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à fon pere, la confidération dont on jouit. Mais n'eft-il pas auffi flatteur, aufli doux de dire : » Mes cordons, mes grades ont ajouté un nou» veau luftre a ma famille; mes pères ont été » de grands hommes; je fuis moi-meme un grand » homme; mes contemporains s'occupent de l hil»toire de mes aieux; la poftérité lira la mienne ». Cependant fi les récompenfes, les dignités militaires font toujours accordées à la nobleffe, celui qui les a, qui a la confcience de fon génie & de fon favoir, & qui a conduit une armée avec habileté, n'entendra-t-il pas la juftice proférer ces mots terribles? » Il eft le plus grand général de » fon fiècle; mais c'est que le génie & les con» noiflances font interdits aux citoyens; c'eft qu'une » loi abfurde, en affurant les places militaires à » la nobleffe, étouffe l'émulation dans tous les > cœur, oblige les plébéïens à porter leurs médi»tations loin de l'art de la guerre, précipite » les nobles dans l'oifiveté. S'il eût été permis à » tous les hommes de parvenir à tout, il eût été » confondu dans la foule, il n'eût rien été ». Les gentilshommes dignes d'illuftrer leurs familles demanderont donc que les roturiers puiffent parvenir à toutes les dignités militaires.

Ceux que leur ignorance, leur foibleffe condamne à traîner un nom célèbre, le demanderont aufli. Ils peuvent afpirer aux dignités; ils les obtiendront peut-être : car l'intrigue & l'ufage auront toujours du pouvoir. S'ils ne font pas abfolument privés de la raifon, ils doivent comprendre qu'ils font intéreffés à ce que tous les hommes puiflent parvenir au même but qu'eux par des routes différentes. Combien de cordons bleus ont dû rougir de voir Catinat fans le cordon bleu! combien de maréchaux de France ont dû rougir de voir Chévert lieutenant-général! s'ils les avoient cus pour confrères, ils n'auroient pas été & ne feroient pas encore regardés comme des ufurpateurs. La postérité, qui ne feroit pas forcée de fe plaindre, les auroit jugés avec indulgence, & auroit penfé qu'ils avoient du moins quelque talent.

La patrie, les nobles doivent donc demander que les roturiers parviennent à toutes les dignités mi

litaires.

citoyens, devint le fouverain des rois & des peuples; il perfuada aux rois qu'il étoit leur foutien, aux peuples, qu'il étoit leur appui; il abusa de la foibleffe même, il fouleva les peuples contre les rois ; il appela les rois à fon tribunal; il ne reconnut pour légiflateur & pour juge, que fon chef; enfin, ce qui eft le dernier des crimes, il abufa de la confiance des peuples en les armant les uns contre les autres, non pour foutenir les lois fondamentales de toute fociété raifonnable, mais pour affermir la tyrannie des papes & les prétentions du facerdoce.

Le voile de la crédulité ne pouvoit couvrir longtemps encore les yeux des fouverains qui, dans les fiecles de barbarie, étoient moins ignorans que le peuple. Le clergé s'en apperçut; il capitula comme un homme puiflant qui abandonne une partie de fes ufurpations, à condition que l'on reconnoîtra qu'il cft légitime poffeffeur du refte.

exi

Les rois purent, avec la permiffion des papes, ger quelques redevances des prêtres; mais le pape conferva le droit de nommer à tous les bénéfices; le clergé fut toujours un ordre dans l'état.

Ainfi le chriftianifme avoit une armée nombreuse, toujours difpofée à obéir à un chef qui, en augmentant fon pouvoir, augmentoit celui de fes foldats; qui parloit au nom de Dieu, & donnoit ou promettoit une abbaye ou un evêché; qui s'attachoit les ambitieux par l'efpérance, & lançoit des excommunications fur les hommes éclairés ou peu refpectueux pour des prètres ou des moines rongés par tous les vices.

Alors Luther parut; Rome avoit difpofé l'Europe à l'entendre; il fraya la route à Henri VIII, à Calvin; & s'ils ne s'étoient conduite privée leurs pas deshonorés par conduite privée, & rendus odieux par leurs emportemens & leur intolérance, ils auroient, avec le temps, détruit le catholicifme; car leurs opinions affaffinats, les empoisonnemens, la guerre, les fupfurent profcrites & leurs partifans perfécutés. Les plices, le martyre, tout fut employé contre eux, au nom d'un Dieu de paix, au nom de Jéfus, qui, fans fe plaindre, avoit fouffert les plus grands outrages; les réformateurs, au lieu d'imiter la conduite des premiers chrétiens, repoufferent les crimes par les crimes. Rome cependant perdit une grande partie de l'Europe, tant elle & fes prêtres avoient inf piré de haine ! Ils euffent dû defcendre en eux-mèmes, & couper jufques dans fes racines le principe du mal; l'intérêt du catholicitime l'exigeoit, l'intérêt perfonnel le défendoit, & lui feal fut écouté; l'égoifine étoit l'efprit eccléfiaftique; il l'eft encore, car les mêmes caufes fubfiftent : & les opinions actuelles l'empêchent feules de renouveller les dra→ gonades qui ont multiplié les proteflans, de prodiLe clergé toujours fubfiftant, toujours parlant auguer les exils, les banniflemen, qui ont fait nom de Dieu, toujours empiétant fur les droits des naître.les Janféniftes, qui ont forcé plufieurs Jurifprudence, Tome X, Police & Municipalité. C

2. Lorsque le chriftianifme eut, comme toutes les fectes, acquis des forces par la perfécution, fes chefs fentirent que les prêtres ne pouvoient s'aflurer un long empire, fans former un corps. Dès-lors ils eflayerent de renverfer toutes les loix naturelles leur religion avoit respectées ; & bientôt la fociété ne fut plus compofée de familles dont tous les membres étoient égaux; les états virent dans leur fein, des hommes founiis à un maître étranger, à une difcipline particuliere.

que

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DES

philofophes refpectables pour leur génie & leurs vertus, à faper l'édifice du chriftianifme.

Cet expofé fuccinct, appuyé fur l'hiftoire, m'a paru néceflaire pour découvrir le germe du defpotifme facerdotal.

Contraignons les prêtres à être citoyens, & alors la raifon ne leur reprochera rien, alors le catholicifine ne perdra plus tous les jours une foule innombrables d'enfaus."

Le célibat des prêtres n'eft pas d'inftitution évangélique; en s'élevant contre lui, c'est donc s'élever contre un établiffement des papes, ou des conciles que les lois ont eu, dans le principe, le droit de détruire, & qu'elles ont par conféquent encore.

Le célibataire n'a fur l'état qu'une rente viagère; il eft le centre de toutes les affections. Si ces principes avoient befoin d'être prouvés, ils le feroient par l'intolérance du clergé qui a arraché au catholicifme, des villes, des provinces, des royaumes; ils le feroient par des emprunts multipliés, inutiles, & à longs termes, dont le clergé de France ne s'eft jamais laffé de charger les générations futures.

Le père de famille au contraire a donné des otages à la patrie, l'avenir l'intéreffe encore plus que le préfent; car il s'occupe, non feulement de fon bonheur & de celui de les enfans, mais du bonheur de fa poftérité. Le célibat eft donc la caufe de l'égoifme facerdotal. Je fais qu'un célibataire peut être bon citoyen, que prefque toutes les belles actions ont été faites par des célibataires. Les grands hommes font entraînés par la gloire; paffion trèsforte, très-rare, & far laquelle les loix fages ne doivent pas compter; car on a ordinairement des vices & des vertus peu énergiques.

La loi qui permettra le mariage des prêtres, les forcera d'être citoyens. Mais quel rang leurs enfans obtiendront ils dans la fociété ? Les pères font membres du premier ordre de l'état, les enfans feront-ils du même ordre? S'ils en font, tous les maux que le clergé a faits à la patrie & à la religion, en répandant la difcorde dans les familles, parce qu'il détruifoit l'inégalité qui eft la base de l'union, en établiflant entre les hommes des diftinctions réelles & indépendantes du mérite perfonnel des diftinctions civiles, indépendantes du mérite des aïeux; ces maux qui depuis long-temps troublent la fociété, qui ont enlevé & qui enlèvent tant d'hommes au catholicifme, ces maux fubfifteront encore. De plus, ils nourriront l'orgueil dans le fein des prêtres; ils les multiplieront, ils rendront leurs enfans hautains & dédaigneux de toute profeffion qui ne fera pas facerdotale; ils plongeront leurs veuves, leurs filles dans les vices qui déshonorent les veuves & les filles des prêtres anglois.

Les prêtres compofent le premier ordre de l'état ; leurs enfans feront-ils du même ordre ? S'ils n'en font pas, s'ils retournent dans l'ordre d'où leurs pères font fortis, il est évident que les prêtres ne forment plus un ordre à part; qu'ils font forcés de s'occuper des intérêts de leurs enfans; que pour temporel ils appartiennent plus à la nobleile ou au peuple qu'au facerdoce, & qu'ils doivent être regardés comme gentilshommes ou plébéiens

non comme membres d'un ordre de l'état.

le

&

Le clergé ayant la permiffion de fe marier, fera lié à la patrie par des chaînes douces & éternelles ; il n'aura, par la profeffion, aucune prééminence; il travaillera pour acquérir l'eflime & la confiance des citoyens, dont il aura befoin pour fa famille.

I V

pour

lui-même &

:

On a obfervé que prefque toutes les filles publiques font, en Angleterre, filles ou veuves de prêLe defpotifme judiciaire eft le plus terrible des tres; parce qu'elles font accoutumées a vivre dans defpotifmes; il atteint, comme les impôts, jusl'aifance & l'oifiveté, & qu'elles font fans reflource à la mert de leurs peres ou de leurs époux. On pour- qu'aux extrémités du royaume; les impôts dévorent la nourriture du peuple, le defpotifme judiciaire roit, par la même raifon, condaniner au célibat ceux qui n'ont pour tout bien qu'une profeffion lucra-ronge le peuple, le déshonore, l'emprisonne le tive & honorable. Cependant cette idée eft fi abfurde, peuple ruiné par les impôts, maudit les miniftres qu'elle n'a jamais été avancée par les nombreux par- déprédateurs; le peuple ruiné par les juges, l'innocent fiétri par les loix, font, malgré les cris de la rifans du célibat facerdotal. Les vices des filles & des veuves de quelques prêtres anglois n'ont pas confcience, condamnés au filence: les juges ont d'autres caufes que la foibieffe ou l'ignorance de leurs pères ou de les époux. Or les amis du clergé ne foutiendront pas, fans doute, que ces défauts appartiennent aux prêtres exclufivement, ou plus qu'aux autres hommes.

Les prêtres fe marieront; non, s'écriera quelqu'ami des vieux ufages. Les bénéfices deviendroient héréditaires comme ils le font chez les moines. Une. loi peut annuller celle qui permet les réfignations & qui eft prefque aufli nuifible au peuple que la loi pour laquelle on l'a privé du droit de collation.

fuivi les loix.

Le defpotifme judiciaire a plufieurs fources. L'obfcurité & la complication des loix, qui permettent de prononcer tantót pour, & toujours fuivant une loi quelconque.

tantôt contre,

Le droit de juger les caufes civiles & criminelles. Les hommes, en général, font invinciblement portés à abufer de leurs forces, de la l'afcendant que les juges prennent fur le peuple; de là ces procès multipliés qu'un juge peu délicat intente à un voifin

peu redoutable; de là ces décrets, ces emprifonnemens par lesquels un juge punit ceux qui ont ofé s'elever contre un jugement inique, qui ont ofé défendre leurs propriétés contre fes ufurpations; de là les profcriptions des philofophes qui n'ont respecté ni les loix abfurdes, ni les loix barbares.

4o. Empêcher les magiftrats de former un corps. 5°. Accorder la liberté de la preffe.

(Eloge du préfident Dupaty.)

A ces quatre efpèce de defpotifme nous pourrions joindre le defpotifme populaire. Il a lieu lorfque le peuple rompant tout frein & méconnoiflant la voix de la loi, prefcrit dans fon aveugle fureur l'innocent avec le coupable, enveloppe dans la ruine du pervers, l'homme honnête qui n'eft que foupçonné, l'homme imprudent qui n'eft que blâmable, l'homme ignorant qui ne peut fe juftifier.

La forme des jugemens. En matière civile, les magiftrats n'énoncent jamais ou prefque jamais, les motifs de leurs arrêts; de forte que l'on ne connoît pas exactement la bafe du jugement, & que l'on ne peut en calculer la force ou la foibleffe. En matière criminelle, ils condamnent fouvent pour les cas réfultans du procès ; cet ufage de terminer une procédure fecrette par un jugement secret, reffemCe defpotifme eft d'autant plus affreux qu'il eft ble à la loi établie en Corie, où le gouverneur ardent, expéditif, fanatique, que fes fatellites font génois faifoit tuer un homme ex informatá conf-juges & parties, ou plutôt qu'ils font accusateurs &

cientiâ, & eft contraire à la juftice, qui exige que tout homme rende compte de la puiffance qui lui a été confiée pour le bien de la fociété : il eft facile de voir combien ces formes de jugemens favorisent la haine, la vengeance, la parelle, l'ignorance, la corruption ou la féduction des magiftrats.

La magiftrature forme un corps. Les enregistremens ont lié les parlemens, la permanence des étatsgénéraux détruit abfolument cette caufe. Les provinces d'ailleurs demandent avec raifon de rapprocher la justice des jufticiables, les tribunaux feror.t tellement multipliés qu'ils formeront difficilement un corps.

L'ignorance de la nation. L'homme ignorant en général admire ce qu'il ne comprend pas, refpecte ceux dont il ne peut juger la conduite & les principes; les parlemens ont paru le fentir, de là leur zèle contre les progrès des lumières, de là les arrêts, auffi injuftes que mal motivés, qui ont eflayé de flétrir l'encyclopédie, les œuvres de Voltaire, l'Emile, l'hiftoire philofophique, les mémoires de M. Dupaty, &c. &c.

La liberté de la preffe diffipera cette ignorance dont il femble que le parlement ait voulu envelopper le peuple; elle eft demandée par la raison, par le droit naturel & par les provinces (1).

Pour détruire le defpotisme judiciaire, il faut donc :

1o. Faire un nouveau code civil & un nouveau code criminel.

2o. Séparer les tribunaux en tribunaux civils & tribunaux criminels.

3. Ordonner que les magiftrats énoncent en matières civiles les loix qui ont motivé leurs arrêts. Ordonner que les procédures criminelles foient publiques, & que les arrêts en contiennent l'extrait.

(1) Ceci est écrit en août 1989.

defpotifme; mais tyrannie qui mène à l'anarchie & exécuteurs à la fois : c'eft plutôt une tyrannie qu'un bientôt aux autres genres de defpotisme dont nous venons de parler.

Ce qui rend cette tyrannie populaire effrayante, c'eft qu'elle agit fur toute la furface d'un royaume les points d'une étendue immenfe fans diminuer de en même temps, c'eft qu'elle fe reproduit dans tous fon activité. Elle trouve par-tout des moyens d'agir fans avoir à les préparer.

Mais cette malheureufe facilité qu'a la tyrannic populaire d'exercer fa fureur, eft ce qui la détruit; comme elle ne fubfifte que par une forte d'anarchie, le befoin de l'ordre réunit la plus grande partie des hommes du côté de la fubordination, qui, dans ces momens de troubles va jufqu'à l'obéiflance aveugle, & enfin la fervitude; ce qui établit un defpotifme moins effréné, mais plus durable, mais auffi odieux.

Il y a une autre efpèce de defpotifme populaire, magiftrat & fouverain à la fois. La il n'existe auc'eft celui que le peuple exerce par-tout où il eft cune liberté perfonnelle que ce qui plaît au peuple de vous en accorder; le rigorifme, la dureté, des préjugés de pays, de morale, le guident dans les jugemens, & font autant d'ennemis apoftés contre le citoyen qui veut jouir de fes droits d'homme fous la protection de la loi.

Le defpotifme populaire de cette efpèce eft rigide obfervateur d'une police brutale & farouche, fa morale déplaît, fatigue; & comme les hommes aiment les jouiffances, qu'ils espèrent pouvoir fe les procurer plus facilement fous l'autorité d'un feul que fous celle de tout le peuple, il n'eft pas rare de voir ce régime fe changer en defpotifme monarchique.

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Nous ne parlons de cet art ici que pour dire un mot de l'école de deffin, établie à Paris, & afin de diminuer d'autant l'article PARIS, où celui-ci doit aturellement être rapporté.

Nous ne difcuterons pas non plus l'utilité de cet établissement. Plufieurs perfonnes ne la croient pas auffi complettement démontrée qu'elle le paroît à la majeure partie du public. Elles y voient une occafion d'éloigner des travaux productifs une foule de jeunes gens qui paflent des années pour apprendre un peu de deffin, chofe qu'ils auroient pu apprendre, ajoutent-t elles, en peu de temps, s'ils avoient eu le goût, & qui leur devient inutile s'ils ne l'ont pas. Il eft für que ce ne font ni les écoles gratuites, ni les collèges qui font les grands peintres & les grands écrivains.

Cependant l'on ne doit pas moins regarder comme des établiffemens précieux tous ceux qui peuvent contribuer à répandre les lumières & l'inftruction; mais c'est seulement dans ce fens, que l'inftruction doit avoir pour objet non un état, un moyen de fortune, mais bien la deftruction des erreurs, des préjugés nationaux. Toute autre espèce d'inftruction doit être payée, puifqu'elle a pour objet la fortune de celui qui étudie. Ainfi c'eft un piège tendu à l'ignorance du peuple que cette prétendue facilité d'acquérir des connoiffances gratuites qui mènent à la fortune. De tous ceux qui fe laiflent aller à cette illufion, bien peu réuffiffent, & le très-grand nombre en eft dupe & s'y ruine.

Quoi qu'il en foit, voici quelques détails fur l'école de deffin de Paris.

Son but eft d'enfeigner gratuitement à des ouvriers ou à des enfans fans fortune, les principes élémentaires de la géométrie pratique, de l'architecture & des différentes parties du deffin relatives aux arts méchaniques, pour leur procurer la facilité d'exercer eux-mêmes & fans fecours étrangers, les différens ouvrages que leur génie peut leur faire imaginer.

du

L'origine de l'école remonte à 1766. Elle fut ouverte, en vertu d'une fimple permiffion gouvernement, mais ce ne fut qu'au mois d'octobre 1767, qu'elle fut autorifée par des lettres-patentes.

Les leçons fe font données à l'ancien collège d'Autun, jufqu'en 1776, que l'école a été transférée à l'ancien amplitéâtre de St. Côme, dont le roi lui a fait donation, pour y fixer irrévocablement le cheflieu qui y eft à préfent établi.

Toute la manutention de l'école peut fe divifer en deux parties, l'adminiftration de l'établiflement & l'inftruction des élèves. Nous dirons un mot de l'un & de l'autre.

Suivant les lettres-patentes du 20 octobre 1767, l'école eft inftituée fous le titre d'école royale gra

tuite, & eft régie & adminiftrée fous l'infpection du magiftrat de police.

Le bureau d'adminiftration, auquel préfide ce magiftrat, doit être compofé d'un directeur & de fix adminiftrateurs choifis parmi les notables, ayant tous voix délibérative, & pour le fervice du bureau, d'un fecrétaire & d'un caiffier

Par l'article III, le roi s'est réservé de nommer pour la première fois, le directeur & les adminiftrateurs, auxquels il a laiflè la nomination du fecré

taire & du caiffier.

Les adminiftrateurs doivent être changés à l'expiration de trois années d'exercice, de façon qu'il en entre chaque année deux nouveaux pour remplacer les anciens. Ils peuvent être continués une fois feulement, & font à la nomination du bureau.

Par arrêt du 13 avril 1776, confirmatif desdites lettres-patentes, fa majefté a ordonné qu'au bureau qui feroit indiqué pour l'élection des nouveaux adminiftrateurs, il feroit accordé entrée & voix délibérative à douze fondateurs qui y feront invités par le bureau d'administration.

La place de fecrétaire eft remplie par un des adminiftrateurs, ayant été fupprimée comme trop onéreufe à l'établifiement. Le bureau doit s'affembler tous les mois, & fi dans le cours de l'année les affaires exigent la tenue d'un bureau extraordinaire, il eft convoqué par le magiftrat de police.

Le travail de l'adminiftration eft partagé en deux comités, l'un pour l'inftruction, l'autre pour la comptabilité. Ces comités fe tiennent toutes les fois que les affaires le requièrent, & il s'en tient un général tous les famedis, où le traitent & fe décident les affaires, fauf le renvoi au bureau, de celles que le comité croit devoir foumettre à fa décifion.

Les objets mis en délibération, tant au comité qu'au bureau, font délibérés à la pluralité des fuffrages, & propofés par le directeur ou l'un des adminiftrateurs.

L'instruction comprend tout ce qui a rapport aux élèves & aux différens profeffeurs chargés de les

inftruire.

L'école cft ouverte pour quinze cents jeunes gens qui font admiffibles dès l'âge de huit ans, fur la préfentation d'un billet d'entrée délivré par le direc

teur.

Les études font divifées en trois genres: la géométrie pratique & l'architecture, la figure & les animaux, les fleurs & l'ornement.

Chaque jour cft destiné à l'inftruction d'un teul genre, qui fe fuccède alternativement tous les trois jours, de manière qu'il y a deux jours de leçons dans la femaine pour chaque genre.

Le lundi & le jeudi pour l'architecture, le mardi & le vendredi pour la figure & les animaux, le mercredi & le famedi les fleurs & l'ornement.

Les claffes font tellement diftribuées dans la journée que cent vingt-cinq élèves entrent à fept heures & fortent à neuf heures & demi, autant à neuf trois quarts pour fortir à onze heures, le même nombre depuis midi jufqu'à deux heures, & les derniers cent vingt-cinq depuis trois heures jufqu'à cinq heures & demie.

Indépendamment des élèves ordinaires, il y a des élèves fondés, à qui l'école fournit pendant toute l'année des crayons, du papier & quelques petits inftrumens à leur ufage.

Par le tarif arrêté par le bureau d'adminiftration, tout particulier peut, moyennant 30 liv. de rentes perpétuelles ou viagères, fonder une place d'élève pour être inftruit dans un genre.

Comme le temps des études eft fixé à fix années, les fondateurs ou leurs fuccefleurs jouiffent, à l'expiration defdites années, fi la fondation eft perpétuelle, de la faculté de nommer un autre élève, comme aufli de le remplacer dans le cas où il auroit mérité, par le concours, une maîtrise dans un corps d'arts & métiers.

que

Car on doit favoir qu'il y a un certain nombre de maîtrifes les élèves gagnent au concours, & qu'en outre ceux qui ont étudié fix ans à l'école gratuite font reçus maîtres dans les communautés aux mêmes avantages que les fils de maîtres.

Le foin de l'inftruction eft confié à trois profeffeurs & trois adjoints; l'un des profeffeurs a le titre dinfpecteur des études. Un profefleur & un adjoint font attachés fpécialement à chaque genre. les élèves de l'académie d'architecture & de peinture Les profefleurs font choifis au concours parmi qui ont remporté un prix chacun dans leur Les adjoints parviennent à la place de profefleur

par le concours entr'eux.

genre.

L'infpecteur a la police de l'école, & le foin de tout ce qui regarde l'inftruction..

L'on a établi à l'école de deffin plufieurs concours dont l'objet eft d'exciter l'émulation & l'ambition des élèves par des prix en livres d'eftampes & autres objes relatifs a l'art il y en a de deux cfpèces; les uns de quartier qui ont lieu tous les mois, fe jugent tous les trois mois, & les autres appellés 61ds concours, qui fe jugent tous les aus. Voyez le Dutionnaire de peinture, fculpture.

DEUIL, f. m. C'eft en général une marque de tritele, un témoignage de regret de la mort ou de la perte de quelqu'un. Plus communément on l'entend de l'habit que l'on porte à la mort d'un parent, de quelqu'un de la famille royale, ou d'un prince fouverain.

L'ufage de porter le deuil eft très-ancien ; les peuples de la plus haute antiquité le pratiquoient, & nous voyons que les fauvages en ont également l'habitude à la mort de leurs parens ou de quelqu'un qui leur étoit cher.

Cette coutume tient à un fentiment naturel, celui du regret d'avoir perdu ce qu'on aime, ce qu'on eftime. Il n'eft cependant pas facile d'expliquer comment on a adopté, pour adoucir l'amertume des regrets, des pratiques lugubres, des cérémonies & un coftume de douleur. Il m'eût chagrin, à rappeller l'homme au bonheur, à la femblé plus raifonnable de chercher à diffiper le joie par des fignes d'efpérance, par des confolations douces, que d'ajouter au trouble de fes idées le fpectacle lugubre des cérémonies funèbres & du deuil. Mais la triftefle a fes douceurs, la douleur a fes plaifirs: le calme, le recueillement, tout ce qui mène à la mélancolie, tout ce qui peut rappelprécieux. On porte avec une forte d'orgueil tendre, ler l'image d'une perfonne aimée, cft cher, eft d'émotion profonde le deuil de fa femme, de fon ami, des perfonnes que l'on a chéri, Ainfi ce qui nous fembloit oppofé au vou de l'homme, au befoin de fon cœur, a la fource dans ce befoin même, & tient au méchanifme de fes paflions.

Les deuils ont cependant pu avoir une origine différente; ils ont pu, comme tant d'inftitutions, être enfans de la vanité comme de la reconnoiflance. Si un bienfaiteur, un homme public a pu exciter des regrets univerfe.s, l'opulence, le pouvoir ont pu en commander la démonftration ou plutôt l'apparence.

Ces derniers ont fur-tout donné naiffance à ces efpèces d'automates nommées pleureurs, & que les latins appelloient prafica. Ils fuivoient le convoi, & deuil, proprement dit, n'a jamais été un objet de par des pleurs & des fanglots payés, fimuloient une triftefie que d'autres auroient dû éprouver; mais le fpéculation ou de trafic particulier.

A Rome, autrefois, la couleur noire ou trèsbrune y étoit particulièrement deftinée. Dans les commencemens les empereurs le portèrent de cette couleur auffi, mais du temps d'Augufte ils portèrent dans le deuil le voile blanc & le refte noir: enfin fous le règne de Domitien ils le portèrent tout en blanc, fans aucun ornement d'or, de perle ni depierreries.

Les marques. du deuil toient encore, pour les honimes de laiffer croître leurs cheveux & leur barbe, & d'obferver de ne point mettre de couronnes de fleurs fur leur tête, tant que duroit le deuil. Le plus long étoit de dix mois, pendant lequel une veuve ne pouvoit pas fe remarier fans encourir une note d'infamic. A l'égard des enfans on ne le portoit point quand ils mouroient au-deffous de trois ans, & pour ceux au-deffus de cet âge jufqu'à dix, on le portoit pendant autant de mois

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