ne peut contracter valablement des Dettes fans caufe légitime, il faut même de plus à l'égard des Communautés, qu'il y ait de leur part une néceffité d'emprunter ou de s'obliger autrement; parce qu'elles font comme les mineurs, qui ne font pas maîtres de détériorer leur

condition.

On peut contracter des Dettes verbalement & par toutes fortes d'actes, comme par billet ou obligation, fentence ou autre jugement, & même tacitement, comme quand on eft obligé en vertu de la loi, d'un quasicontrat, ou d'un délit ou quafi-délit.

Les caufes pour lesquelles on peut contracter des Dettes, font tous les objets pour lesquels on peut s'obliger, comme pour alimens, pour argent prêté, pour vente, ou louage de meubles, pour ouvrages faits, pour vente d'un fonds, d'une charge, pour arrérages de rente, douaire, légitime, foute de partage, &c.

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Le créancier pour obtenir le paiement de fa Dette, a différentes fortes d'actions felon la nature de la Dette & du contrat, & felon les perfonnes contre lefquelles il agit. Il a action perfonnelle contre l'obligé ou fes héritiers, hypothécaire contre le tiers détenteur d'un héritage hypothéqué à la Dette, & en certains cas il a une action mixte.

Les Déttes s'acquittent ou s'éteignent en plufieurs manieres; favoir 1o. par le paiement, qui eft la façon la plus naturelle de les acquitter; 2o. par compensation d'une Dette avec une autre; 3°. par la remise volontaire que fait le créancier; 4° par la confufion qui fe fait des qualités de créancier & de débiteur, en une même perfonne; 5. par fin de nonrecevoir, ou prescription; 6". par la décharge que le débiteur obtient en justice,

DETTE

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