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dignitez, jufqu'à ce qu'ils euffent la complaifance d'aller à la Meffe.

On leur faifoit donc exprès par un Edit ou une Declaration un crime de ce qui, fans cela, n'en auroit pas été un; afin de pouvoir les affujettir à une peine dont la frayeur les contraignît de fe livrer à leurs Ennemis, de peur d'être condannez a la mort, s'ils formoient le deffein de leur échapper par la fuite.

. Il eft donc évident que ces perfonnes condannées pour avoir contrevenu à des Declarations faites exprès, pour, fous des pretextes mendiez, opprimer leur Confcience, & detruire leur Religion, font en effet condannez pour la Religion, fans laquelle ils n'auroient jamais encouru ces peines.

La troifiéme chofe qui regarde les con◄ ceffions, eft la reftitution des biens à ceux qui font fortis du Royaume, à cause de la Religion; foit qu'ils ayent été envoyez hors de ce Royaume par les ordres de Roi, comme les Confeffeurs, qui, après une longue prifon, ont été conduits jufques fur la frontiere par des Gardes qui leur avoient été donnez exprès: comme auffi ceux qui ont été transportez dans les Co

lo

lonies, fous le pretexte de leur conftance, qu'on appelloit opiniatreté; ou de leur repentance, après avoir eu la foibleffe de figner, qu'on appelloit recheute: & enfin des Miniftres, à qui, par l'Edit même de revocation de l'Edit de Nantes, il étoit ordonné de fe retirer du Royaume.

Soit qu'ils foient fortis contre les defenfes portées par les Edits & declarations, afin de pouvoir mettre leur Confcience en liberté; & reparer par une repentance édifiante la faute qu'ils avoient faite de promettre d'adherer à la Religion Romaine.

Quoi qu'il y ait de la difference dans les circonftances de ces cas particuliers, il y aune chose commune à tous, c'eft qu'il eft inoüi, avant cette derniere perfecution, qu'on ait ôté à quelqu'un, pour la feule caufe de la Religion, ni la liberté de fe retirer ailleurs, nile droit de dipofer de fes biens. On n'a qu'à lire tous les Edits rendus pendant foixante ans en France, après les commencemens de la Reformation ; & on y verra que la liberté de fortit du Royaume y eft accordée à tous ceux qui ne s'accommodoient pas de la Religion Romaine, & on n'y verra point qu'on les depouille de leurs biens, en leur accordant cette liberté.

Cet:

Cette nouveauté à été introduite en France par un tour des Jefuites, qui ont fait valoir ainfi le Droit Canonique, fuivant lequel ceux qui font declarez Heretiques font eftimez dechûs de leurs biens, honneurs, dignitez, préeminences, &c. mais Droit qui n'a jamais eu de vertu en France, & contre lequel tous les François fe font foulevez en tout temps, fur tout en faveur de Henri IV. que le Pape & les Efpagnols vouloient faire paffer pour decheu de tous fes droits à la Couronne, comme Heretique & comme Relaps.

La chofe étant donc injufte en elle-même, & contre le droit commun, il n'y à rien de plus raisonnable, ni de plus digne des Etats Proteftans, que de demander juftice à cet égard, & de faire reftituer leurs biens à tous ceux qui en ont été privez pour cause de Religion, en quelque maniere qu'ils fe trouvent devolus prefente

ment.

Il s'en trouve de delaiffez aux plus proches parens ; & il y en a d'autres dont le Roy s'eft faifi, & qu'il a mis entre les mains de fes Receveurs: & d'autres encore dont il a difpofé, en les donnant à d'autres qui n'y avoient ni droit ni pretention fondée fur aucun pretexte. Tou

Toutes lefquelles difpofitions étant contre la juftice, elles doivent être toutes revoquées & annullées, & lefdits biens rendus à leurs legitimes poffeffeurs, avec droit d'en user comme de leur propre, & de telle maniere qu'il leur plaira.

Cela eft d'autant plus digne de l'entre mise des Souverains, que tous les Refugiez font devenus leurs fujets, foit par la Naturalité, qui leur a été accordée en plufieurs lieux; foit par le long fejour & les etabliffemens fixes qu'ils y ont formez; foit par le commerce, ou les charges & Offices quils y exercent, même dans les armes & dans les Maisons des Princes, qui leur ont fait l'honneur de les recevoir à leur service. De forte qu'en redemandant les biens des Refugiez, ils ne feront que donner à leurs fujets la protection qui leur eft. dûe, & repeter les biens de ceux qui leur appartiennent en cette qualité de fujets.

Après les conceffions, il eft naturel de demander des furetez; & cet article eft tout auffi neceffaire que les conceffions mémes, puisqu'il eft evident qu'il feroit équivalent de n'obtenir rien, ou d'obtenir quelque chofe fans affurance qu'il feroit gardé. Leurs Excell. favent quelle confiance on

peut

peut prendre aux paroles données par la Cour de France, principalement dans les affaires de Religion, ou aux Edits même les plus folennnels, après que l'Edit de Nantes, fi folennellement donné, & tant de fois confirmé à été revoqué d'une maniere fi funefte à tant de milliers de familles. Il eft donc bien important de pourvoir à la fureté des chofes qu'on aura pû obtenir: mais cela ne fera pas aifé, s'il ne plaift aux Souverains de fe faire une affaire de les faire observer; fur quoi il y a deux chofes à confiderer.

La premiere, eft qu'il faut avoir égard à prevenir toutes les fraudes, fuites, & equivoques qui pourroient donner occafion à éluder ce qui auroit été convenu, & pour cet effet il feroit neceffaire de prendre garde à exprimer d'une maniere nette, precife, diftincte, la chofe demandée; & de prendre garde aufli que les termes de la conceffion fuffent fi clairs & fi fimples, qu'il ne pût y refter de pretexte interpretation, exception, ni reftric

tion.

aucune

A caufe dequoi il faudroit envisager les chofes qu'on auroit à demander, de tous les cotez, pour pouvoir les bien detailler,

&

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