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pants. Ce chiffre de 13 pour 100 est considérable; je ne connais pas, en France, une grande usine qui pourrait offrir à ses ouvriers la moitié de ses bénéfices, au delà de 13 pour 100, sans se faire accuser de ne présenter qu'un leurre ridicule à ses nouveaux participants.

D'après les détails donnés par M. le Comte de Paris, les ouvriers, en six ans, auraient, par leur part de bénéfice, touché quarante pour cent de leur salaire, soit 6,66 pour 100 par an. Si le salaire a été de 1,500 francs par an, comme cela paraît résulter des chiffres de journées données dans le même ouvrage, la participation aux bénéfices aurait valu aux ouvriers une augmentation annuelle de 100 francs. Le système de tâches, qui se pratique généralement dans les ateliers français, vaut beaucoup plus pour l'ouvrier.

Il faut donc se garder de vues trop optimistes sur le système de la participation aux bénéfices, et je persiste dans ce que j'en ai dit: Ce n'est encore qu'un essai; mais il faut vivement désirer que de plus nombreuses expériences en établissent plus clairement les mérites et les défauts.

Ce qui est digne de tout éloge, c'est l'effort fait par un prince, né sur les marches d'un trône, s'occupant, dans son exil, à instruire son pays sur une importante question du travail, et portant, dans son étude, un esprit si libre et si sagement libéral.

Employer ainsi ses heures d'exil, c'était prouver combien on était digne de voir se rouvrir les portes fermées de la patrie.

APPENDICE N.

LE CODE RÉVOLUTIONNAIRE; LE SOCIALISME

GARANTISTE.

Un auteur, à qui cette Étude doit déjà beaucoup, M. Maxime Du Camp, a publié récemment un livre : Les Ancêtres de la Commune, attentat de Fieschi, où l'on trouve la preuve de l'audacieuse franchise avec laquelle les socialistes révolutionnaires affichaient leurs plus folles et plus détestables revendications en 1840 et 1849.

Il a exhumé un document élaboré à Londres, en 1839, et adopté à l'unanimité, en 1840, par la Société démocralique française, dirigée surtout par des condamnés français, réfugiés en Angleterre.

Ce document a pour titre : Rapport sur les mesures à prendre et les moyens à employer pour mettre la France dans une voie révolutionnaire, le lendemain d'une révolution victorieuse, effectuée dans son sein.

Dans le préambule, le rapport explique que les idées émises y sont toutes marquées au coin du système communautaire; la communauté est : la participation de tous à tout, c'est-à-dire la participation de tous les hommes à l'éducation, au travail, ou aux fonctions publiques et aux jouissances...

<< On installera un gouvernement provisoire composé d'un triumvirat pris parmi les hommes de révolution ou

de progrès, qui auront les idées sociales les plus avancées; ces hommes seront nommés, non par la grande majorité du peuple qui pourrait se tromper, mais par les auteurs de l'insurrection...

« L'opinion publique sera dirigée par les clubs, les journaux, les théâtres et les fêtes. Les journaux et les théâtres devront changer entièrement de nature...

« Le lendemain de l'insurrection, le peuple sera, sur la place publique, sans travail et sans pain. Le commerce, ou ce qu'on appelle commerce, sera anéanti, ou, du moins, tout à fait arrêté. Le gouvernement provisoire devra 1o faire une proclamation pour rétablir la grande devise liberté, égalité, fraternité; 2o décréter l'abolition de la monarchie et proclamer la république; 3° décréter que tout homme a droit à l'existence; suspendre l'exportation des grains et s'emparer de ceux-ci; 4o décréter l'abolition des impôts sur les denrées alimentaires et établir un maximum sur les susdites denrées; 5° décréter des peines, aussi sévères que les circonstances le permettront, contre les individus qui chercheraient à émigrer...; 8° déclarer que la patrie est en danger...

«La République devra immédiatement déclarer la guerre à tous les rois, renvoyer leurs ambassadeurs, et fomenter l'insurrection dans tous les pays étrangers...

« On ne créera pas d'armée révolutionnaire; le peuple armé et bien dirigé suffira à toutes les éventualités... l'armée est commandée par les représentants du peuple...

<< Le gouvernement devra: 1° se faire, au profit de la nation, premier manufacturier, directeur suprême de toutes les industries; 2° avoir une seule caisse et une seule direction pour elles; 3° avoir des magasins où les

produits seront déposés et vendus; 4 créer des ateliers nationaux...

« L'éducation devra être une; elle sera appliquée à tous... un père n'aura pas le droit d'instruire et d'élever son enfant à sa guise...

<< Tout article de journal, toute brochure, tout livre ou tout pamphlet qui, par les idées qu'il contiendrait, tendrait à faire revenir à l'ancien ordre de choses, devrait causer la poursuite et la punition de son auteur, comme contre-révolutionnaire...

« Quels seront les moyens à employer pour se procurer l'argent nécessaire à toutes les dépenses publiques? Nous pensons que les meilleurs moyens seraient : 1o une émission de papier-monnaie qui serait une représentation réelle, soit du sol, soit de l'indus trie; 2° une séquestration des biens des familles ayant participé aux actes gouvernementaux depus 1793; 3° la capitalisation de l'impôt DANS CERTAINS CAS. » Il faut s'arrêter sur ces derniers mots qui résument et font prévoir les violences financières les plus redoutables, et un parti pris de battre monnaie avec l'iniquité.

<< Tel a été, tel est encore le Code révolutionnaire 1 par excellence, dit l'auteur, p. 283. C'est la condensation de toutes les idées qui tourmentaient la cervelle des régicides de 1835 et des révoltés de 1839... Ces idées ne

1

1. Ce code de la révolution, adopté à l'unanimité de la Société démocratique française, en 1840, n'avait pas été oublié en 1848, et il s'est révélé par la tentative de Blanqui et la réapparition, d'un jour, du drapeau rouge; par les ateliers nationaux, dont la triste histoire est connue, et aussi par les fêtes! Moment heureusement choisi!

Celle de l'AGRICULTURE, au Champ de Mars, a donné la mesure du ridicule que peut déverser sur elle une nation intelligente et polie, qui consent à s'associer à un pareil anachronisme, ne fût-ce que par sa curiosité.

La foule était grande, et l'esprit narquois des Parisiens se donnait car

sont pas mortes et, à l'heure qu'il est, elles hantent plus d'un esprit troublé... »

Oui, c'est bien là l'idéal révolutionnaire! Un défi jeté à l'Europe, et pour unique moyen de défense, le peuple armé, cette thèse imbécile reproduite en 1868, 69, 70, par les orateurs de l'opposition; la saisie de toutes les denrées et le maximum; les assignats; les confiscations; l'État seul producteur et seul distributeur des produits; la liberté du travail violée, aussi bien que celle de la famille; les ateliers nationaux! En un mot, la plus inepte, la plus sauvage, la plus criminelle des dictatures!

C'est avec raison, on le voit, que j'ai fait remarquer au chap. XIV, p. 319, qu'il y avait une différence considérable dans l'énoncé des idées révolutionnaires de 1840 et 1848, et de celles des ouvriers délégués à Vienne. Que la pensée, au fond, soit la même, il paraît impossible d'en douter; on veut un monde nouveau, radicalement nouveau, mais on le dit autrement; les uns avec audace et brutalité, comme des conspirateurs qui veulent se montrer sûrs d'être suivis; les autres, en s'enveloppant d'obscurité, comme gens qui se savent n'être qu'une faible minorité. C'est là un notable signe des temps.

Je pourrais citer encore, à l'appui de ces considérations, un document curieux par le luxe de ses précautions oratoires et par une modération assurément bien

rière. Il y eut comme une explosion de rires et de lazzis au défilé des ouvrières de la manufacture des tabacs. Ces braves filles ne paraissaient pas se rendre un compte bien exact du rôle qu'on leur faisait jouer, ni du rapport qui existait entre elles et Cérès. De temps en temps, et des rangs du cortége, s'élevait le cri sinistre : Vive la République démocratique et sociale!

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