tion aux règles générales. Si l'article 2225, conféré avec ces règles, ne permet pas aux tiers intéressés l'action en rescision pour une simple cause de renonciation à la prescription, cette action leur est accordée par l'art 1167, lorsque le dol et la fraude ont produit les actes qui leur sont préjudiciables. En cela, ils ont un avantage qui leur est refusé à l'égard du partage; car l'art. 1167 est modifié par l'article 882 auquel il renvoie; et l'on a vu que cet art. 882 interdit aux créanciers la faculté d'attaquer un partage consommé, à moins qu'il n'ait été fait au mépris de leur opposition: ce qui ne veut pas dire toutefois qu'ils ne peuvent exercer contre ce partage les actions de leur débiteur; mais ce qui signifie qu'ils n'ont, en leur nom, aucune action pour le faire annuler. On suppose qu'en laissant aux créanciers un remède contre la fraude en matière de renonciation à la prescription, quand elle le refuse en matière de partage, la loi a pu être déterminée par cette considération, que l'ouverture d'une succession et le partage entre les cohériters se prévoient et se manifestent davantage; qu'il est plus facile aux créanciers de faire des oppositions et des interventions, et que, d'un autre côté, les opérations d'un partage étant compliquées, longues et dispendieuses, il ne convenait pas d'accorder aux tiers le droit de l'attaquer, de leur chef, quand il est consommé. Il est difficile, et souvent il est impossible de savoir si les biens et les droits apparens de son débiteur sont sujets à être contestés, s'il est exposé à essuyer des recherches par action réelle ou personnelle. On peut même très bien ignorer l'action quand elle est intentée; on peut n'apprendre que dans le même temps le danger et le mal, l'action et le traité qui a fait le sacrifice de la prescription. Tant pis pour les créanciers, si ce sacrifice a été fait de bonne foi, sans intention contre eux, le mal sera irréparable. Mais si, pour les tromper, il y a eu un concert de fraude entre les deux parties, ils auront l'action en rescision contre le traité fait à leur préjudice. 354. Les tiers ont-ils la même action à l'égard des jugemens collusoirement convenus en fraude de leurs droits, lorsque ces jugemens ont passé en force de chose jugée? La question est délicate. L'art. 1167, placé dans le titre des contrats et obligations conventionnelles, ne parle que des actes faits par les débiteurs, sans indiquer les jugemens, qui sont les actes des tribunaux. Et, comme on l'a remarqué, la loi a déterminé les voies qu'on peut prendre contre les jugemens, et elle n'a donné aux tierces personnes, contre ceux que la fraude a produits à leur détriment, ni l'action en rescision, ni aucun recours extraordinaire fondé sur cette cause de fraude. Cependant la loi proscrit la fraude, et l'on peut assez facilement la commettre par des contrats judiciaires. Nous croyons que si les tiers peuvent établir préalablement, et par écrit, que les jugemens qui leur préjudicient ont été rendus sans discussion, du consentement des parties qui étaient en instance, la justice doit admettre leur attaque contre ces jugemens par la simple voie de l'action en nullité, pour vérifier ensuite si réellement la convention judiciaire n'a été faite que pour tromper les tiers. Il est dans l'esprit de la loi d'atteindre toutes conventions frauduleuses, soit qu'elles aient été faites en jugement, soit qu'elles aient été arrêtées devant notaires, ou par actes sous seing privé. La loi 5, C. de pign et hypoth., a une disposition qui peut servir d'appui à notre système; elle décide que le jugement qui dépouille le débiteur du fonds qu'il avait hypothéqué à son créancier, ne nuit point à ce créancier, s'il a été rendu par collusion, entre le débiteur et un tiers. M. Merlin (Rép., Opp. tierce, $2, art. 4) assure que cette disposition est reçue dans nos mœurs. C'est la seule qu'on puisse emprunter des diverses lois romaines, dont il fait l'examen en cet endroit : elle s'accorde parfaitement avec l'art. 1167 du code civil. On peut très bien déduire de ces deux textes la règle que nous avons proposée. ! CHAPITRE VIII. De la prescription de trente ans. SOMMAIRE. 355. Prescription de trente ans avant le 568. Dans quel délai les descendans d'un code civil. 356. - par le code, embrasse toutes ac- absent peuvent réclamer sa succession, contre ceux qui ont obtenu l'envoi en possession définitif. n'attache pas de moindres prescrip- 369. Après cet envoi, les ascendans et les 357. Le droit à des redevances annuelles 358. La prescription court-elle du jour du 359. De même qu'on peut perdre une rente, 360. Après trente ans, l'héritier envoyé 361. Usufruit s'éteint par le non usage 362. Usufruit donné indéfiniment à des cor- ans. collatéraux ne peuvent réclamer qu'en prouvant le décès, dans le délai de trente ans. 370. L'acceptation des successeurs irréguliers empéche la révocation de la renonciation. 371. Les restitutions de jouissances ne devraient-elles pas prescrire par cinq ans? 372. 373. Pendant la jouissance commune, l'action en partage ne peut prescrire. Pour la jouissance commune, il n'est pas nécessaire que les cohéritiers détiennent ensemble. Un seul jouit pour tous en reconnaissant le droit des autres. 374. La cohabitation du légitimaire et de l'héritier empéchait la prescription de la légitime. Il y aurait aussi empéchement dans une position semblable entre l'enfant avantagé et l'enfant réduit à la réserve. Distinction. 363. Il en est pour l'usage et l'habitation 364. Faculté d'accepter une succession se crivait pendant la cohabitation. Quid, maintenant, lorsqu'il y a des dispositions pour former la ré serve? 365. Qu'a voulu la loi en assimilant, pour pendant la jouissance de l'usufruitier des biens communs. 366. Répudiation révocable, tant que la un autre. 367. Examen d'un arrét en cette matière. vent pas prescrire pendant sa jouissance. Arréts contraires. 378. Créances des héritiers ne prescrivent pas, tant que l'action en partage n'est pas prescrite. 379. Il faut une jouissance séparée pendant trente ans pour faire prescrire contre l'action en partage. les officiers de l'état civil, restent à la prescription de trente ans. 387. Droits sur les actes de mutation; sur les minutes de jugemens, sont restés à la prescription de trente ans. De quel jour elle doit courir. 380. Partage provisionnel devient définitif 388. Réparations civiles, ordonnées par après trente ans de majorité. 381. Après un partage, s'il y a des objets des jugemens criminels, ne prescrivent que par trente ans. omis, on a trente ans pour deman- 389. Action en résolution de vente pour 382. Séparation du patrimoine, tant que défaut de paiement prescrit par trente ans, à compter du dernier terme ou du dernier à-compte. la créance n'est pas prescrite, et 590. Porteur de lettre de change qui a pro- 385. Donataires et leurs acquéreurs pres- mis d'en rendre compte, est obligé pendant trente ans. 391. Pour l'action en supplément de prix, qui devaient s'éteindre en peu de 392. De méme, pour la diminution de prix, cée. 385. La loi du 16 juin 1824 a corrigé 393. Possession de trente ans tenant lieu On ne rappellera dans ce chapitre que vaient en Brabant que par le laps de quarante ans. (Br., les objets destinés à la prescription trentenaire, soit distinctement, soit en masse; quelques-unes de ces fautes. 386. Amendes pour défaut de comparution au bureau de paix, et contre 355. THEODOSE-LE-GRAND, empereur en 379, passe pour avoir introduit à Rome la prescription de trente ans. On n'a pas conservé sa constitution; mais la loi 3, Sicut, C. de præscript. 30 vel 40 ann., en présente une semblable de son fils Honorius et de son petit-fils Théodose-le-Jeune. Suivant cette loi, qui a été confirmée et développée par les lois 7 eod., et 1, §1, de annali except., et par la novelle 119, les immeubles, les actions réelles, les actions mixtes et toutes actions personnelles, que d'autres lois n'ont point assujetties à de moindres prescriptions, sont soumises à une prescription de trente ans qui n'exige point de titres, et qui dispense de l'examen de la bonne ou de la mauvaise foi. L'empereur Valentinien célèbre cette institution, et lui attribue le mérite d'assurer aux hommes une pleine tranquillité: humano generi profunda quiete prospexit. On sent bien qu'il n'envisage le repos des hommes que sous le rapport de leurs droits privés, de l'intérêt qui les attache à leur fortune, et de la sécurité dont cet intérêt , de titres, fait prescrire, malgré toute nullité d'actes faits pour conférer la propriété. a besoin. La prescription de trente ans délivre, en effet, de bien des soucis, et fixe heureusement bien des droits longtemps incertains. Finis est sollicitudinis, s'écriait l'orateur romain. Avec son secours, l'on n'a plus à déplorer la perte des titres que le temps a détruits; l'on n'a plus à craindre de perdre ceux qu'on a pu conserver jusque-là, ni de les voir annuler pour quelque vice de forme, et l'on est à l'abri des risques de l'imputation de la mauvaise foi. Trente ans écoulés, sans qu'on ait été recherché, produisent cette imposante présomption juris et de jure, équivalente à une preuve positive, et contre laquelle un témoignage opposé ne peut être reçu. Après trente ans, l'on est réputé, de droit, avoir eu pour soi un juste titre d'acquisition ou de libération, ou bien l'on est censé avoir purgé les vices qui ont pu d'abord affecter sa personne ou son titre. Les lois précitées, et principalement la loi 1re, C. de annali except., énumèrent beaucoup de droits et d'actions compris dans leurs dispositions; mais ces lois, réunies à celle du code de usucap., qui établit la prescription de dix et vingt ans, et aux autres textes qui déterminent les prescriptions, brevis et brevissimi temporis, n'avaient pu tout prévoir; et, pour que rien de ce qui est prescriptible n'échappât à la prescription, Anastase ordonna, par une constitution qui forme la loi 4, C. de præscr. 30 vel 40, que les droits et les actions qui ne se trouvaient pas fixés par les lois précédentes, se prescriraient par quarante ans, sans distinction entre les droits appartenant au public, et ceux des particuliers, sans égard à la nature de ces droits, à l'état et à la qualité des personnes. Diverses lois ensuite, et notamment les lois ult., C. de fund. part., et ult. eod., de fund. rei priv., et les novelles 100 et 131, ont donné à cette prescription des applications spéciales, que l'usage est encore venu étendre. Dunod, part. 2, chapitre 12, présente la série des droits et des actions soumis à son empire. Justinien, par la loi 23, C. de sacros. eccles., et la novelle 7; et, d'une autre part, les canons et l'usage, avaient encore, pour des cas privilégiés, et surtout en faveur de l'église, établi la prescription de centans. Dunod, part. 2, chap. 13. Enfin, des publicistes et un assez grand nombre de jurisconsultes, ont cru qu'il devait y avoir une prescription immémoriale. Quelques lois romaines et le droit canonique semblent en effet l'autoriser; mais son application n'a jamais été bien déterminée. La loi 2, ff. de aqua pluvia arcenda, considère la possession immémoriale comme propre à tenir lieu, non seulement de titres, mais même de lois : vetustas semper pro lege habetur. La loi 3, § 4, ff. de aqua quotidiana, déclare que la conduite d'eau, dont la mémoire ne peut pas retrouver l'origine, a la force d'un droit établi. Le droit canonique décide qué la possession immémoriale peut remplacer le titre (ch. 1er, de præscript. in 6o); et de célèbres interprètes en étaient venus à dire que, dans les cas où la loi rejette toute prescription, elle n'exclut pas l'effet de la possession immémoriale. Dunod, part. 2, chap. 14. 356. Le code civil n'admet pas de prescription au-dessus de trente ans; il ne souffre pas même que les anciennes prescriptions, d'un temps plus long, qui ont commencé avant sa publication, puissent excéder, pour le temps qui leur manquait, ceterme fatal de trente années. Art. 2281. Mais l'art. 2262 reproduit, en peu de mots, le principe de la loi Sicut, en l'appliquant à la prescription trentenaire. Il porte : « Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue la prescription soit obligé d'en rapporter un titre, ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi. » A ne voir que cet article, il semblerait qu'il ne doive exister d'autre prescription que celle qu'il établit, qu'il n'y en a pas de plus abrégée, comme il n'y en a pas de plus longue; et cependant il ne fait que rassembler, dans sa disposition générale, les droits et les actions sur lesquels les articles subséquens du titre, les autres codes et des lois spéciales ne statuent pas formellement; c'est une chose sous-entendue que l'ensemble de la loi présente si bien à l'esprit, qu'on ne peut s'y méprendre; mais il importe de la faire ressortir dans un commentaire, parce qu'elle offre le vrai tableau de la prescription trentenaire. Cette prescription ne s'applique qu'aux droits qui ne sont pas soumis à des règles spéciales, et, par cela même, elle est la règle générale; les autres ne sont que des exceptions circonscrites dans l'objet qui leur est nommément affecté. On lui a retranché des points connus et bornés, pour lui soumettre les plus importans de ceux qu'on connaît, et lui faire prendre dans l'infini tout ce qui pourra s'y trouver. Le législateur a l'attention d'avertir, par l'article 2264, que les règles de la prescription sur d'autres objets que ceux mentionnés dans le titre qu'elle occupe, sont expliqués dans les titres qui leur sont propres. Les droits et actions appartenant à l'église ne se prescri9 mai 1829; J. du 19e s, 1829, 3o, p. 206; J. de Br. 1829, 2, p. 81). les autres se placeront plus tard dans les divisions qui leur conviennent. Comme les lois n'ont pas tout prévu sur chaque matière, on rencontrera des objets oubliés, que la jurisprudence a compris dans le domaine de la prescription trentenaire, et que la loi rejettera un jour dans celui des prescriptions particulières auxquelles leur nature les destine. 357. On a fort agité, autrefois, la question de savoir si les obligations de redevances annuelles, qui ne dépendent pas d'un capital déterminé, pouvaient s'éteindre par la cessation de paiement pendant le temps fixé pour la prescription des droits et actions en général. Elle a divisé Martin et Bulgare, et chacun d'eux a eu ses sectateurs. Les Coutumes ont aussiété partagées sur ce point, et la jurisprudence n'a pas été la même partout. Martin disait que ces redevances forment autant d'obligations qu'il y a d'annuités; et il en concluait que, bien qu'on pût prescrire les arrérages échus depuis trente ans, le droit d'en exiger à l'avenir subsistait toujours. Bulgare soutenait, au contraire, que la prescription éteint le droit et les redevances à échoir, comme ce qui est échu. Dunod, pages 506 et 307, assure que Martin eut d'abord un plus grand nombre de sectateurs; mais que l'opinion de Bulgare, plus simple et plus conforme à l'esprit général des lois en matière de prescription, l'a emporté dans la suite. D'Argentré avait écrit sur l'art. 276 de la Coutume de Bretagne: Generali observatione regni Franciæ, una, pro omnibus omnium annorum præstationibus, præscriptio sufficit; et hoc jure utimur. C'était le droit commun qui n'était pas celui de quelques Coutumes, ni même de beaucoup de pays de droit écrit, dans bien des cas. Au parlement de Toulouse, suivant d'Olive, liv. 1er, chap. 6, et Catelan, livre 1er, chapitre 7, les rentes foncières, les rentes viagères et les fondations pieuses ne s'éteignaient pas par la prescription. Les rentes constituées même, étaient souvent jugées imprescriptibles. Il en était ainsi, avec quelques variantes, en Dauphiné, en Provence et dans la Guyenne; et, presqu'en tous lieux, il était jugé que la prescription n'anéantissait pas les prestations féodales. Il n'y a plus matière à controverse aujourd'hui: les rentes et les prestations de TRAITÉ DES PRESCR. toute nature sont sujettes à la prescription envers toutes personnes, pour les annuités et pour le fond du droit. Les redevances féodales sont supprimées, l'église n'a point de privilége pour la prescription et la prescription éteint toutes obligations et toutes actions. Art. 1234 et 2262. Les rentes de toute nature sont tellement sujettes à la prescription, que, pour l'interrompre, l'art. 2263 autorise, sans exception, le créancier à exiger de son débiteur un titre nouvel, après vingthuit ans de la date du dernier titre. C'est un délai de deux ans que la loi donne pour faire renouveler le titre. L'on a déjà remarqué que la preuve du service de la rente depuis moins de trente ans, résultant de quittances publiques, produit aussi l'effet d'interrompre la prescription, et que le droit d'exiger un nouveau titre, n'est donné qu'à raison de ce que le débiteur ne peut pas être forcé, à chaque paiement, de faire les frais d'une quittance publique. D. t. 22, p. 414, n. 11; Rép., vo Prescription, sect. 3, § 2. Cependant, la Cour royale de Metz a cru que l'article 2263 ne comprend pas les rentes viagères dans ses dispositions. Cette Cour a fait revivre, pour ces sortes de rentes, la doctrine de Martin et de ses sectateurs. Elle a décidé, par arrêt du 28 avril 1819, que la prescription ne peut frapper que les annuités, sans jamais atteindre le droit d'exiger le service de la rente pour l'avenir. On dit, dans les motifs de cet arrêt, que le code civil a placé les rentes viagères au titre des contrats aléatoires; qu'elles dépendent d'un événement incertain; qu'elles sont payables à jour fixe, et qu'elles ne peuvent recevoir la prescription que conformément aux dispositions de l'art. 2257; c'est-à-dire, pour chaque annuité, à compter du jour de son échéance. S. t. 20, p. 12. Cette argumentation n'a pas de solidité. L'obligation portée dans les contrats aléatoires, n'est pas affranchie de la prescription. La loi soumet expressément à son empire les contrats d'assurances maritimes et les prêts à la grosse. Mais, comme toutes autres, les obligations contenues dans ces contrats peuvent dépendre d'une condition suspensive, et alors elles ne se prescrivent qu'à l'événement de la condition. L'obligation d'une rente viagère consiste à payer la rente aussi long-temps que 10 |