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n'y avait pas eu de diphtéries depuis cinq ans. Les maisons du second groupe étaient dans des conditions identiques aux autres; on y trouvait également des fontes et plomberie, l'absence de trappes, des fuites dans les tuyaux de drainage et autres défauts du même genre furent découverts dans l'une comme dans l'autre. Aucune de ces maisons n'avait d'arrangement spécial pour la ventilation. La seule différence était dans le rapport des caves humides entre les deux groupes; dans les maisons où des cas de diphtérie s'étaient produits le rapport était dans la proportion de huit à cinq, comparé aux maisons où aucun cas n'avait existé; un sol humide aide à la propagation de la diphtérie.

C'est surtout dans les faibles agglomérations que de telles maladies sont étudiées. L'institutrice d'une petite localité de Berkohin fut appelée à 25,000 de distance pour tenir une école au printemps de 1888; elle revint atteinte de diphtérie en juin de la même année. Dans les six mois suivants d'autres cas se produisirent dans la famille; la maladie traversa la rue chez le médecin de la famille, ici la maladie fit de tels ravages que le médecin dut quitter la ville, la maison resta vide pendant plusieurs mois. Le directeur du bureau de poste du village était aussi l'épicier. Les personnes de la première maison allaient souvent chez l'épicier, qui lui se rendit souvent à la maison avec ses marchandises; la famille fut bientôt atteinte et ravagée de la même façon. Après que la maison du médecin fut restée vide quelque temps et qu'on y eut fait une désinfection légère, un nouveau médecin s'y installa. Ses enfants furent bientôt atteints. Une femme en couches qu'il soigna et un petit garçon de sept ans prirent aussi la maladie; une voisine qui alla voir cette femme prit aussi le mal: et ainsi on put en retracer la marche de maison en maison. Il n'y avait rien de particulièrement insalubre dans les maisons atteintes, excepté dans deux ou trois cas une humidité excessive.

M. le Dr JOHN W. IRISSE (de Hackney) est porté à croire que l'insalubrité des maisons ne cause pas la maladie, mais qu'elle prédispose les habitants à la contracter. Il pense que, pour empêcher la propagation de la maladie en cas d'épidémie, la fermeture des jardins où les enfants jouent est aussi efficace que la fermeture des écoles.

En somme, ce qu'il importe de faire, c'est de transporter les malades à l'hôpital sans perte de temps, de désinfecter les chambres et les habits, de détruire par le feu les linges souilles, etc.

M. le Dr ADAMS (de Londres) croit qu'il y a un rapport assez constant entre les oscillations du niveau de la nappe d'eau souterraine et les épidémies de diphtérie. Il est certain que le microorganisme de la diphtérie habite les sols pollués de matières organiques et qu'il se multiplie lorsque ce sol devient humide; puis, sous l'influence de l'évaporation de l'eau, il se disperse dans l'air et détermine une épidémie.

Tout en admettant l'existence du microbe spécial à la diphtérie, encore faut-il qu'il y ait deux conditions pour que la maladie éclate il faut d'abord que les conditions hygrométriques et autres du sol con

viennent au développement de ce microbe; il faut, en outre, que le microbe se trouve déplacé du sol qu'il habite, soit par la pluie, soit par une élévation du niveau de la nappe d'eau souterraine, soit par une brusque baisse barométrique, etc.

M. le Dr PAGET (de Salford) ajoute que l'épidémie de diphtérie qui a duré trois ans (1888-1890) dans cette ville a montré que la mortalité des habitants ayant de une à trois années de résidence était moindre que celle de ceux qui n'habitaient la localité que depuis moins d'une année ou plus de trois années.

Dans certains quartiers, les habitants qui avaient moins de six mois de résidence ont été plus atteints que les autres, et cela dans la proportion d'un cinquième du nombre total des cas. Il est à remarquer que les quartiers où la susceptibilité des nouveaux résidents a été plus évidente sont ceux où la population est le plus dense. En d'autres termes, plus les habitants vivent dans des conditions antihygiéniques, moins ils sont à même de résister à l'influence morbigène.

M. le Dr JANSSENS (de Bruxelles), après avoir rappelé que Bruxelles avait été le siège du premier congrès général de statistique et des deux premiers congrès internationaux d'hygiène (1852 et 1876), et que la situation privilégiée avait fourni à cette ville l'occasion de devenir un centre d'informations sur l'état sanitaire des principaux centres de population du globe, expose qu'il a ainsi été à même de recueillir depuis 1874 (date de la création du service d'hygiène) une série de documents numériques relatifs à la marche du croup et de la diphtérie dans les principales contrées. Pour en faciliter la lecture et l'étude, il les a traduits sous la forme de tableaux graphiques: ceux-ci donnent pour une cinquantaine de capitales et chefs-lieux, comprenant ensemble une population d'environ 20 millions d'habitants, la mortalité relative causée depuis 1873 jusques et y compris 1890, par la maladie infecto-contagieuse dont s'agit. Cette mortalité, dont la moyenne caculée pour l'ensemble des 50 villes, est de 8,6 décès pour 10,000 habitants, présente de grands écarts dans le tableau, puisqu'elle oscille de 2,2 (coefficient pour Genève) à 18,4 (taux pour New-York). En groupant par nationalités les villes qui figurent dans le graphique et en calculant la moyenne des coefficients fournis par chacun de ces groupes, il a obtenu un second tableau de classement qui supplée, dans une certaine mesure, à l'absence de données statistiques officielles sur la mortalité diphtéritique des contrées dont il s'agit. Voici quels ont été les résultats ainsi obtenus:

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En vue de donner tout au moins un certain intérêt d'actualité à cet exposé, M. Janssens a complété son premier diagramme, par un autre, fournissant des données de même nature pour les six premiers mois de l'année actuelle quelques villes seulement qui figuraient dans le premier graphique, New-York, par exemple en sont exclues, parce qu'au moment de dresser le tableau statistique du deuxième trimestre 1891, elles n'avaient pas encore expédié le relevé nosologique des causes des décès constatés chez elles.

Ce dernier relevé, portant sur une période plus courte et sur un nombre de villes moindre (44), donne un classement par pays qui diffère quelque peu du précédent, comme l'indiquent les chiffres de mortalité ci-après :

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Un seule ville d'Espagne (Barcelone) nous a fait connaître le contingent mortuaire qu'elle a payé à la diphtérie pendant le premier semestre 1891 il s'élève à 13,6, chiffre qui donnerait à l'Espagne le rang le plus élevé dans l'échelle de mortalité ci-dessus, si nous pouvions classer la péninsule en nous basant sur les données d'une seule localité. Peut-être le chiffre de New-York modifiera-t-il ultérieurement le rang assigné aux villles américaines. L'épidémie relativement considérable de diphtérie que Genève accuse depuis six mois a fait monter de plusieurs échelons la mortalité spéciale des villes suisses. Ces réserves faites, on constate que certains pays sont beaucoup plus frappés que d'autres par les ravages de la diphtérie, que les uns dépassent toujours la moyenne normale, tandis que d'autres (tels que les Iles Britanniques, la Belgique et les Pays-Bas) semblent fournir un groupe en quelque sorte privilégié. La question de race jouerait-elle un rôle dans cette prédisposition constatée chez certains peuples? Cette supposition est-elle plus irrationnelle que celle qui attribue à la race anglaise et américaine une disposition spéciale à contracter la scarlatine, maladie que l'on a bien plus rarement occasion de constater dans d'autres pays voisins tels que la France et la Belgique ?

M. le docteur Janssens a donc cru opportun d'appeler l'attention des

membres du Congrès sur l'influence des races dans la propagation de la diphtérie, en les invitant à faire dans leurs pays respectifs des recherches à ce sujet. Il s'est livré récemment à une enquête de ce genre dans son pays, divisé, comme tout le monde le sait, par une ligne de démarcation bien tranchée, en deux régions occupées, l'une par la race flamande, l'autre par la race wallonne-française. Or, cette enquête qui ne porte malheureusement que sur une période trop courte (2 ans) semble déjà démontrer que les arrondissements flamands se classent tout en haut de l'échelle, tandis que les arrondissements wallons sont groupés étroitement au bas, et qu'un arrondissement mixte (Bruxelles) occupe le centre. Les provinces se classent naturellement dans le même ordre : les 4 flamandes ont donné 7,7 décès sur 10,000 habitants, les 4 wallonnes 4,0 et la province mixte (Brabant) 4,4.

D'autre part, les observations recueillies par le service d'hygiène de Bruxelles depuis seize ans sur l'étiologie et sur la prophylaxie des cas de diphtérie, observés dans cette ville, n'ont conduit jusqu'ici à aucun résultat positif: ainsi on n'a pas constaté de foyer épidémique dans aucun quartier; la classe aisée n'a pas été proportionnellement plus épargnée que la classe pauvre ou indigente. M. Janssens n'a pas constaté une corrélation bien évidente entre l'apparition des cas de maladie et l'existence de pigeonniers, poulaillers, fumiers, etc., dans les habitations envahies; il n'a pas remarqué non plus que l'épidémie diphtéritique de 1884-1886 eût exercée une influence quelconque sur la marche de la fièvre typhoïde, cette dernière maladie ayant continué à suivre sa marche descendante depuis 1874, sous l'influence des mesures d'hygiène prises par l'administration communale pour en restreindre la propagation dans ses plus étroites limites.

Influence de l'alcoolisme sur la santé publique. Sir DYCE DUCKWORTH (de Londres) n'est pas pour l'abstention totale de l'alcool, bien au contraire. Interdire absolument ce liquide lui paraît aussi déraisonnable que de défendre le beurre et le pain; ce qui est mauvais, c'est d'en consommer trop; mais la consommation modérée est utile, et par «< consommation modérée », il entend une consommation d'une once à une once et demie par jour pour un adulte. Cette consommation modérée produirait suivant lui d'heureuses conséquences; elle aiderait notamment à digérer les aliments mal cuits et faciliterait l'exécution des travaux pénibles. C'est en mangeant et quand le travail est fini qu'il convient d'absorber la dose recommandée par sir Dyce Duckworth pour ressentir ces effets bienfaisants. Il est, du reste, convaincu que certains peuples qui travaillent mollement sans l'assistance de l'alcool, acquerraient plus de vigueur s'ils recouraient à cette assistance dans la limite indiquée; mais il est bien entendu que les adultes seuls doivent suivre de tels conseils. Quant aux enfants l'alcool, même à petite dose, leur est toujours funeste; des peines sévères doivent être appliquées à ceux qui leur en vendent avant qu'ils aient atteint l'àge de puberté.

Comme conséquence de ces principes, il serait déraisonnable et trop

dur, dans l'état actuel de la civilisation, d'interdire complètement la consommation de l'alcool. Il ne faut imposer cette mesure rigoureuse qu'aux ivrognes invétérés, aux fous, aux ivrognes vicieux et aux victimes d'hérédité malheureuse. C'est au médecin à intervenir alors pour distinguer tous ces cas; cependant sir Dyce Duckworth verrait avec plaisir enlever l'exercice des droits civils aux ivrognes qui ont trop longtemps confondu l'usage avec l'abus. Il faudrait aussi qu'on cessât d'accorder, comme on le fait trop souvent, des circonstances atténuantes à ceux qui commettent des crimes sous l'influence de l'ivresse. En somme, il est un adversaire de l'abstinence totale et il ne se dissimule pas que l'auditoire est loin de penser comme lui à cet égard.

M. WESTERGAARD (de Copenhague) insiste sur les difficultés résultant de l'imperfection des statistiques relatives à la consommation des liqueurs alcooliques. Les effets sur la santé publique ne dépendent pas seulement de la consommation calculée par tête d'habitant, mais aussi de la manière dont cette consommation se répartit dans les différentes classes de la population.

L'extension de l'intempérance se manifeste indirectement par certains phénomènes sociaux, tels que les divorces, le nombre des aliénés, celui des ivrognes dans les asiles pour les pauvres, et aussi le nombre des personnes engagées dans le commerce des liqueurs fortes. Les effets de l'ivrognerie sur la santé peuvent se mesurer indirectement par la mortalité dans certaines professions, comme celle de cabaretier et les compagnies d'assurances sur la vie ont recueilli à cet égard de curieux renseignements, non seulement sur l'âge moyen à la mort, mais aussi sur les maladies qui l'amènent: maladies du foie, delirium tremens, alcoolisme chronique, développement de la phtisie pulmonaire, etc., conséquences de l'ivrognerie. M. Westergaard et M. Isambard Owen ont produit à cet égard beaucoup de statistiques qui conduisent à des résultats inattendus sur la question de l'abstinence totale ou partielle. Il semble, en effet, que ceux qui pratiquent l'abstinence totale meurent onze ans plus tôt que ceux qui pratiquent seulement l'abstinence partielle. Les sociétés abstentionnistes cherchent à expliquer ce fait par des considérations sur la manière dont les statistiques sont dressées; mais il leur est cependant difficile d'y trouver un argument en faveur de leur thèse.

M. Westergaard examine successivement les différents systèmes proposés pour diminuer l'alcoolisme, tels que les cabarets où l'on ne boit que des liquides non alcooliques, les sociétés de tempérance, les hôpitaux d'ivrognes, la purification de l'alcool, l'augmentation des impôts, etc. Il approuve le fonctionnement du monopole de l'alcool en Suisse et parle ensuite du système absolument prohibitif pratiqué dans l'État du Maine. Ce dernier système, séduisant en apparence, parait inefficace en pratique, surtout à cause de la contrebande de mauvaises liqueurs qu'il fa vorise. Les mêmes objections s'appliquent au système de l'« option locale » qui laisse à chaque ville et village le droit d'autoriser ou de défendre la consommation de l'alcool. L'établissement d'un droit de licence élevé

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