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droits à la propriété, ou des prétentions qui ne sont point en pratique. Ici il faut des faits afin d'obtenir l'appui de la prescription, comme pour s'en défendre. Ces faits consistent dans l'exercice de la propriété, acte qui s'exprime par le seul mot de possession. Voilà, nous l'avons déjà dit, la cause et le fondement de cette preseription que les Romains appelaient usucapion.

28. Les lois romaines n'avaient pas bien, ou plutôt n'avaient pas défini la possession. Paul, dans la loi tre, ff. de acq. vel amitt.poss., avait, d'après Labeon, donné létymologie du mot, sans faire connaître la chose. On trouve, d'ailleurs, dans ces lois, un choc continuel d'expressions contradictoires. Si la loi 8, C. de acq. et ret. poss.., apprend que la possession ne peut être séparée de la propriété, la loi 12, $1er, ff. de acq. vel amitt. poss., affirme que la possession n'a rien de commun avec la propriété. Quand la loi 1re, §5, ff. eod., déclare que la possession est de fait et non de droit, la loi 49, § 1er, eod., dit que la possession n'est pas seulement de fait, qu'elle est aussi de droit. Lit-on, au commencement de la loi 12, ff. de acq. vel amitt. poss., que l'usufruitier a une espèce de possession naturelle? on trouve dans la loi 15, § 1er, ff. qui satisd.cogent., que l'usufruitier n'est pas possesseur; et dans le $ 4 des Instit. per quas personas, qu'il ne possède pas, qu'il a seulement le droit d'user et de jouir.

En les prenant dans un sens absolu, ces sentences sont choquantes; en les réduisant à une signification relative, elles paraissent exactes. Les jurisconsultes distinguaient principalement deux espèces de possession: la possession paturelle et civile, et la possession purement naturelle, qu'ils appelaient aussi quelquefois possessio pro possessore; l'une qui ne convient qu'au propriétaire; l'autre qui s'applique à celui qui jouit sans droit, ou à titre précaire. Avec cette distinction

tout s'explique. La possession personnelle du propriétaire est liée à la propriété, comme l'effet à sa cause; elle est de fait et de droit. La possession de l'usurpateur ne se rapporte pas à la propriété ; elle n'est que de fait. La possession de l'engagiste, de l'usufruitier est bien fondée en droit, mais elle n'est que précaire; elle

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est détachée de la propriété, et elle doit se rapporter au propriétaire, à qui elle profite pour la conservation du domaine. Lorsque le § précité des Instit. refuse à l'usufruitier la qualité de possesseur, c'est pour marquer que sa jouissance ne constitue pas la possession qui fait prescrire : usucapere non potest quia non possidet, ce sont le termes de ces, qui se confèrent avec ceux de la loi tre, ff., § 8, quod legat.: il détient plutôt qu'il ne possède, non possidetur, sed magis tenetur.

29. Le code civil a évité ce combat de mots et ces subtilités. Il considère et définit la possession, sous un point de vue général, dans l'article 2228, et il détermine, dans l'art. suivant, le caractère qu'elle doit avoir pour servir de fondement à la prescription.

Les jurisconsultes français, avant le code, avaient défini la possession; mais aucun ne l'avait fait aussi complètement et avec autant de justesse. Domat (sect. 1re, tit. 7, liv. 3) la présente comme la détention d'une chose que celui qui en est le maître, ou qui a sujet de croire qu'il l'est, tient en sa puissance ou en celle d'un autre pour qui il possède.

Il n'est pas nécessaire d'être le maître, ou de se croire le maître d'une chose pour la posséder. Si la possession fait acquérir, il faut posséder avant d'être propriétaire. Pothier (de la possession, no 2) fait obsərver qu'un usurpateur a véritablement la possession de la chose dont il s'est emparé; et, aux nos 10, 14 et 18, il montre que cette détention peut devenir une possession civile: aussi il définit simplement la possession « la détention d'une chose corporelle que nous tenons en notre puissance, ou par nous-mêmes, ou par quelqu'un qui la tient pour nous, et en notre nom. » Dans un autre lieu, il indique le caractère que la possession doit avoir pour faire prescrire; c'est là qu'il place ce que Dunod a mis dans sa définition: que « la possession, en matière de prescription, consiste dans la détention corporelle des choses que nous possédons comme notres; ce qui signifie, suivant la citation latine dont il s'étaye, comme voulant les rendre notres: animo eas habendi, aut affectione domini.

Dunod et Pothier bornent la possession aux choses corporelles; mais ils admettent, pour les droits incorporels, une quasipossession qui sert aussi à la prescription. Le code civil a rejeté cette distinction inutile; il déclare que la possession est la détention ou la jouissance d'une chose ou d'un droit que nous tenons ou que nous exerçons par nous-mêmes, ou par un autre qui la tient ou l'exerce en notre nom.

30. Voilà bien la possession, mais envisagée seulement d'une manière générale, indépendamment de ses qualités diverses; et ce n'est que la possession, avec des attributs honorables, qui doit fonder la prescription. L'article 2229 veut, pour faire prescrire, une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire. Il lui faut bien toutes ces conditions, puisque l'article 2219 l'avoue comme moyen d'acquisition. Ce ne serait pas encore assez, si les articles 2232 et 2233 n'excluaient les actes de pure faculté, de simple tolérance, et de violence, comme incapables de fonder ni possession, ni prescription. Mais la réunion de ces circonstances et de ces conditions fait naître une présomption qui, croissant avec le temps, arrive à un tel degré de force, qu'elle doit, sans trop de risques, équivaloir au meilleur titre.

Distinguons cependant la possession qui doit conserver un droit existant, de celle qui tend à créer ou à faire acquérir des droits. Par la nature et par la force des choses, pour conserver un droit établi, la possession n'a pas besoin de conditious aussi fortes, que lorsqu'elle tend à le détruire; ne pouvant être anéantie que par une possession contraire, qui soit douée des qualités, et exempte des vices spécifiés dans les articles 2229, 2232 et 2233, le droit et la possession qui s'est jointe au droit un instant, subsistent tant que ces moyens n'ont pas opéré contre eux complètement. Ainsi, la possession d'un droit fondé sur un titre, peut n'avoir pas été toujours paisible et bien continue; elle peut avoir été interrompue; mais si elle n'a point cédé à une possession contraire, paisible, continue et non interrompue, elle est restée avec une force suffisante pour maintenir le droit qui l'a produite.

31. Il n'importe point à la prescription, qu'on possède par soi-même ou par autrui. L'on conserve ou l'on acquiert la propriété

par la possession d'un fondé de pouvoir et d'un fermier, tout aussi bien que par la sienne propre. Le mari possède pour sa femme, le tuteur pour son pupille, le dépositaire pour celui de qui il tient le dépôt, le séquestre pour celui qui sera déclaré propriétaire. Le créancier, qui a reçu un fonds en antichrèse, possède pour son débiteur; l'usufruitier, maître absolu de la jouissance, n'a pas pour lui la possession qui sert à la prescription; il possède, sous ce rapport, pour le propriétaire : L. 1re, $20; L. 9 ; L. 9, L. 17 17, § 1er, et L. 25, ff. de acq. poss.-5, instit. de interd.§ 4, eod. per quas person., et art. 2236 du code civil.

32. Les articles 2228 et 2229 ne font pas consister la possession dans le droit de posséder; ils la prennent tout en fait: et véritablement la possession, qui fonde la prescription, ne doit être vue que comme un fait qui suppose et soutient des droits, et qui peut en faire acquérir.

La possession est un fait de détention; et ce fait la loi le demande continu et non interrompu. Fixons le sens de ces mots. Ils paraissent d'abord rendre la même idée, et n'être employés ensemble que pour la rendre plus clairement et avec plus de force. Une action continue n'est, au demeurant, qu'une action non interrompue. Ces mots ont le même sens absolu ; mais il se peut que le législateur ait voulu donner à chacun d'eux une signification relative. Il y a lieu de croire que la continuité regarde la jouissance du possesseur, à laquelle un fait isolé ne pourrait donner le caractère convenable, et qui doit comprendre une suite de faits en rapport entre eux; tandis que l'interruption indique le trouble que le possesseur reçoit par le fait d'une autre personne, propre à produire l'interruption naturelle ou civile définie par les articles 2244 et 2245.

33. La continuité que veut la loi n'est pas l'action qui opère sur les choses à tous les instans. Domat a dit judicieusement (à l'endroit précité, no 6): Quoique la possession renferme la détention de ce qu'on possède, cette détention ne doit pas s'entendre de sorte qu'il soit nécessaire qu'on ait toujours, ou sous sa main, ou à sa vue, les choses dont on a la possession. Il n'y a pas d'interruption quand on use d'une chose selon sa nature et sa destination, bien que les actes de jouissance n'aient lieu que par intervalle de temps.

34. Suivant les lois romaines et leurs interprètes, il n'y a pas même d'interruption dans notre détention, quand, après des actes extérieurs et certains de possession, nous négligeons l'exercice de notre droit, si une autre personne ne vient l'exercer à notre place. Il est plus aisé de continuer la possession, que de la commencer. L'intention ne saurait opérer seule une prise de possession; le fait doit l'accompagner. Mais, la possession une fois acquise, l'intention suffit pour la conserver, tant qu'on n'est point empêché d'user de sa chose quand on voudra. Le propriétaire possède non seulement les héritages qu'il cultive, et dont il perçoit les récoltes, mais ceux dont il néglige la culture, et auxquels il paraît ne plus donner d'attention, pourvu qu'il ne les laisse pas cultiver et jouir par d'autres, pour leur propre compte. Telles sont, en résumé, les dispositions d'un grand nombre de lois romaines, rappelées par Domat Ferrières (sur les Instit.), Dunod et Pothier. Elles entrent parfaitement dans l'esprit du code civil.

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35. Le droit ou la faculté qui n'éprouve pas de contradiction, s'appuyant sur d'anciens faits, équivaut sans exercice suivi, à une continuation de jouissance, et entretient la détention pour la joindre à la possession naturelle qui revient avantleterme de la prescription: Probatis extremis, præsumuntur media. (Glose, loi 16, deprobat.) Le code civil approuve cette doctrine. L'art. 2234 porte: Le possesseur actuel, qui prouve avoir possédé anciennement, est présumé avoir possédé dans le temps intermédiaire, sauf la preuve contraire.

Cet article présume la possession intermédiaire, et ne la déclare point inutile conséquemment; mais il ne dit pas qu'elle doive consister en faits extérieurs; et, quand il admet la preuve contraire à sa présomption, ce n'est pas pour la justification d'un défaut de jouissance de la part du défendeur , ce qui serait une preuve négative, proscrite par la raison et par la justice; c'est pour que le demandeur puisse établir sa possession opposée à la présomption de la loi.

Si le demandeur ne justifie pas qu'il ait eu une vraie possession de fait entre les deux possessions, de même nature, de son adversaire, il ne lui aura apporté ni trouble ni contradiction; alors, la présomption de la loi dispense de vérifier ce qu'a fait le défendeur dans le temps intermédiaire. S'il n'a pas joui, il a pu jouir; et cette faculté seule, qui n'a pas été contredite, s'unissant, comme possession intentionnelle, à la possession réelle du commencement et de la fin, peut compléter l'espace de temps qu'exige la prescription. La règle de l'art. 2234, d'ailleurs tirée du droit antérieur, sans changement marqué, reçoit l'interprétation de cet ancien droit. Or, sur ce point, il n'y avait pas de controverse; la doctrine que nous avons retracée est unanime.

36. Les docteurs ont recherché autrefois si la prescription, commencée par la possession naturelle et civile, peut s'accomplir par la possession civile seulement. Quelques-uns ont porté cette sentence: Olim possessor, hodiè possessor præsumitur, et ex possessione de præterito, arguitur possessio de præsenti et medii temporis, nisi contrarium probetur. Quelle que soit l'autorité de la glose de Covacuvias, Menochius, Tiraqueau, Vasquius et Balbus, le code civil n'a pas fait une règle de leur sentence, et ce n'est sûrement pas sans raison. M. de Maleville la trouve fort douteuse; il lui semble qu'elle anéantirait la loi qui exige la preuve d'un nombre déterminé d'années de possession, pour faire prescrire la propriété.

Ce n'est pas seulement à la condition du nombre des années qu'une possession de cette sorte contreviendrait; elle pècherait aussi contre les conditions de la jouissance publique et de la jouissance non équivoque. Si on l'admettait indéfiniment, elle aurait des effets monstrueux, surtout si on ne lui donnait d'autre appui que la possession de fait pendant un an, base indiquée par Dunod et M. de Maleville. Un an de possession effective ferait-il valoir vingt-neuf ans de possession supposée ?

Non. L'on ne va pourtant pas aussi loin. Dunod, page 17, déclare que, suivant l'opinion commune, la possession civile, seule, n'est censée continuer que pendant dix années, et il ajoute : « Ainsi, lorsqu'une personne a cessé de posséder par des actes extérieurs, s'il fallait encore plus de dix ans pour qu'elle achevât de prescrire, elle ne le ferait pas, si, pendant cet espace de temps, elle n'avait pas manifesté, par quelqu'acte de possession naturelle, qu'elle avait le dessein de continuer à posséder. >>>

Un terme aussi précis de dix ans, ne pourrait dépendre que du droit positif, et aucune loi ne l'a jamais réglé. Dunod convient que, dans l'usage, le juge arbitre selon les circonstances, si l'intention ne s'étend pas au delà de dix ans. La simple possession civile, qui n'existe que dans la pensée, dure donc, d'après de graves jurisconsultes, sans se rattacher à une nouvelle possession de fait, dix ans au moins, et elle peut aller jusqu'à vingt-neuf

années.

Quelques auteurs ont bien senti que la sentence: Olim possessor, hodièpossessor, n'est pas très raisonnable; ils ont voulu y mettre une condition pour la rendre moins choquante. Dunod, page 18, atteste toujours, suivant l'opinion commune, qu'il suffit de prouver que l'on a possédé anciennement, pourvu qu'on allègue qu'on jouit encore, quand même on ne le prouverait pas. Cette condition est dérisoire. Quelle valeur peut avoir une allégation qu'on ne justifie point?

La preuve de la détention présente est indispensable, dans notre législation, pour faire valoir, à défaut de titres, d'anciens faits de possession, qui, par euxmêmes, sont insuffisans pour la prescription. S'il n'y a qu'un commencement de possession effective, déjà éloigné, il est insignifiant contre le détenteur actuel : on ne peut arrêter sa jouissance, par l'action possessoire, qu'autant qu'il jouit depuis moins d'un an, et qu'on établit qu'on a joui, immédiatement avant lui, durant une année entière 1. On ne peut l'évincer, au pétitoire, qu'autant que sa possession ne date pas de trente ans, et qu'on prouve que l'on a eu, jusqu'à lui, une possession publique et non équivoque de trente années. Des actes de possession qui auraient pu ne durer que douze mois, et qui auraient fui, sans retour, depuis plus de vingt-huit ans, fourniraient-ils ces moyens? Les trouverait-on même dans une

Article 23 du code de procédure civile,

possession de vingt ans révolus, si elle a cessé depuis près de dix ans, et s'il se rencontre un nouveau possesseur ? La possession d'intention, très présumable entre deux possessions réelles, annoncée par l'une et confirmée par l'autre, n'est plus rien si elle est privée de l'un de ces points d'appui. Ne pouvant être que dans l'intérieur, elle est cachée au public, et, par cela même elle est très équivoque.

Dans la dernière hypothèse que nous venons de présenter, le premier possesseur paraît bien avoir, en sa faveur, plus de présomptions que celui qui peut n'avoir que quelques jours de jouissance; mais l'un a été négligent, et l'autre a la détention actuelle pour lui; et, en droit, in pari causa possessor potior haberi debet. L. 128, ff. de reg. juris.

Supposerons-nous que le possesseur d'intention est attaqué au lieu d'être demandeur? La supposition offre peu de vraisemblance. Celui qui a des prétentions sur un fonds abandonné, ne s'enquiert pas de l'ancien possesseur pour lui faire un procès; il se met en possession lui-même, se place sur la défensive, et attend qu'il se présente un adversaire pour le combattre avec plus d'avantage. Mais il y a tant de bizarrerie dans l'esprit et dans les actions des hommes, que la supposition n'est point inadmissible. Si on le poursuit en désistement, on le place dans une position excellente: on lui reconnaît la possession présente, on donne à son intention présumée la valeur du fait. Dans cette situation, il n'a qu'à prouver la possession réelle qu'il a eue dans les premiers temps de la période nécessaire à la prescription. La présomption légale fournissant le milieu, toute la période est remplie.

On reconnaissait, avant le code civil, que la possession nouvelle ne faisait pas présumer la possession ancienne; mais, puisque cette loi ne présume que la possession intermédiaire, il faut reconnaître également aujourd'hui que la possession ancienne ne suppose pas la possession nouvelle. Quand on a un droit positif, la raison naturelle peut bien expliquer ses dispositions; mais il n'est pas permis d'y rien ajouter d'arbitraire, et rien ne prête plus à l'arbitraire que l'appréciation d'une volonté occulte, et la détermination de ses effets.

37. Que doivent être, pour la durée, la possession réelle qui sert de base à la possession présumée, et celle qui lui sert de couronnement? La jouissance d'un an autorise l'action possessoire. Dunod paraît en conclure qu'elle fait acquérir une possession qui peut se continuer civilement; et, toutefois, il finit par dire que c'est encore une question qui se réduit souvent, dans la pratique, aux circonstances et à l'arbitrage du juge.

La possession réelle d'une année nous semblait un faible fondement pour une prescription qui continuait et s'accomplissait, à l'aide de la simple intention de posséder. Nous n'en jugeons pas de même, si le retour de la possession réelle est nécessaire pour l'accomplissement de la prescription.

Celui qui a joui pendant un an est réputé propriétaire de la chose qu'il possède, et il a le droit de la conserver, tant qu'un autre, dans le temps utile, ne détruit pas la présomption qui le protège, par la production d'un titre ou par la preuve d'une prescription acquise avant le commencement de sa jouissance. On parle exactement, en disant qu'on acquiert la possession par un an. Le véritable maître de la chose ne peut pas l'enlever d'autorité au possesseur: l'action possessoire est donnée contre tout individu qui, par voie de fait, vient troubler le possesseur. On ne perd pas, par une simple cessation dejouissance, la possession que l'on a acquise en jouissant. L'art. 23 du code de procédure, et l'art. 2243 du code civil, ne la font perdre à celui qui l'avait acquise, que lorsque jouissance d'une autre personne a été substituée à la sienne pendant une année. Ainsi, tant que cette substitution n'existe pas, la possession lui reste; quoiqu'il ne l'ait plus que par l'intention, et encore par une intention supposée, la prescription continue de courir en sa faveur, puisqu'elle ne peut avoir commencé pour un autre. Il a dépossédé l'ancien possesseur; personne ne l'a dépossédé lui-même ; et, par conséquent, il possède et il prescrit.

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38. La possession annale, qui consiste en faits, peut être interrompue par la contradiction d'une autre possession de la même nature et de la même durée; mais la possession intentionnelle, qui date de plus d'un an, s'interrompt par la simple occu

pation, bien certaine toutefois, d'une nouvelle personne. Cette décision est la conséquence forcée des articles précités du code de procédure et du code civil. II faut établir une possession paisible d'un an, au moins, pour être reçu à l'action possessoire. Or, on ne prouve que des faits; on ne peut pas prouver une intention qui n'a rien produit au dehors. C'est une jouissance troublée, ce n'est pas une intention contrariée qui donne droit à la complainte.

39. Si la possession intentionnelle peut être interrompue par une simple occupation étrangère, qui ne date pas d'un an, elle peut aussi, avant cette occupation, recevoir la plus grande force possible du simple retour de l'ancien possesseur à la détention réelle. Peu importe qu'il n'ait repris sa jouissance qu'à la veille du terme qui devait la faire prescrire, il n'en prescrit pas moins par l'effet de cette jouissance même ; personne ne peut lui disputer la possession, et un plus ancien possesseur que lui viendrait vainement revendiquer la propriété. Qu'un réclamant se présente avec un titre, ou qu'il n'oppose qu'une vieille possession trentenaire, sa condition est la même : le titre et la possession ancienne sont également paralysés par la prescription.

40. Posons, pour terme de cette discussion, que la possession naturelle et civile s'acquiert par la jouissance d'un an; qu'ainsi établie, elle forme le commencement de la prescription, et autorise la possession intentionnelle; que cette espèce de possession ne peut, seule, conduire la prescription à sa fin; mais qu'elle en soutient le cours, si elle n'est pas démentie, jusqu'au moment où une nouvelle possession réelle vient la confirmer, et achever la prescription.

41. Il faut faire une grande différence entre la possession qui reste dans l'intention, sans rien marquer au dehors, et celle qui se manifeste par des actes écrits ou par des vestiges. La première a besoin de se reproduire en faits pour l'accomplissement de la prescription; l'autre conduit à ce but sans nouveaux faits de jouissance. On peut la considérer comme une possession en droit, car elle est la déclaration ou le

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