Page images
PDF
EPUB

Je n'ai pas été beaucoup plus heureux que Schotte et Gärtner dans la désinfection des matériaux humides les tampons de coton des expériences 2, 3, 4 et 5, les pièces d'étoffe des expériences 1, 5, 6, 10 et 11 et quelques-unes de l'expérience 8 se trouvaient dans cet état. Or sur ces 107 tentatives il y a eu 28 échecs. En considérant comme stérilisées 18 cultures douteuses dont plusieurs, je viens de le dire, contenaient peut-être des germes, plus d'un quart sont encore restées vivantes.

Ainsi que le faisaient prévoir les résultats médiocres des vapeurs sulfureuses dans les liquides, l'humidité sur les tissus n'exerce pas une grande influence.

L'étoffe dont je me suis servi était moins épaisse que la flanelle de Schotte et Gärtner et les cultures s'y trouvaient moins abritées que dans les expériences de Wolffhügel 1, aussi mes résultats sontils un peu supérieurs à ceux relatés par ces auteurs.

Pour agir, l'acide sulfureux, comme tous les désinfectants, doit entrer en contact intime avec les bactéries; dès qu'elles sont abritées par la trame des tissus, la stérilisation ne se produit plus, ainsi que Duclaux l'a fait remarquer dans l'analyse du mémoire de Jalan de la Croix. « L'acide sulfureux, dit Duclaux, tue les bactéries qui sont à la surface des objets. Employé en fumigations, il n'a pas d'effets, si les parasites sont en couche épaisse ou situés profondément, parce qu'il ne pénètre pas les tissus 2. »

Toute circonstance agissant dans le même sens aura des conséquences semblables. Une faute commise dans l'expérience no 7 m'en fournit une preuve des virus ont été respectés, très probablement parce que j'avais oublié d'enlever les couvercles fermant, d'ailleurs très imparfaitement, les cristallisoirs qui les contenaient.

4° La puissance antiseptique de l'acide sulfureux est-elle en rapport avec le temps pendant lequel on le fait agir sur les virus? Les expériences de Kossiakoff, démontrant l'accoutumance des microbes à l'action des désinfectants lorsque ceux-ci ne les stérilisent d'emblée, faisaient prévoir que l'acide sulfureux n'agirait point autrement sur les cultures exposées pendant plusieurs jours à la désinfection.

1. Coton comprimé, cultures placées sous des tapis 2. CORNIL et BABES, les Bactéries, t. I, p. 449.

Je n'ignorais pas, d'autre part, que Wolffhügel avait constaté que deux heures après le début de l'expérience on trouve à peine la moitié ou le tiers du gaz dégagé, dans une chambre où les joints des portes et des fenêtres ont été garnis de bandes de papier; je savais aussi que Miquel n'était pas arrivé à détruire certaines bactéries en les maintenant en présence de cet agent pendant quinze à vingt jours.

Cependant, retrouvant toujours l'odeur d'acide sulfureux dans le cabinet à désinfection, je me suis demandé si la pénétration du gaz dans les tissus n'augmenterait pas en prolongeant l'expérience; à cet effet j'ai laissé agir les vapeurs non seulement vingt-quatre heures, mais deux, trois, quatre et cinq jours. Voici les résultats constatés sur 42 cultures traitées de cette façon :

Après deux jours: 28 ont été tuées et 11 sont restées vivaces; des germes étrangers avaient envahi les trois autres en si grand nombre qu'il n'a pas été possible d'isoler les microbes étudiés.

Après trois jours, les effets sont sensiblement pareils 9 vivaces, 22 stériles et 11 douteuses pour les motifs déjà indiqués.

Après quatre jours: 16 vivaces, 17 stériles et 9 douteuses.

Enfin après jours j'en trouve : 11 vivantes, 26 mortes et 3 dou

teuses.

En résumé la durée de l'exposition variant de 2 à 5 jours ne paraît pas jouer le moindre rôle.

Il semble cependant que cet antiseptique a besoin de plus de vingt-quatre heures pour déployer toute son énergie, puisque 2 cultures seulement sur 13 ont été stérilisées dans l'expérience no 2.

5° La puissance antiseptique de l'acide sulfureux est-elle égale à toutes les hauteurs et quelle que soit la place occupée par le générateur du désinfectant? Schotte et Gärtner avaient annoncé que la stérilisation dépendait de la place occupée par les parasites; dans leurs expériences, ceux élevés au-dessus du sol étaient tués et non ceux touchant le parquet.

Pour vérifier cette assertion, j'ai placé (expér. de 5 à 11) des cultures du même âge et dans le même état sur le sol et à 1,60 de hauteur environ. Sur 63 cultures occupant la première situation, 18 ont résisté, 34 sont mortes, et dans les 11 autres les résultats

1. Thèse de Paris, 1883.

n'ont pu être déterminés. Dans les cultures de la seconde série, le même nombre n'a pas été stérilisé (18); une proportion à peu près égale a été détruite (31 au lieu de 34), et il y en a 14 sur lesquelles je n'ai pu me prononcer.

Les mêmes germes sont tantôt anéantis et tantôt vivants, en haut comme en bas; quelquefois les plus élevés résistent seuls; beaucoup cependant suivent la loi énoncée par Schotte et Gärtner.

Le générateur, placé au ras du sol ou à 2 mètres de hauteur, ne change pas les résultats. Le volume du gaz produit est toujours sensiblement le même, et dès lors l'action de l'antiseptique reste invariable.

6° L'acide sulfureux agit-il seulement sur les microbes et non sur leurs spores? - Le jugement porté sur cet antiseptique par Koch pouvait le faire supposer: « On a accordé, écrit-il, trop de «< confiance à l'acide sulfureux, qui, même dans les conditions les < plus favorables en apparence, est incapable de produire les effets « qui constituent la désinfection intégrale 1. »

Dans la pratique un agent pourrait être un excellent désinfectant tout en respectant les spores du charbon ou de tout autre bacille; il n'est pas certain d'ailleurs que tous les microbes pathogènes aient la faculté de prendre cette forme exceptionnellement résistante aux causes de destruction. C'est ce qui faisait dire à Sternberg: « Je << ne suis pas disposé à aller si loin que Wolffhügel et Koch • et à proposer d'abandonner un agent qui jouit de la confiance des << praticiens sanitaires pour la destruction des principes infectieux de la variole, de la scarlatine, de la diphthérie, du choléra, de la, « fièvre jaune, sous prétexte qu'il ne réussit pas à détruire les << spores du bacillus anthracis ou du bacillus subtilis 2 ».

Les recherches de Thoinot semblent confirmer l'opinion de Sternberg, puisqu'il trouve que les microbes de la diphthérie, du choléra asiatique et de la fièvre typhoïde peuvent, d'une façon générale, être tués par l'acide sulfureux à dose variable, mais qu'ils le sont toujours après vingt-quatre heures avec 60 grammes de soufre.

Il ne m'a pas été donné de retrouver cette spécificité antiseptique

1. Revue d'hygiène, 1882, p. 245.

2. Report of the Committee on desinfectants of the american public health association. Baltimore, 1885, p. 87.

sur ces microbes même en produisant des quantités de gaz supérieures à celles employées par Thoinot et en prolongeant plus longtemps l'exposition. Cependant je crois que le bacille de Löffler est plus facilement atteint que les autres; quant aux microbes de la fièvre typhoïde et du choléra asiatique, s'ils sont plus souvent stérilisés que les spores ou les bacilles du charbon virulent, ils ne le sont pas beaucoup plus fréquemment que ceux de la dysenterie, du rouget du porc ou du clou de Biskra. Ce désinfectant n'a donc aucun pouvoir spécial sur les bactéries dont je m'occupe.

On ne peut mieux soutenir qu'il tue le microbe et respecte la spore, car la réalité des arthrospores de Hueppe est encore à établir, et j'ai démontré, après Buchner 1, que le bacille d'Eberth ne formait point de spores 2.

En jetant les yeux sur le tableau résumant mes expériences, il est facile de se convaincre que les résultats de la stérilisation ne sont nullement subordonnés à l'âge des cultures.

-

7° Action de l'acide sulfureux sur les microbes de l'air. Bien que ce point n'ait pas été visé dans mes recherches, j'en dirai quelques mots. A mon avis, les vapeurs sulfureuses ont une action incontestable sur les microbes répandus dans l'atmosphère; je base cette opinion sur le petit nombre de cultures contaminées dans mes expériences. Des tubes de bouillon, des tampons de coton et des chiffons exposés à l'air, durant plusieurs jours, auraient été plus fréquemment envahis par les germes errants si le gaz produit ne les avait attaqués.

Sur 181 cultures je relève seulement 28 contaminations; sur ce nombre plusieurs reviennent certainement aux manipulations plutôt qu'au contact de l'air.

Ce fait a été d'ailleurs numériquement démontré par Dubief et Bruhl d'après le nombre des bactéries renfermées dans un litre d'air puisé dans une pièce, avant et après la sulfuration. Ces constatations fort intéressantes ne grandiront malheureusement pas beaucoup la valeur antiseptique de l'acide sulfureux, mème en admettant avec ces auteurs « que le nombre des germes contenus dans l'atmosphère de « la chambre était toujours plus faible après la sulfuration qu'avant

1. Centrabl. f. bakt., t. XI, p. 353.

2. Annales de l'Institut Pasteur, novembre 1890.

<«<et que la différence était d'autant plus sensible que l'humidité de << l'air était plus grande ». L'air, on le sait, échappe à la désinfection et n'est pas généralement le véhicule de la contagion dans les maladies infectieuses, surtout dans celles dont je me suis occupé.

Conclusion. L'acide sulfureux, aux plus hautes doses qu'il soit possible d'atteindre dans la pratique, même en saturant l'air d'humidité, est un antiseptique trop inconstant pour le préconiser dans la désinfection des virus étudiés.

L'HOPITAL DES PHTHISIQUES DE VENTNOR
(ILE DE WIGHT)2,

Par le Dr Ch. BILLET,

Médecin chef de l'hôpital militaire de Saint-Omer.

L'extension, toujours croissante dans notre pays, de la tuberculose, ce fléau redoutable qui, à lui seul, suivant l'expression si frappante de M. Landouzy dans un récent Congrès, dépeuple la France autant que la syphilis, l'alcoolisme et le malthusianisme réunis, est bien de nature à justifier la tenacité des savants les plus éminents dans la recherche des moyens propres à le combattre et, faut-il l'espérer, à le vaincre.

L'échec d'une méthode qui a fait d'autant plus de bruit qu'on espérait davantage la voir réussir, étant donnée l'autorité du chercheur consciencieux et opiniâtre qui l'inaugurait et les résultats qu'elle promettait, n'a heureusement découragé personne; et aujourd'hui, loin d'abandonner la lutte, médecins et chirurgiens s'unissent pour arriver à la conquête du procédé héroïque qui anéantira le microbe de la phthisie.

Plus modestes dans leurs aspirations, mais bien méritants aussi

1. Gaz. heb. médec. et chir., 1889, p. 379.

2. Je dois bon nombre des documents contenus dans cette notice à M. le Dr Coghill, médecin en chef de l'hôpital, que je remercie, et auprès duquel tous nos collègues sont assurés de trouver, à l'occasion, le plus aimable

accueil.

« PreviousContinue »