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lervir de règle au juge à cet égard, n'étant pas préfumable qu'un bon fujet devienne tout-à-coup un fourbe, un menteur.

IV. Nous avons dit que nous parlerions des loix fomptuaires relativement aux domestiques.

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puiffe les faire diftinguer & connoître. Qu'en cet état les domeftiques commettent beaucoup d'indécences dans les églifes & d'infolences aux promenades publiques, ou ils infultent les femmes, ainfi qu'à la fortie des fpectacles; ce qui peut caufer de grands inconvéniens par la licence que ces fortes de gens Je fuis loin d'approuver les loix fomptuaires dans s'y donnent... .... En conféquence, défendons une nation riche & commerçante; elles y détrui- à toutes perfonnes, de quelque qualité & condition roient bientôt l'induftrie & toutes les fources du tra- qu'elles foient, de faire mettre à l'avenir fur les vail public; ce n'eft que le goût des jouiffances & jufte-au-corps, furtouts, cafaques, manteaux, du luxe qui fait mouvoir tant de bras, qui fans lui culottes, baudriers & autres habillemens des corefteroient immobiles; ce n'eft qu'en le fatisfaifant chers, laquais, portiers François ou Suifles, pofque la nombreufe claffe des non-propriétaires trou- tillons, palfreniers, porteurs-de-chaifes, frotteurs vent des falaires & du pain. Ainfi je crois donc que & autres domestiques, à l'exception des pages feulela magnificence en bâtimens, chevaux, voitures, ment, tambours & tymbaliers, aucun bouton d'armeubles, habillemens, fêtes, amusemens, eft dans gent mallif ou filé, galons bordés, bandoulières ni les particuliers riches un grand moyen d'activité dans autres ornemens d'or ou d'argent en quelque males travaux publics, dans les arts & dans l'agricul-nière que ce puiffe être (hors pour border les ture, qui ne fait des progrès qu'autant que le luxe chapeaux), ni de faire doubler de velours les & la dépense donnent du prix à les productions. manchons, à peine de confifcation desdits habillemens, de cent livres d'amende contre les maîtres pour chacun defdits domeftiques trouvés en contrevention, de privation de la maîtrise contre les maîtres tauleurs, d'incapacité d'aspirer à la maîtrise contre les compagnons ou apprentis qui y travailleroient, d'un mois de prifon contre les domeftiques » ». Les domestiques des ambafladeurs réfidens, princes & feigneurs étrangers font exceptés de la règle.

Mais il n'est pas également certain que la parure des domestiques, fur-tout des domestiques mâles, que la magnificence, le luxe, la richeffe de leurs habits ne nuifent point réellement à la chofe publique &

doivent être tolérés.

Une des raisons qui fe préfentent d'abord tout naturellement, c'eft que cette recherche affectée féduit un tas de gens qui quittent les campagnes, pour venir s'enroler fous les étendarts de la domefticité, calculant leur bénéfice fervile d'après le brillant & l'éclat des habits que leur font porter les maîtres; & quand même l'espoir du gain ne feroit pas allumé par cette confidération, il eft für qu'une vanité mal-entendue, la fotte gloriole des beaux habits, font un motif puiffant pour des gens de cette efpèce, & peuvent les porter à tout quitter pour être laquais.

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Cette ordonnance ne paroît pas également juste dans toutes fes parties, car je ne vois pas pourquoi on rendroit incapable un compagnon d'afpirer à la maîtrise, pour avoir fait un habit, dont d'ailleurs il peut ignorer la deftination. L'emprifonncment du domeftique me paroît un peu violent, puifqu'il ne fait rien que de l'aveu de fon maître.

Elle exige auffi que tous domestiques, compris fous le nom de gens de livrée, « portent fur leurs jufte-au-corps & furtouts, ou du moins fur les paremens & les poches defdits habillemens, un galon de livrée qui ait une couleur apparente & qui borde entièrement le tour des manches & des poches, fi mieux n'aiment les maîtres leur faire porter fur le devant de leurs habits fix boutonnières de galon de couleur faillante, de manière à les faire connoître pour gens de livrée ».

Mais de nos jours on s'eft affranchi de cette loi, qui cependant eft raisonnable, ne gêne point la liberté, & peut dégoûter par fon affujettifiement grand nombre de jeunes gens, qui ne fe mettroient point laquais, s'ils favoient qu'ils duffent porter forcément une marque diftinctive de leur état.

(1) Obfervez que ce luxe des domeftiques fit de grands progrès en France fous la régence, & précisément, lorfqu'après le tameux fyltène de Law, une foule de families riches fortirent du fein des actions & des billets d'état, & chercherent à fe diftinguer par des jouiffances, une magnificence, que les fortunes qu'ellet firent les mirent en état de partager avec les plus grandes maifons.

Jurifprudence, Tome X. Police & Municipalité.

I

Mais revenons au luxe des domeftiques, c'est-àdire à la richeffe déplacée de leurs habillemens. Elle avoit déja été profcrite antérieurement à l'ordonnance que nous venons de citer par une déclaration du 8 janvier 1719. On y dit formellement, qu'au mépris de l'édit de mars 1700, les maîtres font porter à leurs domestiques des veftes & culottes galonnées d'or & d'argent, ou d'étoffe de foic, or & argent, & même des bas de foie avec des coins qui en font enrichis; que les mêmes domestiques, portent des habits fans aucune marque diftinctive de livrée, ce qui peut être d'un grand préjudice pour l'ordre public &c. En conféquence la défenfe que nous venons d'indiquer, y cft prononcée fous les mêmes peines.

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En réfumant maintenant ce que nous venons de dire fur la police des domestiques, & ce qui les regarde en général, on verra que tout fe reduit 10. aux précautions pour s'allurer de leur honnêteté en entrant en maifon, ce qui exige certificat, & auquel peuvent fervir les bureaux de confiance; 2o. aux devoirs & règles de difcipline auxquels ils font foumis chez les maîtres; 3°. aux ordonnances de police qui leur interdifent le port d'armes & la jouillance de chambre en ville, fans le confentement de leurs maîtres, & qui les obligent à prendre un certificat de bonne conduite & à avertir huit jours avant de fortir de maifon à Paris, & de finir le temps pour lequel ils fe font engagés, dans les campagnes 4°. aux loix fomptuaires qui leur interdifent, à peine de prifon pour eux & d'amende pour leur maître, une richeffe & un luxe déplacés Tur leurs habits.

DOMICILIÉ, f. m. On donne ce nom à la perfonne qui a un domicile de fait ou de droit dans un lieu. Le domicile de droit eft celui qu'on élit par un acte public quelconque ; celui de fait, & qui le devient de droit auffi par les effets, eft celui qu'on acquiert en demeurant dans un endroit pendant un certain temps. A Paris le droit de domicilié bourgeois s'acquiert au bout d'un an & un jour d'habitation dans le même endroit.

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On doit bien remarquer au refte qu'on n'eft domicilié qu'autant qu'on eft dans fes meubles, qu'on eft fujet aux impofitions directes; lui qui demeure en hôtel garni, ou qui eft penfionnaire chez quelqu'un pour le logement & la nourLiture, n'eft véritablement pas domicilié.

On doit remarquer que quoique tout bourgeois foit domicilié, tout domicilié n'eft pas, dans l'usage, & rigoureufement parlant, bourgeois. Par exemple, un homme à la charité de fa paroiffe, un compagnon ouvrier, quoique l'un & l'autre dans leurs meubles, payant un loyer à l'année, &c. ne font point bourgeois du moins ce ne feroit qu'abufivement qu'on leur donneroit ce nom. Un domestique hors de condition, & qui a quelque bien, ne peut

non plus avoir le titre de bourgeois, qu'un an & un jour, après avoir quitté l'état de domeftique, quoiqu'il foit domicilié dès l'inftant que fortant de maifon, il prend une chambre à loyer & paie la capitation. Il ne feroit pas bourgeois dans ce cas, même au bout d'un an & un jour s'il continuoit de prendre le nom de domeftique fans condition, comme il arrive à d'anciens laquais de le faire, quoiqu'ils foient aifés, & cela afin d'être taxés à une modique capitation de trois livres dix fols.

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Les domiciliés jouiffent de certains droits civils que n'ont pas les fimples habitans, les étrangers, ou ceux qui demeurent en hôtel garni.

Le premier de ces droits eft celui d'affifter & repréfentans des communes, pour quelque chofe ou voter aux aflemblées qui ont lieu pour l'élection des million que ce foit. Toutes autres perfonnes que des domiciliés ne peuvent point s'y trouver.

Le réglement fait par le roi pour la convocation des trois ordres de la ville de Paris, & la formation des aflemblées des districts, du 13 avril 1785, puiffent aflifter auxdites aflemblées, & l'article 13. veut, art. 12, qu'il n'y ait que des domiciliés qui veut que toute perfonne qui ne pourra pas juftifier de fon domicile actuel fur le district, en foit exclue.

Ce réglement, ainfi que l'ordonnance de convocation du 15 avril 1785, & la proclamation des prévôt des marchands & échevins, du même jour, exigent pour preuve de domicile la quittance ou l'avertiffement de la capitation pour les perfonnes qui ne font point attachées à une corporation, & pour celles qui y font attachées, la lettre de maîtrife eft reconnue en pouvoir tenir lieu, dans le cas où le domicilié ne pourroit point fournir fon titre de capitation.

Le même principe eft rappellé dans le plan de municipalité provifoire pour la ville de Paris, & qui le gouverne dans ce moment (octobre 1789).

y eft dit art. iv, tit. 11. Tous citoyens François ou naturalifes domiciliés dans Paris, depuis an & jour, &c. auront droit de féance & voix délibérative dans les aflemblées de districts.

L'édit de mai 1765, fur la formation des anciennes municipalités, renferme le droit d'élection & d'affifter aux aflemblées électives parmi les notables du lieu; ce qui fuppofe la condition de

domicile.

Il paroît jufte, je crois, de n'accorder l'exercice des droits municipaux, c'est-à-dire, du citoyen vivant fous un régime muricipal quelconque, qu'à ceux qui font domiciliés dans la ville; 1. parce que tout homme ainfi établi eft bien plus intéreflé au maintien de l'ordre, de la paix de la justice, que celui dont la fortune eft

ailleurs, & qui n'a rien à risquer à une ruine publique; 20. parce qu'un domicile, quelque médiocre qu'il foit, eft toujours une condition auprès de la commune de la geftion des deniers ou place de confiance qu'on pourroit confier à celui qui affifte aux affemblées; 3°. parce qu'un domicilié est vraiment affujetti à des charges publiques dont tout autre eft exempt:tel que pain béni;taxe des pauvres, capitation, garde bourgeoife, &c. &c. 4°. parce qu'enfin un homme qui fupporte ces charges, qui participe aux contributions, aux inquiétudes publiques, qui en a la connoiffance pratique, eft plus qu'un autre en état de juger des abus, des moyens & des objets d'amélioration dont la chole commune a befoin, & par conséquent eft plus qu'un autre intéreflé, porté à choisir des hommes honnêtes & capables du fervice de la cité, ou à s'en charger en plus grande connoiffance de cause.

Au refte, on conçoit que s'il eft néceffaire d'être domicilié pour affifter aux affemblées partielles d'élection, tant des magiftratures municipales que des députés nationaux, il l'eft à plus forte raifon pour jouir du droit d'être élu, car toutes les raifons que nous venons d'apporter, pour faire fentir la néceffité de cette condition par rapport aux votans, acquiert encore plus de force quand il eft queftion

des candidats.

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Ce n'eft pas feulement à cet égard que les domiciliés jouiffent de droits dont les autres habitans d'une ville font privés, ils ont encore des immunités particulières, relativement à l'exercice de la police & aux formes de la procédure judiciaire.

D'abord les domiciliés ne peuvent être emprifonnés pour fait de police, fi ce n'eft dans le cas de flagrant délit ; c'eft une maxime générale du gouvernement de toute cité, maxime trop malheureusement méprifée dans ces momens de troubles, où nous avons plus à redouter encore l'anarchie de nos idées, de nos principes & de notre difcipline, que les trames & les complots de nos ennemis.

Nous avons vu cette maxime violée au point que des citoyens domiciliés ont été, je ne dirai pas emprifonnés pour fait de police, & arrêtés dans la rue, mais arrachés de chez eux pour quelquesunes de ces fautes morales contre la décence ou

la paix domestique; fautes qui fans doute méritent reprimandes, mais ne peuvent donner accès à la force publique dans l'afyle du citoyen, fur-tout quand cette force eft toute militaire, & n'eft guidée par aucun repréfentant du pouvoir civil. Ces fcènes atroces fe font paflées fous nos yeux, fe font renouvellées tous les jours, je dirai prefque avec l'applaudiffement de ceux qui auroient dû le plus refpecter la liberté des hommes, la fainteté de leur demeure ; & j'en ferai la remarque pour conferver l'exemple d'un des cent mille défordres auxquels l'anarchie populaire & la deftruction inopinée de l'autorité publique donnent lieu (1). Mais revenons l'immunité du domicilié en matière de police.

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Ce n'eft point feulement en vertu du droit naturel politique qu'il en jouit, la raison seule n'établit point fon droit, les loix pofitives qui en font quelquefois les interprêtes, quoique pas toujours, le lui affurent; & en voici la preuve.

1664, le commiffaire de l'Efpinai a été condamné Par arrêt de la cour du parlemenr, du 28 avril en quatre-vingt livres de dommages-intérêts pour avoir fait emprifonner une cabaretière de Paris, fans plainte & fans information préalable; M. l'avocat général Bignon, qui portoit la parole lors de cet arrêt, a dit « que cet emprifonnement ne pou» voit fe tolérer, ayant été fait fans plainte & fans » information, que cela étoit de conféquence s'agiffant d'une bourgeoife, qu'il étoit à la vérité » permis aux commiffaires de conftituer prifon»niers les perfonnes qu'ils trouvoient en flagrant » délit; mais non point lorfque ce cas ne fe ren» controit pas ; que pour remédier à l'avenir à de pareils abus, il eftimoit qu'il y avoit lieu de dé» clarer l'emprifonnement injurieux, tortionnaire » & déraisonnable, le commiffaire l'Efpindi bien intime & pris à partie, de le condamner en qua» tre-vingt livres de dommages-intérêts, & lui faire » défenfes de ne plus ufer de cette voie ».

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(1) Jefpere que ceux qui m'ont lu ne me foupçonneront pas d'être partifan de la fervitude: voyez APPEL AU PEUPLE, ABUS, DESPOTISME, &c. pour vous en convaincre. Mais je crois qu'il eft de la fageffe, de la prudence. de la fûreté de tout législateur de ne jamais ébranler, & encore moins renverfer aucune bafe de l'édifice public, qu'il n'en ait une meilleure à mettre fur le champ à la place. C'est ce que nous n'avons pas fait.

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Et ce même arrêt faifant droit fur les conclufions du procureur-général « fait défenfes à tous » commiflaires de police de faire aucun emprison»nement qu'en vertu de décret donné fur le vu » des charges, informations & conclufions des gens du Roi, fi ce n'eft dans les cas portés par » l'ordonnance ».

Enfin un autre arrêt rendu le 9 juillet 1712, fur les conclufions de M. l'avocat général Chauvelin, contre le commillaire Moncrif, condamne ce commillaire en deux cents livres de dommages-intérêts; & failant droit fur les conclufions du procureur-général, « enjoint au commitlaire Moncrif & à tous » autres de garder & obferver les ordonnances, » arrêts & réglemens, & en conféquence leur fait « défenfe de le tranfporter dans les maisons des particuliers fans réquifition par écrit, ou ordon→nance de juftice, fi ce n'eft dans le cas de fla» grant délit ».

Ainfi hors les cas prévus par les ordonnances les domiciliés ne peuvent être conftitués prifonniers qu'après informations & jugement préalables. L'ordonnance de 1670, titre 10, art. vIII & IX, permet d'arrêter & conftituer prifonniers fans information préalable en deux cas feulement; savoir, 1o. dans le cas du flagrant délit & à la clameur publique; 2°. les domeftiques fur la dénonciation & réquifition de leur maître.

Nous avons déja dit ce que nous penfions de cette facilité qu'ont les maîtres de faire préalablement conftituer prifonniers leurs domeftiques, nous n'en parlerons pas ici, nous obferverons feulement que la loi des domiciliés eft toujours refpectée, même dans cet abus, puifqu'un domeftique n'eft point

un domicilié.

Au refte cette expreffion de flagrant délit, embraffe non-feulement les meurtres, les vols, le tumulte; les rixes dans les rues & places publiques, le tapage dans les cabarets, les caffés, les auberges, mais auffi le tapage violent dans les maifons particulières, & même la rébellion aux ordres de Î officier de police, lorfqu'il eft dans des courses, foit pour faire la vifite des poids & mefures, foit pour la capitation & le logement des gens de

guerre.

Il eft clair que dans ce cas, la néceffité de faire un exemple & de contenir le peuple, autorife un officier de police à févir fur le champ, à ordonner que le mutin foit enlevé de fon domicile & conduit en prifon.

La feule précaution à prendre, & qu'on ne doit jamais omettre, c'eft que l'officier dreffe un procèsverbal afin de conftater le fait & fes motifs, & de faire fon rapport à la première affemblée, à l'effet de faire confirmer définitivement le jugement qu'il n'a pu lui-même ordonner que prov.foirement.

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Enfin le décret de l'assemblée nationale fanctionné par lettres-patentes, enregistrées le quatorze octobre 1789, fur la procédure criminelle porte article 1x. qu'aucun décret de prife - de - corps ne pourra déformais être prononcé contre les domique dans le cas, ou par la nature de l'accufation & des charges, il pourroit échoir peine corporelle. Pourront néanmoins les juges faire arrêter fur le champ dans le cas de Aagrant délit ou de rébellion à juftice. C'eft la confirmation de l'article 19 du titre 10 de l'ordonnance de 1670.

On peut ajouter à toutes ces autorités en faveur des domiciliés, la déclaration du vingt-fix février 1724, contenant réglement pour la maréchauffée, il y eft dit, « faifons défenfes aux officiers de la maréchauflée, d'arrêter aucune perfonne domiciliée, hors le cas du flagrant délit ou à la clameur publique, à peine de demeurer responsables des » dommages & intérêts des parties ».

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Ainfi il est bien démontré, & par le droit naturel & par les loix pofitives, que la perfonne des domiciliés doit être infiniment refpectée, qu'en matière de police, ils ne peuvent être conftitués prifonniers qu'en flagrant délit ou à la clameur publique, & que dans tout autre cas le décret de prifede corps ne peut être lancé contre eux, que l'information n'ait été préalablement faite.

Joignons à ces vérités un fait récent, & paffons à un autre point de droit fur le même objet.

Charles Poirfon, ancien gendarme, étoit venu de Neufchâteau en Lorraine à Paris pour y fuivre différentes affaires, il étoit defcendu à l'hôtel dy

St. Efprit, rue de Beauvais.

Le 19 avril 1781, un exempt de police avec lequel le ficur Poirfon avoit eu quelques démêlés, fe permit de l'arrêter, fous prétexte d'efcroquerie, & le conduifit au fort-l'Evêque, & l'écroua à la requête de la partie publique pour efter à droit, & répondre devant le lieutenant-criminel de robe

courte.

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Ce magiftrat a conclu lui-même en faveur du fieur Poufon, par l'organe de M. Joly de Fleury, avocat général; & par arrêt rendu à la tournelle le 6 août 1783, le fieur Poirfon a recouvré l'honneur & la liberté.

Le procès-verbal d'emprisonnement a été déclaré nul, ainfi que la procédure criminelle inftruite par le lieutenant-criminel de robe-courte, il a été ordonné que l'écrou du fieur Poirfon feroit rayé & biffé du registre du fort l'Evêque, & faifant droit fur les conclufions de M. le procureur-général, défenses ont été faites à l'exempt d'ufer à l'avenir de parelles voies, à peine d'interdiction.

Non-feulement la perfonne des domiciliés eft fous la protection particulière des loix, mais auffi leur maison, leur domicile, domus fua, difent les loix Romaines, unicuique tutiffimum refugium atque receptaculum; nemo de domo fuâ invitus extrahi debet, nifi autoritate judicis.

Ce privilège établi par la difpofition des coutumes, fe trouve spécialement confacré par l'arrêt en forme de réglement, rendu par le parlement de Paris, le 19 décembre 1702, lequel arrêt difpofe : la cour enjoint à tous huiffiers, fergens, archers » & autres officiers de justice, d'obferver les arrêts » & réglemens, & en conféquence leur fait défen»fes d'arrêter aucunes perfonnes dans leur maifon, » à heure indue, pour dettes civiles; leur fait géné» ralement défenfes de les arrêter de jour dans les » maisons, autfi pour dettes civiles, fans permif» fion du juge, fur telle peine qu'il appartien» dra. »

Cet arrêt a été confirmé par celui du 17 feptembre 1707, lequel a ordonné que le réglement auroit aufli lieu pour les provinces, & depuis, les arrêts des 8 octobre 1711 17 août 1731, 26 avril 1736, 18 mars 1739 & 28 juillet 1760, ont prouvé que la difpofition étoit aufli fage qu'irrévocable.

Nous avons vu au mot commissaire que l'arrêt du 9 juillet 1712 fait défenfes aux commiffaires de police de fe tranfporter dans la maifon des particaliers fans réquifition par écrit ou ordonnance de juftice, fi ce n'eft dans le cas du flagrant délit.

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Malgré des réglemens auffi précis, auffi formels, & quoique leur texte & leur efprit foient de mettre les domiciliés à l'abri de toute invafion, toute vexation; néanmoins jufqu'en l'année 1770 les domiciliés étoient livrés à une forte d'inquifition, d'autant plus révoltante qu'elle émanoit de gens abfolument fans droit & fans qualité; mais T'habitude avoit fubjugué les efprits, & l'abus n'étoit pas apperçu, tant il étoit invétéré.

Les communautés d'arts & métiers, par leur régime & leur conftitution, font obligées de veil-ler perpétuellement à la confervation de leurs concefons, elles fubfiftent entourées de nombreux ennemis toujours prêts à enfreindre la ligne qui les fépare ; on n'a depuis long-temps trouvé d'autre que celui d'accorder aux fyndics & jurés des perexpédient pour contenir ces nombreux agreffeurs, miffions générales & illimitées de faifir tous contrevenans & tous objets de contravention.

Il est aisé de concevoir que ces permiflions ainfi conçues fe rapporteut aux droits & à la qualité de ceux auxquels elles font accordées, qu'elles ne peuvent avoir d'effet que fur les individus compofant la communauté, fur leurs garçons & ouvriers & vis-à-vis des colporteurs ou gens faus aveu & fans domicile; mais les fyndics & jurés interprêtant ces permiffions felon leurs vues intéreflées, s'étoient créé une espèce d'empire & un droit d'inquifition générale; aucune maifon, aucun domicilié n'étoit à l'abri de leurs recherches; ils prétendoient avoir droit de fuivre la fraude & la contravention par-tout où ils préfumoient pouvoir en faifir les traces.

Ces entreprises fouvent obfcures n'avoient point encore fixé l'attention des magiftrats, & à l'ombre d'une poffeffion conftante & non troublée, les fyndics & jurés étendoient chaque jour leur empire', mais enfin la communauté des libraires & imprimeurs de Paris a donné lieu de réformer l'abus, dans laffaire du fieur Luneau de Boisgermain; le jugement qui y fut prononcé porte: « faifons dé» fenfes auxdics fyndics & adjoints de faire à l'a» venir de pareilles faifies, comme aufli de le

tranfporter chez les particuliers domiciliés, fans » une autorisation exprefle & fpéciale de notre part.., Cette défense a encore été récemment réitérée dans un arrêt dont voici le fujet.

Le 22 novembre 1782, les fyndics & adjoints de la communauté des peintres-fculpteurs-marbriers de Paris, accompagnés d'un commillaire, en vertu d'une ordonnance de M. le lieutenant-général de police, du 24 novembre précédent, portant feulement permiffion de faifir les contrevenans (1), fe font tranfportés chez le fieur Bouin, peintre qui étoit abfent, &, parlant à fa domeftique, ils ont faifi des chevalets, des tableaux de divers fujets fur leur chaffis fans bordures, peints fur toile & fur bois, &c.

Le fieur Bouin a interjetté appel de la faifie, il a demandé la nullité du procès-verbal & a conclu à des dommages & intérêts; il a foutenu que la procédure étoit nulle & par fuite que la faifié étoit injufte, &c.

(1) La nouvelle forme que prendront fûrement les communautés d'arts & metiers, par la fuppreffion du privilège de jurante, apportera du changement dans certe police; mais comme elles conferveront toujours une certaine difcipline pour leurs membres, il n'eft pas inutile de faire connoître jufqu'où elle peut s'étendre, fans bleffer les droits des domiciliés.

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