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de l'inexécution des loix. En conséquence je demande que le sieur Guignard soit mandé à la barre pour rendre compte de sa conduite. (On applau dit.)

M. de Clermont-Tonnerre: J'appuie l'accusation qui vous est faite parce qu'elle appelle la justification; mais je m'éleve contre le vœu de ceux qui se croient en droit de dicter des arrêts & d'être les organes de l'opinion publique.

L'ordre du jour a été invoqué & adopté sur la motion de M. Goupill. Celle de M. Martineau a été admise; & l'assemblée a rendu le décret sui

vant :

DÉCRET.

« L'assemblée nationale, après avoir entendu le rapport qui lui a été fait par son comité ecclésiastique, de l'arrêté du directoire du département de l'Aine, sur l'arrêt du conseil du propre mouvement, en date du 14 septembre 1790, a décrété que ledit arrêt sera regardé comme non avenu: approuve le zele du directoire, & ordonne que la somme sequestrée sera versée dans la caisse du receveur de district.

A l'ordre du jour étoit la discussion du projet de décret proposé depuis long-tems par M. Rederer, au nom du comité de l'imposition, & tendant à supprimer la ferme & la vente exclusive du tabac. M. l'abbé Charier a obtenu le premier la parole & attaqué l'opinion du comité : Je suis loin, a-t-il dit, d'être de l'avis des économistes qui rejettent tous les impôts sur les terres. Je crois que les impôts indirects sont bien moins sensibles. Celui du tabac produit 30 millions.

Le régime & le mode de perception peut être mauvais; c'est même une vérité reconnue! eh bien qu'on le change; mais n'allez pas sacrifier une branche aussi importante du revenu public. Vous surchargeriez d'autant les terres & suiveriez le systême des économistes qui veulent faire tout supporter à l'agriculture, & conséquemment la décourager. Mais l'intention de l'assemblée ne peut être telle; d'ailleurs elle a marqué une volonté absolument contraire, puisqu'elle veut conserver les traites, & diminuer par là les impositions directes.

Qu'il me soit permis de vous soumettre une observation de la plus haute importance que personne jusqu'ici ne vous a représentée, & qui mérite toutefois de votre part une attention sérieuse, un examen approfondi; c'est la perspective d'un grand intérêt qui semble décider la question, & qui ne vous échapperoit pas si vous détruisiez la ferme du tabac. Vous aviez projetté depuis longtems, & votre comité de commerce vous a fait décréter le reculement des barrieres intérieures pour la perception des droits de traites à la frontiere du royaume. Vous allez manquer votre but sur cet objet, si vous le séparez de l'autre ; & j'ose vous prédire que si l'impôt du tabac ne marchoit pas de front avec celui des traites, que vous êtes obligés de conserver, cette derniere ressource, qui exige une armée de commis pour environner & former le ceintre de toute la France, ne suffiroit pas peut-être pour payer les frais de cette disposition solitaire, tandis que vous pouvez la rendre commune à la vente exclusive du tabac en employant les mêmes gardes pour les deux

opérations; & c'est le seul moyen de tirer un parti lucratif au profit du trésor national, en simplifiant par là les dépenses & unissant sous un même régime administratifs la régie des traites & la ferme du tabac.

Si au contraire vous sacrifiez l'une en conservant l'autre, je forme des vœux pour qu'il n'em coûte rien à l'état ; mais à coup sûr vous n'en tirerez aucun secours, & vous vous souviendrez à regret de ma pétition.

C'est l'union seule de ces deux branches de re venu public par le ministere des mêmes agens qui peut rendre le reculement des douanes aux frontieres, tel que vous l'avez eu en vue, véritablement profitable à l'état.

Je conclus à ce qu'il n'y ait lieu à délibérer sur le projet de décret du comité, qui vous propose la destruction de la ferme & vente exclusive du tabac; à ce que vous ordonniez au contraire qu'elles continuent d'avoir lieu à l'avenir comme par le passé, jusqu'à ce que nous soyons arrivés à des tems assez heureux pour nous affranchir de cet impôt nécessaire aux charges de l'état ; & à ce qu'il soit nommé des commissaires pour, avec ceux que choisira la compagnie des fermiers généraux, travailler à la confection d'un réglement propre à en rendre la perception plus douce, & l'étendre par-tout le royaume.

M. l'abbé d'Aubecourt a développé & soutenu le même systême que le préopinant; entr'autres observations, il s'est appesanti sur celle-ci : la culture du tabac enlevera les campagnes les plus productives à la plantation & à la semence des denrées de premiere nécessité. Delà un surhaus

sement dans les denrées, qui pesera sur la classe la plus nombreuse du peuple, que le législateur doit chercher à soulager par tous les moyens possibles Je conclus, vu les circonstances, à un ajournement indéfini, & je propose de renvoyer à la prochaine législature le soin du remplacement de cet impôt. Je conclus à laisser aux départemens qui jouissent exclusivement du droit de cultiver le tabac, le soin d'examiner & de peser si le patriotisme n'exige point qu'ils fassent le sacrifice de ce privilege.

M. d'Estourmelles a cru devoir reprendre les choses dès l'origine. Il étoit par conséquent naturel de faire connoître à l'assemblée comment le tabac se cultive, dans combien de mains il passe pour être fabriqué; pourquoi & comment cette plante, dont la culture avoit ensuite été libre en France, avoit été d'abord prohibée; comment le fisc en avoit fait une branche du revenu public, & la ferme générale, un impôt vexatoire & insuppportable, dont la perception faite par les agens les plus vils, augmentoit encore l'indignation du peuple. Il a conclu pour la liberté de la culture du tabac dans tout le royaume, & la prohibition absolue du tabac étranger.

M. de Mirabeau voyant que quelques membres s'appesantissoient sur la disposition relative à l'importation du tabac, a demandé que cet objet fût renvoyé au comité diplomatique, comme essentiellement lié à nos intérêts commerciaux avec les peuples circonvoisins. Cette proposition a eu une faveur assez marquée. Cependant, sur les observations de quelques préopinans, il a été convenu, sans aucun décret formel,

que la discussion seroit continuée sur cette matiere, & que le comité diplomatique présenteroit cependant ses vues & ses objections sans interruption de la discussion.

M. de Broglie: Dans la derniere guerre d'Amérique, l'Alsace a fourni en grande partie aux appro visionnemens de tabac pour la France; ces approvisionnemens ont vivifié cette culture, au point qu'elle est au moins doublée dans ce pays, sans que néanmoins la culture des bleds ait diminuée en rien. L'Alsace exporte au moins pour 3 millions de tabac; en adoptant le systême de prohibition proposé, il lui en faudroit acheter pour sa consommation au moins pour 2 millions 500 mille livres. Cette province se trouveroit donc surchargée & par l'impôt, & par la nullité de la culture du tabac, de 5 millions 500 mille liv.

Il conclud pour une libre culture du tabac dans tout le royaume, & à faire supporter un droit de 30 à 35 livres par quintal de feuilles de tabac importées en France.

M, Kaffman a été du même avis.

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M. Pethion avoit entamé son opinion sur cette matiere, lorsque M. Duval d'Espremenil, sortant d'un groupe honorable de la droite, est monté à la tribune comme on ne savoit point à la gauche ce que vouloit dire tous ces chuchotemens de la droite, on s'est d'abord opposé à ce que M, Duval parlât; mais ayant représenté qu'il avoit des faits de la derniere importance à communiquer à l'assemblée, il a été écouté assez tranquillement : Messieurs, a-t-il dit, il est digne en effet de ceux qui respectent l'humanité de m'accorder un moment d'attention. Vous savez ce qui s'est pass

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