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est de défendre la nation contre le despotisme du pouvoir exécutif & de mettre cette

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même nation à l'abri de l'arbitraire des assemblées nationales. J'aurois accusé votre ministre fugitif, de n'avoir pas voulu se montrer, & de s'être tenu constainment derriere le rideau dans les occasions périlleuses; je l'aurois accusé d'avoir provoqué la révolution, sans avoir prévu les moyens d'arrêter ce mouvement donné à une grande nation; j'aurois dit que par sa conduite pusillanime il a laissé l'assemblé nationale s'embarrasser elle-même dans les filets de l'ignorance, sans s'occuper de lui donner le fil capable de la faire sortir du dédale des finances.

J'aurois accusé le ministre de la guerre d'avoir prodigué les congés aux offieiers militaires dans ces instans orageux où tous les fonctionnaires publics devroient être à leur poste; j'aurois accusé les officiers d'avoir demandé ces congés L'instant de crise est justement celui qui fait connoître l'homme, & la honte sur-tout rejaillit sur le front de celui qui abandonne son poste dans des momens périlleux. J'aurois accusé les ministres de n'avoir point déployé la force qui étoit entre leurs mains pour faire valoir & soutenir la juste cause; je les aurois accusé de cette lâche neutralité, qui est le plus horrible des crimes. Tout, suivant moi, peut être excusé dans la position où nous sommes, si ce n'est cette passibilité indifférente qui se concentre dans le moi froid. Il est bon de rappeller ici que M. de Cazales parlant des clubs des jacobins & des 89, a

dit un jour au moins les jacobins ont des sentimens & du courage, mais la plupart des 89 n'ont pas de caractere.) Qu'on se rappelle ici ce qui est arrivé en Angleterre, a-t-il dit, sous le triste regne de Charles, et le ministre qui a eu le courage de braver la mort et de la subir pour soutenir ce malheureux prince, auroit dû servir d'exemple aux ministrs actuels. Mais ont-ils ce noble courage? non sans doute eh bien ! qu'ils descendent d'une place qu'ils sont incapables d'occuper; qu'ils se condamnent à l'obscurité s'ils ne se sentent pas le courage de rétablir la monarchie ébranlée. On pourroit leur appliquer ce vers du

Tasse :

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Ils alloient encor, mais ils étoient morts.

Voilà les idées que je me suis formée du ministere actuel, et que j'ai cru devoir vous exposer avant de vous dire que le projet de décret est contraire aux principes constitutifs de la monarchie. (Cela veut dire en deux mots › que les ministres ont fair trop peu, et qu'ils auroient dû même, au risque de leur vie, soutenir le parti de M. Cazalès, qu'ils auroient dû se faire martyriser pour le maintien des ordres, qu'ils ont été des Mazarins, lorsqu'ils auroient dû être tous des Richelieu ).

Après ce début, M. Cazalès a développé assez longuement une vérité élémentaire, en disant que ce seroit cumuler les pouvoirs dans les mains du corps législatif, s'il alloit fixer au monarque le choix de ses agens. (On a murmuré, et avec raison; car dans l'expositif du décret, M. de Menou a fait sentir qu'il n'étoit nullement dans l'in

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tention, ni du comité, ni de l'assemblée, d'empiéter en rien sur le pouvoir éxécutif. On a fait cette représentation à l'opinant; mais il a répondu : si pour déterminer le monarque dans le choix. ou le renvoi de ses agens, l'assemblée s'arroge le droit de lui présenter le vœu des peuples, son choix ne sera plus libre; car à la longue, le vœu des peuples sont des loix. Le danger de la cumulation des pouvoirs seroit d'autant plus à craindre , que le roi n'a point encore de moyen légal de connoître le vœu de la nation. (Sans doute qu'il présume que les représentans actuels sont nuls, et qu'il n'existe réellement pas de convention nationale, quoi qu'elle ait été confirmée par mille et mille adhésions , par l'assentiment du monarque même, et qui plus est par l'approbation des citoyens François réunis dans le champ de la Fédération ). Il s'est appuyé de l'exemple de l'Angleterre, où jamais, a-t-il dit, un ministre n'a été renvoyé par le vœu des communes. De tous les peuples modernes, le peuple Anglois est pourtant celui qui a le mieux connu l'art de la liberté. Pendant le long parlement, les communes présenièrent une adresse à Charles, pour lui faire renvoyer les ministres malgré ses malheurs, il eut le courage de lutter contre ce parlement factieux. Il répondit avec cette grandeur d'ame qui ne l'abandonna pas même sur l'échafaud, qu'il devoit être libre dans son choix. On lui représentoit alors ce que vous faites aujourd'hui, que son ministre Staffort avoit perdu la confiance du peuple. Eh! pour la mériter, ne suffit-il pas d'être du parti dominant ?.... L'opinant a passé en revue différentes anecdotes d'An

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gleterre, favorables à son sujet ; & s'est bien gardé de parler de celles qui lui étoient contraires. Comme il continuoit de s'appesantir sur l'An-gleterre, on s'est écrié : c'est Thistoire d'Angleterre que vous ne faites ici arrangée à votre guise. Au fait. On me reproche de n'être pas dans la question, on se trompe; je l'aborde avec courage. En effet, le renvoi des ministres (on murmure, ) présenter le vœu des peuples pour renvoyer les minissres, c'est commander leur renvoi. Tremblez qu'on ne vous assimile au long parlement d'Angleterre; pour établir cette ressem→ blance, il ne vous reste plus qu'à dépouiller le roi du peu d'autorité qui lui reste. Je suis loin de croire à ce malheur, mais il est réel și vous adoptez le parti qu'on vous propose. Alors il ne resteroit plus d'autre parti à prendre aux amis de la monarchie, que de se rallier auprès du trône, et de s'ensevelir sous ses ruines. Il a conclu par un il n'y a pas lieu à délibérer sur la troisieme partie du décret.

M. de Mirabeau voyant M. Ricard à la tribune, et un cahier à la main, a representé que M. de Cazalès ayant toujours été hors la question, il n'étoit pas possible de lui répondre par un discours écrit: il a été iuterrompu; et son codéputé est entré en matiere.

Mais il a tellement divagué ou paru divaguer, qu'il a été souvent interrompu dans son décret même, dont la disposition relative aux ministres, se rapproche de ceile du comité; mais comme il veut prendre trois commissaires dans le sein de l'assemblée, pour les envoyer dans nos ports, et en cas de guerre, les faire

embarquer sur les vaisseaux de la flotte, on ne l'a pas écoûté le plaisant, c'est qu'il veut les diviser. M. Ricard, trois hommes divisés par 45. vaisseaux, combien de parties par vaisseau. Au reste, les murmures d'improbation ont résolu le problême, M. Ricard a abandonné la tribune. Le président a annoncé l'ordre du jour de demain, et la séance s'est levée.

Séance du soir.

Après la lecture de différentes adresses; une députation de la garde nationale de l'Orient a été admise à la barre. Elle a déposé 2 mille livres pour venir au secours des veuves & orphelins des citovens soldats tués devant Nancy.

M. Poucin, membre du comité d'agriculture & de commerce, a fait le rapport du projet, proposé dès 1785 par le sieur Brullée d'ouvrir un canal au-dessus de Paris, par le moyen des eaux de la Beuvronne. Ce canal doit racourcir la navigation de Pontoise à Paris, au point que le trajet qui consommoit 8 jours se fera dans un.

On a demandé l'ajournement du projet de décret, sous prétexte d'obtenir de nouvelle connoissance; mais M. Reubell a répondu que l'académie des sciences avoit donné deux fois un

rapport favorable ; que les départemens voisins & la ville de Paris sollicitoient l'ouverture du canal. Il a demandé que la discussion s'ouvrît sur le fond. L'assemblée a rejetté l'ajournement & après une foible discussion, elle a adopté le projet de décret du comité en ces termes :

DÉCRET.

« L'assemblée nationale, après avoir en

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