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Ce ne sont pas ces argumens qui ont déterminé le rejet du pourvoi, mais dans la cause il se trouvait que la condamnation à la peine corporelle n'avait pas eu d'exécution, et que la régie de l'enregistrement n'avait poursuivi le paiement de l'amende, avant le terme de la prescription, que par une simple contrainte qui n'était point au nom du procureur du roi. Cette circonstance fit dire à la Cour de Rennes, que d'ailleurs la contrainte était nulle, d'après l'art. 197 du code d'instruction criminelle, et, conséquemment, sans effet contre la prescription. Ce dernier motif est le seul que la Cour régulatrice ait sanctionné. Elle a déclaré qu'en décidant que la prescription n'a pas été interrompue par la contrainte décernée au nom de la direction, la Cour royale de Rennes, loin d'avoir violé les lois invoquées, en a fait une juste application. Arrêt du 8 janvier 1822 (D., t. 1, p. 441. S., t. 22, 1, p. 201. -Legraverend, t. 1, p. 74, éd. de Tarlier). En ne se fondant que sur un point des motifs de l'arrêt soumis à son examen, la Cour de cassation ne déclare pas, il est vrai, qu'elle improuve les autres motifs; mais il est évident qu'au moins elle a douté de leur exactitude parfaite. Il est à regretter, dans l'intérêt de la jurisprudence, que la Cour régulatrice n'ait pas jugé l'occasion opportune pour lever tous les doutes et déterminer le sens de la loi.

L'arrêt de rejet a bien fixé ces trois points: 1o La prescription des amendes peut être interrompue par des poursuites; et l'interruption peut s'opérer par un commandement ou un acte de contrainte. C'est ici l'application du droit commun; et cette application doit paraître très convenable pour une dette pécuniaire envers le fisc. 2o Le commandement nul ne peut avoir l'effet interruptif. C'est encore une règie du droit commun. 3° La contrainte n'est régulière et n'interrompt la prescription qu'autant qu'elle est décernée par la direc

tion de l'enregistrement, au nom du procureur du roi. Mais l'arrêt laisse indécise la question relative à la divisibilité de la condamnation pénale pour les effet de la prescription, à la possibilité et aux moyens d'interruption pour la peine corporelle.

Que la condamnation à la peine afflictive et à l'amende soit prononcée par le même jugement, et que les deux peines soient soumises à la même prescription, elles ne sont pas moins de nature différente, et divisibles dans l'exécution. Elles peuvent être, et elles sont toujours poursuivies séparément; et très souvent le condamné subit l'une quand il échappe à l'autre. Tel soustrait sa personne à la peine afflictive, dont les biens fournissent à l'amende et aux réparations civiles. Tel autre satisfait à la condamnation corporelle, qui n'est pas même recherché pour l'amende. L'interruption convient à la prescription de l'amende; et ne s'accorde point avec le principe de la prescription pour la peine corporelle. Les raisons que nous avons exposées no 456, ne sont point effacées par le silence de l'arrêt de rejet précité, sur le principe de division que paraissaient annoncer les considérans de l'arrêt de Rennes. Ces motifs, d'ailleurs peu clairs, se trouvaient mêlés avec d'autres évidemment faux; et la Cour de cassation, qui en a trouvé un dernier, bon et suffisant, s'en est tenue à celui-là sans chercher à débrouiller ceux qui le précèdent. On est grandement porté à croire que si la Cour de Rennes avait jugé d'une manière positive que la peine corporelle et l'amende, divisibles dans l'exécution, se divisent pour la prescription, quant aux effets interruptifs; que l'amende les reçoit par les moyens ordinaires du droit commun, et que la peine n'en est pas susceptible, quand la personne du condamné ne peut pas être saisie, cette décision aurait eu la pleine sanction de la Cour régulatrice.

CHAPITRE XIII.

Prescription de trois ans.

SOMMAIRE.

650. Prescription de trois ans a un assez 663. On prescrit par trois ans contre la

grand nombre d'applications.

publique et l'action civile se pres

crivent par trois ans. De quel jour? 664. Droit à la séparation de patrimoine

651. En matière correctionnelle, l'action

652. Pour la dénonciation calomnieuse,

est-ce du jour elle a été reconnue ?

rompt la prescription de l'action civile, et vice versa.

régie de l'enregistrement, relativement aux omissions dans les décla

rations de succession.

pour les meubles se prescrit par

trois ans.

ciers qui ne se présentent qu'après l'apurement du compte, n'ont plus de recours, après trois ans, contre les légataires.

666. Caution des enfans naturels ou de l'époux survivant, déchargée après

653. Poursuite de l'action publique inter- 665. En succession bénéficiaire, les créan

654. Recherches du ministère public ou du juge d'instruction interrompent la prescription.

655. Citation devant le tribunal correctionnel, à moins de trois jours, vaut comme acte interruptif.

656. Prescription se détermine sur la nature différente du crime ou du délit, d'après la déclaration du jury.

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657. Prescription de trois ans pour les crimes de la compétence des tribunaux maritimes. L'évasion de forçats est dans cette classe.

670.

658. Délit d'usure; ce qui le constitue. Il

671.

se prescrit par trois ans à partir du dernier fait.

perdus, contre les tiers possesseurs se prescrit par trois ans.

659. Action privée pour la nullité des sti- 672. Point de revendication lorsque les

pulations usuraires est soumise à

objets volés ont été achetés en

la prescription ordinaire.

foire.....

660. Action civile pour délits de la presse 675. Vente par le dépositaire d'immeubles

reçoit la prescription de trois ans.

n'est pas un vol; mais si l'acheteur

661. Crimes de la presse qui rentrent dans

la classification du code pénal, re-
çoivent la prescription du code d'in- 674. Sauf les exceptions qu'on a mar-
struction criminelle.

a connu le dépôt, la revendication pourrait être admise.

quées, l'art. 2279 établit-il une présomption exclusive de preuve

contraire?

çoivent que la prescription de trente

662. Poursuite des fraudes et des contraventions en matière de douanes et

de contributions indirectes, est-elle 675. Soustractions entre cohéritiers ne resoumise à la prescription de trois

ans?

ans.

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651. L'action publique et l'action civile, en matière correctionnelle, se prescrivent par un moindre espace de temps que celui qui est nécessaire pour la prescription de la peine, lorsqu'elle a été prononcée. Ici il faut cinq ans, et là il suffit de trois ans, suivant les art. 637 et 638 du code d'instruction criminelle. Ce délai de trois ans contre l'action compte du jour où le délit a été commis, s'il n'a été fait aucun acte d'instruction ou de poursuite. S'il y a eu des actes de cette nature, la prescription ne commence qu'après le dernier acte, a l'égard même des personnes qui ne seraient pas impliquées dans ces actes. Ainsi, lorsqu'il y a des complices, les actes de poursuite ou d'instruction, faits contre l'un d'eux interrompent la prescription à l'égard des autres. C'est une espèce de solidarité..

Ce n'est pas seulement du jour où le délit a été connu que la prescription commence à courir, c'est, suivant la disposition précise de la loi, du jour même du délit. En faisant cette observation, plus haut, chap. XI, $7, nous avons remarqué aussi qu'il est des délits qui consistent dans une succession de faits, ou dans la continuité ou le retour d'un fait, et pour lesquels la prescription ne commence qu'au dernier manquement.

652. Le délit que constitue la dénonciation calomnieuse n'entre pas dans la classe des délits continus; mais il est de telle nature qu'il semble que son existence ne doive être considérée, pour la prescription, qu'alors qu'il a produit un ef

fet; car, si la dénonciation est restée ensevelie dans les cartons d'un magistrat qui l'a dédaignée, inconnue du public et de la personne dénoncée, elle est comme si elle n'existait pas. L'envisageant ainsi, la Cour régulatrice a jugé que l'art. 637 du code d'instruction criminelle admettait une exception à son égard; et la Cour a pu établir légalement l'exception, par la combinaison de l'article. 637 avec les articles 30, 31 et 358 du même code. Arrêt du 6 août 1825; J. du 19o 1825, 1, p. 412.

On est peut-être allé trop loin, en décidant que la prescription ne doit courir que du jour où la demande a été reconnue calomnieuse. La calomnie existe avant le jugement qui la démontre; dès qu'elle est rendue publique, elle produit un effet préjudiciable à la personne dénoncée, qui peut aussitôt chercher le dénonciateur pour lui demander réparation.

653. L'action civile se prescrit en même temps que l'action publique; mais, comme les deux actions peuvent être poursuivies séparément aussi bien que simultanément, on a élevé la question de savoir si la poursuite de l'une interrompt la prescription à l'égard de l'autre. Dans les motifs d'un arrêt de cassation, du 15 avril 1826, la décision se trouve parfaitement donnée en ces termes : « Attendu, en droit, que d'après les dispositions générales du code d'instruction criminelle, il suffit d'une citation signifiée au prévenu, soit à la requête de la partie civile, soit au nom du ministère public, pour que les tribunaux correctionnels, légalement saisis de la connaissance des délits qui en sont l'objet, soient appelés à statuer, soit ensemble, soit séparément, tant sur l'action civile que sur l'action publique, fondées l'une et l'autre sur les mêmes faits; d'où il suit que les prévenus, légalement mis en demeure de s'expliquer sur les faits de la plainte, et de faire valoir contre l'une et l'autre action leurs moyens de défense,

n'ont point de prescription à opposer contre celle des deux actions dont l'exercice, momentanément suspendu, aurait été repris en temps utile, pour profiter des suites légales de l'action qui lui est corrélative...... » On ajoute un peu plus loin, • que la prescription ne saurait être interrompue en faveur de la partie, sans l'être en faveur du ministère public, qui est nécessairement partie jointe dans toute procédure criminelle. Ajoutons aussi que d'après l'article du code d'instruction criminelle, la partie civile qui veut agir séparément est obligée d'attendre le jugement définitif de l'action publique, et qu'ainsi, il est dans l'ordre que cette poursuite, qui l'arrête, et dont le jugement la déterminera, interrompe la prescription de sa poursuite particulière. V. D., 1826, p. 347.

654. Les recherches faites par les procureurs du roi, ou par les juges d'instruction, pour reconnaître les traces du délit, découvrir les auteurs et les complices, sont certainement des actes d'instruction qui interrompent la prescription1. Ainsi, pour un délit de contrebande, quand les préposés des douanes ont saisi chez les prévenus des factures et des lettres, et les ont transmises dans un paquet cacheté, au procureur du roi, avec leur procèsverbal; la réquisition, par ce magistrat, de l'ouverture du paquet et de l'inventaire des objets qu'il renferme, l'ouverture et l'inventaire par le juge, sont des actes d'instruction qui ont l'effet d'interrompre la prescription. C'est ce qu'a décidé la Cour régulatrice, par un arrêt du

22 oct. 1825; J. du 19e s., 1825, 1, p. 428.

655. Il a été décidé par un autre arrêt de cassation du 26 février 1819, conformément à l'art. 184 du code d'instruction criminelle, que la citation en police correctionnelle n'est pas nulle pour avoir été donnée à un délai de moins de trois jours; que le jugement rendu avant ce terme a pu seul être annulé, et que la citation doit

La prescription, en matière criminelle ou correctionnelle, n'est pas interrompue par un acte d'instruction ou de poursuite fait par un fonctionnaire incompétent (Br., 19 avril 1827; J. du 19 s. 1827, 3o, p. 139; Legraverend, t. 1er, p. 73; D., t. 22, p. 474).

subsister comme acte de poursuite, interruptif de la prescription de trois ans. On a vu qu'il n'en est point ainsi au civil: l'assignation nulle n'y produit pas d'interruption. D. t. 24, p. 394; S. t. 19, 1, p. 251.

656. Des affaires poursuivies au grand criminel peuvent ne présenter, par la déclaration du jury, que des délits de police correctionnelle. La Cour d'assises reste saisie; mais alors la prescription se détermine, à raison du délit, d'après la réponse des jurés, et non pas suivant l'acte d'accusation nisur un jugement de contumace. Dans une affaire portée aux assises, il y avait eu interruption de poursuite; insuffisante pour la prescription du crime supposé, mais assez longue pour la prescription d'un délit. Le jury déclara l'accusé non coupable du crime qui lui était imputé, mais coupable d'un délit de police correctionnelle. La Cour d'assises, sans égard à la prescription, prononça les peines applicables à ce délit. L'arrêt a été cassé, le 30 janvier 1818, comme contraire aux articles 637 et 658 du code d'intruction criminelle. Des décisions semblables se trouvent dans trois autres arrêts de cassation, rendus le 3 mars 1825, le 2 février 1827, et le 9 juillet 1829. D. t. 22, p. 482; J. du 19 s., 1827, 2, p. 89.

657. L'art. 57, titre 1er, de la loi du 12 octobre 1791, soumet à la prescription de trois ans l'action relative aux crimes qui sont de la compétence des tribunaux maritimes. Cette loi spéciale n'a point été abrogée par le code de 1810.

L'évasion des forçats est un crime dont la connaissance appartient aux tribunaux maritimes. Il se prescrit, conséquemment, par le laps de trois ans, selon la loi de 1791, et non point par le temps marqué dans l'art. 637 du code d'instruction criminelle. Un arrêt de cassation, du 27 janvier 1820, justifie cette proposition. S. t. 20, 1, p. 147.

658. L'usure est un délit spécifié et puni par la loi du 3 septembre 1807. Sa poursuite devant les tribunaux correctionnels n'appartient qu'au ministère public; et l'action se prescrit par trois ans, suivant l'art. 558 du code d'instruction cri

minelle. Mais comme le délit ne résulte pas d'un fait isolé, qu'il ne s'établit que par une suite de faits propres à démontrer l'habitude de ce vice, la prescription ne court que du dernier fait connu. Les faits anciens se rattachent aux nouveaux, quand bien même ils en seraient séparés par un intervalle, de plus de trois ans 1. Une amende, qui peut égaler la moitié des capitaux prêtés à usure, est la peine de ce délit; et cette peine se détermine, non pas seulement sur les capitaux prêtés dans les trois années antérieures à la plainte, mais sur tous les prêts, de quelque époque qu'ils soient, qui entrent dans les élémens constitutifs de l'habitude d'usure. V. arr., C. cassat., S. t. 21, p. 1, 39; J. du 19o s. 1825, 1, p. 430-1826, 1, p. 138, 371.

659. L'action privée des personnes lésées par des stipulations usuraires, pour en faire prononcer la nullité, ou pour obtenir la restitution des intérêts indûment payés, ne doit pas se confondre, pour la prescription, avec l'action du ministère public contre le délit d'usure. Les Cours de Caen et de Rouen ont marqué cette disticntion par leurs arrêts des 25 juillet 1827, 12 janvier 1828, et 27 juillet 1830. La Cour de Caen a très bien remarqué que « l'on doit distinguer entre l'action qui a pour objet l'habitude d'usure, et celle qui a pour objet un fait d'usure particulier; que la première, étant de la compétence des tribunaux correctionnels, ne peut être intentée que par le ministère public, et se prescrit à la vérité par trois ans; mais que la seconde, ne caractérisant qu'un acte frauduleux et dolosif, punissable par des dommages-intérêts, est de la compétence des tribunaux civils, et, par conséquent, soumise à la prescription ordinaire....>> J. du 19 s., 1829, 2, p. 336. - 1830, 2, p. 204. V. suprà, chap. XI, § 1er.

660. Les lois du 17 et du 26 mai 1819, auxquelles se rattache celle du 9 juin suivant, ont eu pour objet de spécifier les crimes et les délits qui se commettent par la voie de la presse ou tout autre moyen de publication, de déterminer les peines la

V. en ce sens, Bruxelles, 26 mars 1823; J.du 19 s. 1825, 3o, p. 25; Liége, cass., 21 nov. 1827; J. du 19 s. 1829, 3o, p. 140.

poursuite et le jugement. La prescription vient à la suite de ces réglemens divers, dans l'article 29 de la seconde loi. Selon les distinctions de cet article, qui seront rappelées plus bas, l'action publique se prescrit par six mois ou par un an; mais l'action civile ne se prescrit, dans tous les cas, que par la révolution de trois ans, à compter du fait de la publication, indépendamment de toute circonstance de dépôt d'exemplaires aux préfectures, souspréfectures ou mairies. L'article ne parle pas de la prescription des condamnations; elle reste sous les règles générales du code d'instruction criminelle.

Après quelques années d'expérience, on a pensé que ces lois de 1819 n'avaient pas tout prévu et tout réglé convenablement; et les lois des 17 et 25 mars 1822 ont été portées pour suppléer aux précédentes. Elles ont marqué d'autres faits et d'autres nuances de faits punissables, des peines en rapport avec ces délits, et, en certains points, un nouveau mode de poursuite et de jugement; mais elles n'ont rien établi de nouveau sur la prescription; et les règles de l'art. 29 de la loi du 26 mai 1819 s'appliquent à la poursuite des crimes et délits spécifiés par les dernières lois, de même que ceux qui ont été déterminés par les lois antérieures. V. arr. C. cassat., 17 juillet 1823. - D. t. 22, p. 502.

661. Des dispositions finales de l'art. 6 de la loi du 25 mars 1822, il résulte des exceptions, que ces termes ne déclarent pas, mais qu'ils supposent nécessairement. Tous les crimes énumérés dans cette loi ne doivent passe couvrir par les prescriptions abrégées de la loi de 1819. Il en est qui prennent, des circonstances qui les accompagnent, un caractère de gravité qui les fait rentrer dans les classifications du code pénal, auxquelles les peines de ce code sont réservées, et qui, par conséquent, ne peuvent avoir pour sauve garde que les prescriptions du code d'instruction criminelle. L'art. 6 de la loi nouvelle, après avoir statué sur l'outrage simple, faitpubliquement à des pairs, des députés, des fonctionnaires publics, des ministres de l'église, ajoute que si l'outrage est accompagné d'excès ou d'attentats, prévus par les art. 228, 231, 232 et 233 du code pénal, il recevra la peine portée par ce code. Il eût été bon de dire aussi que,

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