contraires à ceux qui en dépendent. On doit posséder au titre qu'on a accepté, répondre à la confiance de celui qui l'a donné, et ne point usurper la propriété des biens sur lesquels on n'a acquis que des droits de jouissance ou d'usage. L'on ne peut pas faire produire à sa concession un autre effet que celui qui doit découler du titre. Voilà uniquement ce que la loi a entendu en défendant de prescrire contre son titre; elle l'a suffisamment exprimé par l'explication dont elle a accompagné sa défense. 170. Si l'on a acheté un héritage qui entrait dans la composition d'un domaine, l'on ne prescrit pas contre son titre, en possédant comme maître un autre héritage du même domaine. On ne prescrit même pas contre son titre, dans le sens de la loi, quand, n'ayant acheté qu'une portion de fonds, l'on jouit, comme maître, de la totalité : l'on ne change ni sa qualité, ni le caractère de sa possession: Si fundus emptus sit, et ampliores fines possessi sint, totum longo tempore capi priscus ait. L. 2,$6, ff. pro empt. Salvaing, de l'usage des fiefs, chap. 94, rapporte un arrêt du parlement de Grenoble, du 6 février 1663, qui a jugé conformément à ce principe. En 1260, Pons de Monlaur, propriétaire d'un droit sur la vente des grains, à Montpellier, fit donation d'une portion dece droit à Raymond Marchy et aux siens. Ceux-ci se sont trouvés, dans la suite du temps, en possession de la totalité du droit, sans nouveau titre. Le sieur de Caylus, représentant de Pons de Monlaur, voulut faire réduire leur possession aux termes de l'acte de 2260, en se fondant sur la maxime: Nul ne peut prescrire contre son titre. Le sieur de Solas, successeur de Marchy, invoqua sa possession immémoriale: l'arrêt accueillit sa défense, et le maintint dans la totalité du droit. nmmm CHAPITRE V. De l'interruption de la prescription. SOMMAIRE. 171. Causes qui produisent l'interruption. 178. S'il y a interruption, lorsque par 172. L'interruption diffère de la suspen sion. erreur on prend sa propre chose d'une autre personne à titre précaire. 179. Il n'y a pas d'interruption pour celui qui reprend son terrain submergé depuis plus d'un an. 180. Encore moins pour celui qui avait, en remplacemeut, le lit déserté d'une 181. 182. 177. Il doit en étre de même de la transaction comme du jugement. Secus du simple délaissement de fait. 183. rivière. Restes de bâtimens inondes empêchent l'interruption. A moins de contradiction, tous vestiges empêchent l'interruption. Interruption civile par action ou poursuites. Une demande incidente la produit. 184. Interpellation extrajudiciaire n'interrompt pas la possession d'un immeuble. 185. Citation en conciliation suivie d'ajournement interrompt. mel, est interruptive à l'égard du tiers débiteur. 206. Inscription hypothécaire n'interrompt. Demande en déclaration d'hypothèque est interruptive. 186. Comparution volontaire au bureau de 207. Réquisition des scellés, etc., ne sont paix, de méme. 187. Il n'y a point d'interruption quand la demande n'est pas recevable, pour pas rangés dans la classe des actes interruptifs. Vice de la loi. Tempérament possible. n'avoir pas été présentée au bureau 208. Intervention au partage est interrupde paix. 188. Aucune assignation n'interrompt si tive. La simple opposition ne l'est pas. elle est nulle pour défaut de forme. 209. Reconnaissance du droit ou de la dette 189. Nullité couverte laisse l'interruption. 190. De même, fin de non-recevoir résul par le détenteur ou le débiteur est une cause d'interruption. tant du défaut de citation en conci- 210. Reconnaissance ne se prouve par té- 191. Cette citation, bien qu'elle ne fût pas 194. Ne faut-il pas faire exception pour 211. moins, que dans le cas d'une obligation qui peut s'établir de cette manière. Actes formels de reconnaissance selon les art. 1337, 1338. 212. Reconnaissance par lettre missive. 213. Elle résulte de la demande d'un délai 214. 215. pour payer. On reconnaît la dette par le paiement d'une portion ou des intéréts. Créanciers ne peuvent prouver de paiemens par les mentions de leurs livres. 196. En définitive, la nullité de la demande, irrégulièrement formée par 216. Ni par des quittances sous seing la femme ou par elle, ne peut être réclamée que par elle ou ses héri tiers. 197. Il en doit être de même pour les mi neurs. privé, trouvées dans les papiers de leur auteur. 217. Ratification de rente par la femme, sans autorisation, vaut comme preuve de paiement. 198. Suivant la jurisprudence, on surseoit 218. Si le mari seul a cédé les droits de aux demandes formées sans auto- 199. Désistement de la demande, perte 200. Jugement par défaut non signifié ou 201. Mais nullité dans la forme du juge- 219. 221. sa femme, l'acte vaut reconnaissance pour elle. De nouvelles sûretés, données au créancier, font une reconnaissance. L'antichrèse, le gage et le séquestre, constituent reconnaissance et interruption. De méme, legs pour l'acquit d'une dette, mandat, délégation, offres. 222. Si des réserves d'autres droits, dettes, etc., produisent l'interruption. Compensation qui éteint une partie de la dette produit-elle l'interruption? 223. 224. 225. Distinction. Interruption pour une cause ne s'étend à une autre. Il ne résulte pas d'interruption d'une demande de droits non spécifiés. Demande d'une chose principale interrompt pour tous ses accessoires. une quote-part, l'interruption ne s'étend pas. 228. Si pour une même chose, ou à des ac- 240. Simple demande de quote-part ne tions diverses, ou à des titres diffé- 229. Secus quand les droits divers peuvent 250. De deux droits, dont l'un est subordonné à l'autre, l'exercice du plus fort arrête la prescription de l'autre. Exemple. 231. Mais l'exercice du moindre droit ne fait pas obstacle à la prescription du plus fort. 252. L'interruption civile n'opère qu'entre la personne qui agit et celle qui est recherchée. 233. Elle ne profite qu'à celui qui la forme. Exemple. borne pas l'interruption; il faut l'ac- 241. Quand la prescription est acquise, 244. L'interruption contre le cohéritier, 234. Interruption contre le tiers, obligé 246. Comment se fait l'interruption à l'é hypothécairement, ne sert contre le gard des corporations ou des étres 235. Interruption contre le principal obligé 247. On n'a pas besoin de pouvoir précis ne sert contre le tiers détenteur. 236. Action récursoire du garanti contre collectifs. pour recevoir une reconnaissance profitable à des co-intéressés. le garant, interrompt la prescription 248. L'indivision entre cohéritiers asso- 237. Quand il y a des créanciers ou des 238. Jugement par défaut de comparaître contre deux débiteurs solidaires, exécuté contre l'un et non contre l'autre. Controverse sur la péremption à l'égard de celui-ci. 239. Si l'on ne donne quittance, ou si l'on n'obtient de condamnation que pour 171. L'ARTICLE 2219 du code civil veut, pour la prescription, une possession continue et non interrompue. En appréciant la signification de ces mots, suprà, chap. II, on a pensé qu'ils présentent la même condition sous deux rapports divers; qu'ils marquent la nécessité, pour celui qui veut prescrire, d'une possession qui soit continue de sa part, et qui ne soit point interrompue par le fait d'autrui. On a dû donner, en cet endroit, quelques explications sur des circonstances qui ont paru n'être pas de nature à rompre la continuité de la 249. 250. 251. ciés, etc., ne rend pas commune, en général, l'interruption faite par l'un ou contre l'un d'eux. Circonstances qui peuvent faire exception à cette règle. L'interruption contre le débiteur principal, sert contre la caution. En est-il de méme en allant de la caution au débiteur principal? 252. Poursuites contre un débiteur délégué n'interrompent pas contre l'auteur de la délégation. possession. Ici l'on doit considérer d'une manière plus particulière l'interruption, et voir quelles sont les causes qui la produisent. 172. L'interruption diffère grandement de la suspension, qui fera l'objet du cha pitre suivant. La suspension ne touche point à la possession préexistante; elle la laisse subsister, et ne fait quarrêter momentanément son cours, tandis que l'interruption efface la possession qui l'a pré. cédée, et fait que la prescription ne peut plus s'acquérir qu'en vertu d'une nouvelle possession. D'Arg. Cout. de Bretag., art. 266, chap. 2. 173. La prescription peut être interrompue naturellement ou civilement, art. 2242: naturellement lorsqu'on abandonne ou qu'on néglige la possession des choses, au point de les laisser occuper et jouir en maitres par d'autres personnes; civilement, par rapport aux immeubles, lorsqu'on est provoqué en justice par une demande en délaissement; et, à l'égard des droits incorporels, par des poursuites d'exécution, aussi bien que par une citation en justice. 174. L'interruption naturelle était désignée à Rome par le nom d'usurpation. L. 2, ff. de usurp. et usucap. Son nom propre lui convient davantage, parce que si elle est souvent causée par l'usurpation, elle peut aussi bien n'être qu'un juste retour à la possession par le véritable propriétaire. Il y a interruption naturelle, lorsque le fait même de la possession est interrompu; mais il faut que cette interruption se soit prolongée pendant un temps assez long pour qu'on ne présume pas qu'elle n'a été l'effet que d'une erreur de la part de l'occupant, et que celui qui avait ava la poss possession a fait cesser l'occupation aussitôt qu'il en a eu connaissace. Nous avons déjà observé (nos 36 et 37) que la possession s'acquiert par la jouissance d'une année, et qu'elle se perd aussi par la cessation de jouissance durant le même espace de temps. C'est en effet ce terme d'une année que l'article 2243 a fixé. M. Bigot de Préameneu, après avoir développé les motifs de cette règle, ajoute: Ainsi, nul ne peut être dépouillé du titre de possesseur, que parla possession d'une autre personne pendant un an; et, par la même raison, la possession qui n'a point été d'un an, n'a pas l'effet d'interrompre la prescription. 175. Suivant l'explication qu'on a donnée (no 42), en examinant les art. 2229 et 2234, quoique la possession d'un nouvel occupant ait duré, en fait, plus d'une année, si elle a cessé par l'effet d'une demande possessoire formée avant l'expiration de l'année, elle n'opère pas d'interruption, parce qu'elle a été elle même interrompue civilement dans son cours, et effacée par le jugement possessoire, ou par la reconnaissance du droit du demandeur. On l'a dit avec d'Argentré, on possède, en réclamant auprès des tribunaux, contre l'usurpateur de son fonds. On a fait ce que l'on devait, en agissant dans l'année du trouble. Ce devoir rempli, que la marche de la justice soit lente, que sa décision soit différée, que l'exécution du jugement soit retardée par des difficultés, peu importe, la détention contestée n'est que précaire; l'ancien possesseur conserve ses droits, et il n'y a pas d'interruption dans sa possession. 176. Le possesseur troublé dans sa jouissance a le choix du recours au possessoire ou au pétitoire. Quelle que soit la voie qu'il prenne, le résultat est le même pour lui, si son action intervient dans l'année du trouble. Il est même très juste que, sans considération d'un temps aussi court, toute décision qui proscrit définitivement l'usurpation fasse disparaître l'interruption qu'elle avait produite. La cause cessant, l'effet doit cesser aussi. La raison l'indique, et Domat l'enseigne dans ses lois civiles (Notes, art. 6, sect. 3, liv. 3). C'était aussi une règle établie, en termes généraux, , par la loi 13, §9, ff. de acq. et amitt. poss.: Si jussu judicii, res mihi restituta sit, accessionem esse mihi dandam placuit. Ce n'est plus la réintégration par la voie de l'interdit ou de l'action possessoire. Bruneman l'a bien compris; car, pour expliquer la loi, il présente l'exemple d'une éviction ordonnée contre l'individu qui détenait la chose depuis six ans , et il dit que le possesseur réintégré peut joindre la possession de celui qu'il a évincé, à la sienne propre, pour former la prescription, et l'opposer à la tierce personne qui viendrait revendiquer cette chose. Suivant l'explication de Bruneman, Dunod affirme que « l'on peut employer la possession de celui qu'on a fait condamner à la désistance. » chose jugée.Barthole, Cujas et D'Argentré avaient auparavant déduit cette conséquence de l'autorité de la chose jugée; mais D'Argentré s'était fait quelques difficultés. Se fondant sur le § 3, que nous examinerons bientôt, de la même loi 15, il met d'abord en principe, que nul ne peut joindre à sa possession celle de la personne dont il n'est pas l'ayant-droit; il rappelle ensuite que, d'après le § 9 de cette loi, Alexandre, Aretin, Fulgore et Gomez ont excepté le cas de l'usurpateur qu'on a fait condamner à la restitution; et il ajoute: Cependant, celui qui a souffert l'éviction n'est pas l'auteur de celui qui l'a obtenue. D'un autre côté, il semble qu'il y ait eu interruption naturelle, et qu'il conviendrait de rendre l'usurpateur garant de ses effets, plutôt que de cumuler, au préjudice d'un tiers, sa possession avec la possession de celui qui l'évince; mais on en juge autrement; on fait une exception particulière à la règle générale, en considération de l'autorité de la chose jugée. Bretag., art. 171, n. 3 et 4. M. Merlin n'admet pas, en principe, cette considération de la chose jugée; il ne conçoit pas qu'un jugement puisse faire regarder le possesseur évincé comme l'auteur de celui qui l'a fait condamner au délaissement. C'est un effet étrange à ses yeux, une fiction qu'il a fallu suivre avant le code civil, parce que la loi 13, §9, le voulait ainsi. La cour de Bruxelles a dû décider, d'après cette loi, dans son arrêt du 8 thermidor an 13, « que le temps du défendeur évincé accède au propriétaire reconnu par le juge; mais l'art. 2235 ne permet plus de juger de même, en disant que, « pour empêcher la prescription, on peut joindre à sa possession celle de son auteur, de quelque manière qu'on lui ait succédé.... Il décide nettement que, pour qu'il y ait cumul des deux possessions, il ne suffit pas que l'une ait succédé à l'autre, et qu'il faut de plus qu'il y ait, entre les deux possesseurs, le rapport d'un auteur avec son ayant-cause. » Dans la première édition de ce traité, nous avions dit seulement qu'il semblerait très raisonnable que, sans considération du temps, l'éviction de l'usurpateur fit disparaître l'interruption qu'il avait produite; et croyant que l'art. 2247 du code portait une règle contraire, nous en éprouvions du regret intérieurement. DeTRAITÉ DES PRESCR. , puis, nous avons connu la dissertation de M. Merlin, ajoutée à son répertoire; elle nous a fait réfléchir davantage, et il nous a paru que ni l'art. 2243, ni l'art. 2235 ne repoussent la règle que nous avions trouvée si raisonnable, et qu'elle reste comme la conséquence nécessaire des vrais principes. Ce n'est point en faisant du possesseur l'ayant-droit de l'usurpateur qu'il a évincé, qu'on lui compte, comme possession la jouissance de cet usurpateur. Bien certainement il ne succède pas aux droits de celui qu'il a fait juger sans droits, et condamner à lui rendre le fonds usurpé et les fruits qui en sont provenus. C'est qu'il a fait un grand acte de propriété en poursuivant l'usurpateur; c'est qu'en obtenant la restitution de la chose et des fruits dont il avait été indûment privé, il a renoué sa possession interrompue; que celui qu'il a évincé n'a été qu'un détenteur précaire, qui n'a possédé que pour le maître, auquel il a rapporté sa jouissance. N'est-ce donc pas une manière de posséder, et la plus éclatante de toutes, que d'agir en justice comme propriétaire, pour retirer sa propriété des mains d'un usurpateur? Et que peut-il manquer à l'ancien possesseur, dont la justice reconnaît le droit, et rétablit la possession injustement altérée ? La loi romaine ne le disait pas ; mais les interprètes l'ont bien senti: l'autorité de la chose jugée ne permet pas de voir l'interruption qu'elle a effacée. L'art. 2243 n'a point dérogé à ces principes. Le législateur n'a pu avoir la pensée de leur porter atteinte; ils sont d'éternelle raison. Si la loi déclare qu'il y a interruption naturelle, lorsque le possesseur est privé pendant plus d'un an de la jouissance de la chose, soit par l'ancien propriétaire, soit même par un tiers, elle ne dit pas que l'interruption soit ineffaçable. La loi n'est point absurde; elle ne saurait contredire la vérité ; l'interruption peut s'effacer. La loi n'est point bizarre et injuste; elle n'ordonne pas de compter l'interruption, quoiqu'effacée. La loi fait résulter l'interruption du défaut de jouissance, et non du défaut d'occupation. Sans détenir sa chose, on ne cesse pas d'en jouir, on en jouit civilement; si l'on retire, quoique après l'année, le prix de la jouissance naturelle du détenteur. Il se passe beaucoup de fermes verbalement, et bien des fermiers font des arrérages. 5 |