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Plus de fept cens Eglifes, entre lef quelles il y en avoit qui comptoient plus de dix mille Communians, ont été detruites l'uné après l'autre, par trente ans de chicanes, & enfin éteintes par la revocation de l'Edit le plus folennel qui ait jamais été publié; & qui portoit lui même la promeffe & l'affurance d'être perpetüel & irrevocable.

Par cette revocation plus d'un million de perfonnes non feulement ont été privées de tout exercice de Religion; d'inftruction dans leur enfance, de confeil dans les embarras qu'on leur fufcite, de consolation dans leurs maladies: mais la plupart ont été contraintes de promettre, par leurs fignatures, d'adherer au culte & aux erreurs de l'Eglife Romaine; les autres ont abandonné le Royaume, ou en ont été chaffez, & n'ont trouvé de fubfiftance & de confolation que dans le charitable accueil qui leur à été fait par les Prote ftans étrangers.

La plupart de ceux qui avoient cedé d'abord à la violence, aïant voulu se rètever de leur chute, les uns ont été tranfportez dans les colonies Françoises de l'Amerique où on les à reduits à l'efcla

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vage: les autres ont été mis dans des Convents & dans des prifons, où il s'en trouve actuellement encore plufieurs centaines, de l'un & de l'autre Sexe: les autres ont été condamnez aux Galeres, fans avoir égard ni à l'age, ni à la qualité des perfonnes, & quoi qu'il en foit mort plufieurs des premiers, condamnez à cette peine, entre lefquels il y en avoit même plufieurs qui n'avoient jamais affifté ni promis d'affifter à la Meffe, le nombre ne laiffe pas d'en être encore très grand, parce qu'on y condamne de jour en jour d'autres perfonnes, fous divers pretextes, pour tâcher de perfuader qu'ils font coupables de quelque autre crime, que de ne vouloir point vivre dans la communion Romaine,

A l'égard de ceux que la crainte & l'in◄ firmité ont empêchez de donner des marques certaines de leur repentir, on les traitte toûjours comme des perfonnes fufpectes; & dans cette penfée quis font Reformez dans le cœur, on leur fait mille vexations. Tantôt on les contraint par menaces ou amandes d'aller à la Meffe; tantôt on leur enleve leurs Enfans, de peur qu'ils ne les inftruisent dans la Religion Reformée: & on les met dans des

maisons instituées exprès, pour y mettre ces Enfans, ces maifons font même entretenües aux depens des Peres & Meres qui ont dequoi païer de bonnes penfions. Car pour les Enfans des pauvres on ne les y reçoit point; mais on contraint leurs Peres & Meres, par toute forte de rigueurs de les envoyer aux Catechismes & aux exercices de la Religion Ro

maine.

Ces pauvres perfecutez font forcez par la crainte des peines, à porter leurs Enfans aux Prêtres de l'Egl. Rom. pour les baptifer: de recevoir la benediction nuptiale par leur Miniftere, de fouffrir que les Prêtres & les Moines les vifitent dans leurs maladies: & en toutes ces occafions on les contraint à un grand nombre de chofes qui font fremir leurs Confciences, & les accablent de douleur; fi même à l'article de la mort ils font paroitre leur repentante avec un peu d'cclat on prive leurs enfans & leurs héritiers de la fucceffion. Ainfi on met les peres dans la neceffité de faire en mourant un acte de Religion contre leur confcience ou de ruiner leur famille. On leur fait païer tous les droits de fepulture felon

l'ufage

l'ufage de l'Eglife Romaine, quoi qu'on refufe de les enterrer dans les Cimetieres : on eft obligé d'acheter la permiffion de les enterrer dans une cave, ou dans un jardin; & quoiqu'on ne les prive pas à prefent abfolument de la fepulture, on les prive au moins de tout ce qu'on appelle les honneurs en cette occafion, comme s'il y avoit dans leur mort quelque chofe de contagieux ou d'infame.

Pour ceux qui font fortis du Royaume, ne pouvant pas exercer de violence fur leurs perfonnes, on leur fait au moins tout le mal qu'on leur peut faire, en les privant de leurs biens, dont on a difpofé en plufieurs maniéres qui font toutes également à leur dommage: & on les traitte tous de la même maniere, fans diftin&tion, foit les Miniftres qui ont eu, par l'Edit même de revocation de celui de Nantes, la permiffion de fe retirer; foit les Con feffeurs qui aïant perfeveré dans la Doctrine Chrêtienne Reformée durant deux ans en plufieurs prisons, ont été conduits hors du Royaume, par ordre exprès du Roi; foit ceux qui, par divers moiens, ont eu le bonheur de furmonter les obftacles qui leur fermoient les paffages, & de fe refugier chez les Etrangers.

Cet

Cet état d'un million de perfonnes eft digne de la compaffion des Souverains qui ont la connoiffance de la verité. Mais outre la compaffion, un autre motif les y oblige; & c'eft la feconde chofe qu'on doit leur remettre devant les yeux.

L'Interêt commun de tous les Etats Proteftants eft d'empêcher les progrés de la Religion Romaine. Il eft certain que les Chefs de cette Religion tendent à ruiner les Proteftans en general, premierement pour tenir leurs confciences fous le joug d'une fervitude spirituelle, dont ils favent bien tirer leurs avantages temporels; fecondement pour s'emparer des biens fecularifez, qui augmenteroient beaucoup leurs richelles, s'ils pouvoient y remettre la main, ce qui ruineroit les Souverains, & les Peuples a qui ces biens étant confervez dans le commerce civil, appor tent de grandes utilitez.

Les Etats Proteftans ont donc un veritable interêt à s'opposer à l'accroiffement de cette Puiffance, qui ne peut s'etendre qu'à leur prejudice: & comme à mesure qu'elle detruit la Religion Proteftante dans un lieu, elle la refferre de plus en plus dans les autres, & acquiert un nouveau degré

de

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