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Lettre de MONSIEUR, Régent de France, au général CHARette.

Enfin, monsieur, j'ai trouvé le moyen que je désirais tant je puis communiquer directement avec vous; je puis vous parler de mon admiration, de ma reconnaissance, du desir ardent que j'ai de vous joindre, de partager vos périls et votre gloire; je le remplirai, dût-il m'en coûter tout mon sang. Mais, en attendant ce moment heureux, le concert avec celui que ses exploits rendent le second fondateur de la monarchie et celui que sa naissance appelle à la gouverner, sera de la plus grande importance. Personne, mieux que vous ne connaît l'utilité des démarches que je puis faire relativement à l'intérieur. Vous penserez, sans doute, qu'il est bon que ma voix se fasse entendre partout où l'on est armé pour Dieu et le Roi. C'est à vous à m'éclairer sur les moyens d'y parvenir. Je confie cependant à votre prudence l'expression d'un sentiment que je ne puis plus retenir, à présent que je puis parler moi-même à vos braves compagnons d'armes. Si cette lettre est assez heureuse pour vous parvenir à la veille d'une affaire, donnez pour mot d'ordre St.-Louis; ralliement, le Roi et la Régence. Je commencerai à être parmi vous, le jour où mon nom sera associé à un de vos triomphes.

Signé, LOUIS-STANISLAS-XAVIER

A Vérone, ce 1er février 1795.

Réponse de CHARETTE, à MONSIEUR.

MONSEIGNEUR,

La lettre dont votre altesse royale vient de m'honorer, transporte mon âme. Quoi! j'aurais le bonheur de vous voir, de combattre sous vous pour la plus belle des causes! Je lui ai sacrifié mon sang; approuvé, encouragé d'un grand prince, avec quelle ardeur j'en verserais la dernière goutte pour la faire triompher: mes travaux militaires et politiques, mes vœux sont d'atteindre à ce but. Peut-être, monseigneur, a-t-on essayé de jeter des ombres sur quelqu'une de mes démarches? peut-être a-t-on donné une interprétation étrangère à leur vrai motif; mais si je rentre en moi-même, je retrouve au fond de mon cœur cet honneur des vrais chevaliers francais, qui ne s'effacera jamais; cet honneur qui fut toujours mon guide, qui me conduisit quelquefois aux champs de la victoire; je retrouve en caractère de feu cet attachement inaltérable que j'ai voué à l'illustre sang des Bourbons. Fort de ma conscience, je dirai à mes censeurs : « Politiques pro

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fonds, vous qui n'avez jamais connu les lois de la nécessité, qui jugez sur les apparences, venez apprendre les circonstances impérieuses qui m'ont déterminé, ainsi que mes braves compagnons d'armes; venez peser l'avantage qui en peut résulter pour nos succès sous tous ces rapa ports. Si au lieu d'entreprises trop décousues,

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les parties sont mieux liées; s'il y a plus d'ensemble dans les opérations, ne doit-on pas espérer que celles-ci en seront plus efficaces? Puisse cet espoir se réaliser. Combien les mots d'ordre et de ralliement, que votre altesse royale indique, sont encourageans et faits pour conduire. Ils furent ma devise dès le principe, et je ne les oublierai de ma vie.

Je suis, Monseigneur, etc.

Lettre du Roi (LOUIS XVIII), à CHARETTE.

A Vérone, le 8 juillet 1795.

J'ai reçu, monsieur, avec un plaisir que vous pouvez vous figurer, le témoignage de votre attachement; celui de votre fidélité m'était inutile; et je ne mériterais pas d'être servi par vous et vos braves compagnons d'armes, si j'avais eu le moindre doute à cet égard.

La providence m'a placé sur le trône : le premier et le plus digne usage que je puisse faire de mon autorité, est de confier un titre légal au commandement que vous ne devez, jusqu'à présent, qu'à votre courage, à vos exploits, et à la confiance de mes braves et fidèles sujets. Je vous nomme donc général de mon armée catholique et royale. En vous obéissant, c'est à moi-même qu'elle obéira. Je n'ai pas encore pu vous apprendre que je vous avais nommé lieutenant-général au mois de juillet 1794.

Mais ce n'est pas seulement les armes à la main que vous pouvez me servir. Un de mes premiers devoirs est de parler à mes sujets, d'encourager les bons, de rassurer les timides; tel est l'objet de la déclaration que je vous envoie et que je vous charge de publier. Je ne pouvais la confier à personne qui pût y donner plus de poids que vous. Il est cependant possible que votre trève avec les rebelles subsiste encore, lorsque cette déclaration vous parviendra; alors il serait peut-être imprudent que vous la publiassiez vous-même; mais dans ce cas mème, je pense que vous êtes toujours plus à portée que tout autre de la faire circuler dans tout mon royaume. Si, au contraire, vous avez repris les armes, rien ne doit retarder une publication aussi essentielle.

Je travaille de tout mon pouvoir à hâter le moment où, réuni avec vous, je pourrai vous montrer en moi un souverain qui fait sa gloire de sa reconnaissance envers vous; et à mes sujets, bien moins un roi qu'un père. Je me flattais que l'Angleterre allait enfin vous amener mon frère, mais ce moment me paraît plus incertain que jamais. N'importe; plus les obstacles sont grands, plus je mettrai d'activité à les vaincre ; et je les vaincrai.

Continuez, monsieur, à me servir comme vous avez servi mon prédécesseur; et croyez que si quelque chose peut m'alléger le fardeau que la providence m'ordonne de porter, c'est d'être destiné, par cette même providence, à récompen

ser les plus grands services qu'un roi ait jamais

reçus.

Signé, Louis.

II Lettre du Roi à CHarette.

18 Septembre 1795...

Vous affermissez les sentimens que je vous ai témoignés dans mes précédentes, et redoublez, s'il est possible, le desir d'être à la tête de mes armées catholiques et royales, et de combattre à côté de vous, leur digne général, pour rendre le bonheur à mes sujets. J'espère qu'en ce moment mon frère, plus heureux que moi, jouit de cette gloire. Vous savez sans doute, par lui, que la malheureuse affaire de Quiberon, mais surtout la paix d'Espagne, rendent les secours de l'Angleterre bien moins considérables que nous n'avions lieu de l'espérer. Ce contre-temps, loin de me rebuter, n'est pour moi qu'une preuve de plus que la providence veut que je ne doive ma couronne qu'à mes braves sujets; mais je vous le dis avec effusion de cœur : c'est bien plus à leur amour qu'à leur valeur que je voudrais la devoir. J'ai vu avec plaisir dans votre lettre, que vous travaillez à faire connaître l'expression de mes sentimens dans les provinces de mon royaume, soumises au joug des rebelles. Je desire aussi vous voir étendre vos négociations le plus loin possible, et que vous m'en fassiez connaître les progrès, afin que j'y proportionne mes démarches; mais ce que je de

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