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DE CHARETTE,

ET AUTRES PIÈCES TROUVÉES DANs le portefeuille de ce général
VENDÉEN, OU SAISIES A DIFFÉRENTES ÉPOQUES.

Lettre d'un Agent royaliste dans l'intérieur(“).

Ce 23 novembre 1794.

Leś minutes sont chères et les secondes dispa

raissent avant la fin dé l'éclair.

De grands malheurs nous sont arrivés, il n'est plus, mais il faut avouer aussi que la parcimonie est impardonnable; où il fallait de l'or, à peine avait-on du vieux linge. Ce n'est pas ainsi qu'on traite une grande affaire et des affaires aussi majeures. Que nos fautes nous servent, qu'elles nous donnent de l'expérience. Âu fait, un autre acteur doit ici remplacer ce que l'assassinat politique vient de nous enlever, car il est mort renversé à la convention par ceux-là mêmes qui craignaient qu'il ne parlát: nos amis l'ont tué. C'est moi qui vous le dis, le Français a peur de la guillotine ; et je vous promets que si les scélérats avaient de l'esprit, et qu'ils la remissent en jeu, il n'y aurait plus même

(*) On ne connaît pas la personne à qui cette lettre et la suivante sont adressées, ni comment elles se trouvaient dans le portefeuille de Charette.

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d'espoir d'approcher du diable. Il fallait engager, compromettre davantage ceux qui pouvaient et voulaient nous servir; pardon, mille fois pardon : mais il faut arriver là, ou jamais nous ne ferons rien. C'est là l'art, le grand art de la politique. II faut donc que ce qui nous manque soit remplacé par un caractère chaud, qui ait des moyens, de l'esprit, du nerf, qui ne craigne pas la mort et qui puisse remuer les deux partis. Eh bien! avant que ma tête tombe, cet homme sera trouvé : pensez, réfléchissez à ce que je vous dis, cela est plus essentiel que vous ne croyez ; nous sommes bien pauvres de ce côté là, et la partie de la politique dans l'intérieur est ce à quoi on devait le plus s'attacher. J'ai un trésor en ce genre ; vous avez de l'expérience, beaucoup d'esprit, ne laissez pas échapper ce que je vous indique. Je puis périr d'un moment à l'autre; ainsi, que le roi profite du dernier service d'un loyal chevalier. Celui qui vous fait passer ma lettre vous dira par l'autre courrier de qui je veux parler.

Vous devez avoir reçu le 31, une lettre par laquelle vous auriez dû sentir qu'il est indispensable de changer tous vos chiffres, toutes vos directions.

Abordons les démarches pressantes, essentielles à faire pour le moment, au moins celles que je crois indispensables.

Vous avez raison en tout; il vaudrait mieux être en enfer que d'être ministre d'un roi qui, lors

qu'il a bien écouté, ne finit que par faire ce qu'il veut, et qui en outre est dépourvu de moyens. Cependant, permettez que je vous observe que vous pouvez être ailleurs plus utile, et voici ce que je soumets à S. M. par votre ministère.

L'Espagne m'avait fait assurer, sur sa parole d'honneur, au mois d'avril, que Monsieur (Louis XVII vivait encore,) serait reçu en Espagne, par la Méditerranée, viendrait par terre et qu'on le conduirait sur les côtes de France; j'envoyais ce plan à Cha.............. J'avais établi cette correspondance par Paris et Rennes où j'étais. L'infâme Espagne, informée, nous a trahi sans pudeur, lors même qu'elle me recommandait de me méfier de l'Anglais.

Maintenant la scène a changé, nous ne pouvons plus transporter Louis XVIII, ainsi qu'on eût peut-être pu faire de MONSIEUR. Ce sont, en politique, deux personnages bien différens, que les Kaunits, Chatam et autres épient avec une scrupuleuse attention: il fallait il y a un an, et même avant, profiter de la Méditerranée. Ainsi donc, il faut rester à Vérone; il n'y a plus de remède, mais pour y profiter avec adresse des orages politiques qui ne sont que faibles encore.

Si vous arrivez à Londres, sollicitez-y le voyage du roi, son embarquement sur des vaisseaux anglais ou russes; la triple alliance est signée. Occasion de voir MONSIEUR, de lui dire à l'oreille qu'il faut qu'il fasse comme nous; qu'il aborde à tel

prix que ce soit sur les côtes de Bretagne, pour gagner la Vendée, chose facile : l'honneur des Bourbons en dépend. Pendant ce temps, M. le prince de Bourbon entrera seul par les défilés du Dauphiné, ou de la Suisse, se rendra chez Stofflet; là, il est au milieu de nous; les périls ne peuvent arrêter nos princes. Faites établir une caisse à Paris, par Pitt, avant qu'il se doute de la démarche du prince de Bourbon, qui doit être bien secrète. L'Anglais adroitement trompé, il est temps de le jouer à son tour, se trouvera comprimé entre la nécessité d'achever ce qui est commencé, et le mouvement de la Hollande, qui sera sérieux sous peu de temps. La Prusse sera pour nous, parce que Guillaume aura touché des ducats; profitons du moment, des circonstances: vous savez que ce n'est pas Georges qui règne que c'est Pitt: que l'on se garde bien de se livrer à cet homme. Je crois qu'il desirerait voir le roi en Hanovre ou en Angleterre, mais sous tous les rapports, je resterais à Vérone. Partez, M. partez; que le roi ordonne au prince de Bourbon de rejoindre Stofflet par la France (il est encore en paix); qu'il écrive à M. de Percet, par la côte de Bretagne, seul et sans cette nuée d'inutiles imprimés un mois d'avance; faites établir une caisse à Paris, sans laquelle votre correspondance et vos efforts ne peuvent procurer aucuns résultats, et faites passer à tous les chefs de l'armée catholique de Bretagne, un ordre du roi de reconnaître pour

chefs principaux Charette et Stofflet; les habitans de la Bretagne, du Maine, de la Normandie, les desirent; il n'y a que les intrigans qui les craignent, mais à l'ordre formel et nécessaire on y obéira; qu'on sache commander, on sera obéi; rappelez-vous que... s'il avait su punir, il aurait su régner.

Vous reconnaîtrez à Londres, que Puisaye est l'homme de Pitt; j'en suis fâché, mais cela est à craindre. Cependant mettez-vous en garde contre ses ennemis, ils outrent ses torts; il a du mérite, beaucoup de talens, nous en avons besoin; et malgré son fédéralisme, je le crois pur royaliste, mais il faut le mettre auprès de Charette, cela est bien essentiel. Qui mieux que moi connaît le défaut de la cuirasse. Agissez vite, il n'y a pas un instant à perdre.

Je vous parlerai dans mon premier numéro, des monarchiens, du jeu infâme qu'ils ont joué ici, de la crainte que nous devons avoir de cette race jacobinaire; et d'autres détails intéressans.

Voilà ce que par votre ministère et en réponse de la vôtre du 28 octobre, je vous prie de soumettre aux volontés de S. M.

Je me nomme Georges, à Paris.

AU MÊME.

Le 24 novembre 1794.

LES écritures sont dangereuses, je le sais ; cependant, il faut que quelqu'un fasse des efforts;

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