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de force contre les lieux où elle refte établie; Il s'enfuit de là evidemment que l'interêt commun des Proteftans exige d'eux qu'ils s'uniffent pour fecourir les lieux ou elle eft attaquée, & pour empêcher qu'elle n'y foit abolie: de peur qu'en la ruinant de lieu en lieu, comme il eft arrivé depuis foixante ans, en plufieurs lieux de l'Europe, Elle fe trouve fi foible dans les bornes où elle fera peu à peu reduite, qu'elle n'ait plus la force de fe defendre.

C'est ici une occafion d'appliquer cette reflexion à propos; Les Eglifes de France étoient une raifon qui obligeoit le Roi à garder des mesures avec les Proteftans étrangers, qu'il n'a plus gardées, auffi-tôt qu'il a eu detruit ces Eglifes: & il à fait connoitre avec éclat qu'il traitteroit de méme toutes les Eglifes Proteftantes, lors qu'il pourroit êtendre fon pouvoir sur elles: comme cela paroit par le 4. Art. du traitté de Ryswyck, où il impofe la Loi pour la Religion, dans les lieux même qu'il étoit obligé de rendre à leurs premiers Souverains.

Il eft par confequent d'un grand & legitime interêt que les Etats Proteftans tâchent de relever les Eglifes de France, &

Tom. II.

Z

de

de les conferver pour remettre la balance dans une efpece d'équilibre, qui rende à la Religion Proteftante la force necessaire pour éviter que peu à peu on ne l'opprime par tout.

Il ne faut pas s'arrêter à l'objection prise de ce qu'un Souverain' ne peut pas fo mefler des affaires Domestiques d'un

autre.

En effet fi fe mefler des affaires qui nais◄ fent entre un Souverain & ses sujets, c'est entrer dans fes affaires Domestiques, cela n'a jamais été regardé comme illegitime, quand il y a une raison fuffifante. Car un Souverain intercede pour les fujets rebelles à un autre. Il les appuye & leur fournit des moiens d'empêcher qu'on ne les opprime; & cela fe fait même quelquefois fans rupture ouverte avec le Souverain des rebelles. Le Roy de France pourroit donner lui feul plus d'exemples de cette politique que tous les autres Princes enfemble. Comment donc pourroit-il trouver mauvais que dans un traitté de Paix on tache de procurer quelque foulagement par negotiation à des fujets opprimez par les ordonnances.

Il ne peut trouver etrange que les

Pro

Proteftans unis protegent avec force un million de malheureux, que fes Loix expofent à toute forte de perfecutions: & qu'ils intercedent puiffamment auprès de leur Prince, pour empêcher qu'il ne facrifie un fi grand nombre de fes fujets au bon plaifir de leur ennemi commun.

Cela confideré on propofe à leurs Excellences que ce qu'on peut faire en faveur des Eglifes de France confifte en deux chofes l'une comprend les conceffions qu'il eft neceffaire de requerir: l'autre concerne les fûretez qu'il eft neceflaire de prendre.

Il y à trois chofes à demander à l'egard des conceffions: premierement ce qui re garde la Religion; fecondement ce qui regarde la liberté des perfonnes; en troifieme lieu ce qui regarde les biens.

A l'égard de la Religion, il eft à fouhaiter qu'on puifle la retablir dans toute l'etendüe de fa liberté, fans limitation, ni contrainte qui faffe peine à la confcience; foit à l'égard de fes exercices, & des lieux où ils peuvent fe faire & des perfonnes qui y prefident & y fervent ; foit à l'égard des Echoles, des Affemblées Ecclefiaftiques, des fonds & revenus necefZ 2

fai

faires, des fepultures, & generalement de toutes les autres chofes qui font des confequences naturelles & infeparables d'une Religion exercée fans empêche

ment.

Il feroit abfolument à fouhaitter qu'on pût obtenir cet article en fon entier, & que leurs Excellences trouvaffent bon d'y infifter. Mais fi la conjoncture des affaires, ou d'autres raifons qui ne peuvent être connües qu'à ceux qui voyent les chofes de près, ne permettent pas qu'on infifte fur cet article important & preferable à tous les autres; on ne peut fe reduire à moins qu'a demander une entiere liberté de Confcience: qui emporte au moins ces confequences.

I. Que perfonne ne foit sujet à être recherché ni inquieté, fous pretexte d'avoir d'autres fentimens que ceux de l'Eglise Romaine, & de n'affifter point aux Ceremonies de fon culte, ni aux predications de fa doctrine.

II. Qu'on leur laiffe la liberté de prier Dieu dans leurs maisons, & d'y exercer les Actes de Religion qui leur font dictez par leur Confcience.

III. Qu'on laiffe aux Peres & aux Me

resa

res, en fon entier, le droit d'inftruire & d'elever leurs Enfans, ainfi qu'ils le trouvent bon, & de nommer par Teftament où autre Acte de Juftice, telle perfonne qu'il leur plairra, pour avoir le foin defdits Enfans, s'ils font laiffez Mineurs au temps de la mort de Pere & de Mere.

IV. Que dans les mariages & Baptêmes on ne les contraigne à rien en quoi leur Confcience ne leur permette pas de fe conformer à la pratique des Catholiques.

V. Que dans leurs maladies, ils ne foient point vifitez par les Moines, Curez, Miffionnaires, & autres fervans à l'Eglife Romaine, fous quelque pretexte que ce foit, & qu'on permette même qu'il y ait des perfonnnes, qui aiant été reçus Miniftres ailleurs & étant de naiflance ou d'origine Françoife puiffent fans bruit & fans affemblées nombreuses les vifiter, inftruire & confoler, felon leurs befoins.

VI. Qu'on ne leur refufe point les droits d'une fepulture fimple, fans ceremonies & fans-parade.

VII. Qu'il leur foit permis d'habiter indifferemment en quelque lieu du Roiau. me que ce foit, fans que pour les en exclurre, on fe puiffe fervir du pretexte de la Religion. Z3 VIII.

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