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pérance que la vertu triomphera enfin du crime, et que l'ordre étant rétabli, vous jouirez du fruit de vos travaux. - Ce sont les vœux que les émigrés de cet arrondissement, et certainement ceux de tous les autres, forment pour votre altesse royale, et pour les princes ses fils, qui se montrent si dignes de vous, monseigneur, par le sacrifice qu'ils font d'une épée, à laquelle la main dont ils l'ont reçue, donne une valeur inappréciable.

Ils me font trop d'honneur de vouloir en recevoir une de moi; j'obéis à leurs ordres, en chargeant le prince de Revel de leur présenter la mienne. Elle ne peut avoir de prix que par le cri de vive le roi, gravé sur la lame, et qui l'est bien plus profondément dans mon cœur.

J'ai l'honneur d'être, etc.

Signé, DE BROgliz.

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N° V.

Autre lettre de M. le Maréchal DE BROGLIE, à Monseigneur le Duc D'ANGOULÊME.

Monseigneur,

Dusseldorff, 18 janvier 1794.

Je sens tout le prix de la marque si flatteuse d'estime qu'il vous plaît de me donner, et j'ose vous supplier d'agréer les témoignages de la vive reconnaissance que je ressens, d'une faveur aussi distinguée. L'épée que monseigneur le duc d'Angoulême exige que je lui offre, et que mon fils aura l'honneur de lui présenter, serait devenue bientôt inutile dans mes mains. Elle sera, monseigneur, dans les vôtres, terrible aux ennemis de Dieu et du roi, et contribuera au rétablissement des autels et du trône. L'espoir que je conçois ne sera pas vain; car, quel succès ne doiton pas attendre lorsque, pour une si juste cause, monsei

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gneur le comte d'Artois combattra, ayant à ses côtés ses illustres enfans? Daignez alors, monseigneur, permettre au prince de Revel de vous suivre dans la carrière de l'honneur, de partager vos périls et d'être témoin de votre gloire.

N° VI.

Réponse de Nosseigneurs les Evêques de Bayeux, de Dot, de Treguier, réfugiés à Jersey, à Milord BELEARE, commandant en chef dans ladite ile.

Le clergé français actuellement résidant à Jersey, est on ne peut plus sensible à l'attention de M. le commandant en chef, c'est une preuve et une suite de cette bienveillance singulière dont il l'honore, ainsi que son prédécesseur; et dont il sent tout le prix; mais il en attend une nouvelle marque, dans la position où il se trouve; c'est de vouloir bien peser dans sa justice et sa sagesse les raisons qui l'empêchent de se porter à ce qu'on paraît exiger de lui : raisons d'autorité, raisons de convenance. Le clergé n'en fera point valoir d'autres auprès de M. le commandant, et il se flatte qu'elles feront d'autant plus d'impression sur son esprit, que personne ne connaît mieux que lui, et le respect qu'on doit à l'autorité des lois, et les égards que mérite la convenance.

Raisons d'autorité.

C'est une loi de discipline générale dans l'église, et sur ce point, comme en matière de dogme, nous la croyons assistée de l'esprit saint, que le clergé séculier ni régulier ne peut prendre parti dans la milice. C'est la disposition du septième canon du concile de Chalcédoine, en 451, et ce concile est du nombre de ceux que nous regardons comme œcuméniques. S'il y avait une circonstance où l'on pût

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s'écarter de cette loi générale, ce serait sans contredit celle où M. le commandant représente l'ile de Jersey, et pour les motifs qu'il expose avec un intérêt si vif et si touchant; mais cette circonstance, toute fâcheuse qu'elle est, n'est pas encore si pressante que celle où se trouve une ville e assiégée et dans cette supposition, l'église est si jalouse de Ja sainteté des fonctions de ses ministres, elle a tant d'horreur de l'effusion du sang humain, qu'elle ne leur permet pas de combattre. C'est un statut porté dans le concile de Séville en Espagne, en 529, statut adopté et renouvelé mot à mot dans le troisième concile général de Latran, sous Innocent III; et si quelqu'un avait la témérité de le faire, le même concile ordonne qu'il soit privé pendant deux ans de son office et de la communion, et qu'en le rétablissant dans l'un et dans l'autre, il ne soit jamais promu ni élevé à des places supérieures.

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Le clergé doit donc regarder le port d'armes comme lui étant absolument défendu et interdit, sous quelque prétexte que ce soit. C'est la conséquence que tire un concile de Londres, en 1268, canon quatrième. Le même, concile pe lui laisse d'autres armes que la prière et les larmes; et cette armure spirituelle dont parle Saint-Paul, a l'espérance du salut pour casque, l'amour de la justice pour cuirasse, la parole de Dieu pour glaive, la foi pour bouclier, et des pieds toujours prêts à marcher pour porter partout l'Evangile de paix.

Mais s'il s'agissait de sa propre conservation, ne pourrait-on point au moins alors repousser la force par la force ? Le concile de Trente a encore prévu ces cas, section 14, chapitre 7, de reformatione, et dans ce cas même, il veut que le clerc qui a commis l'homicide à son corps défendant, se regarde et se comporte comme irrégulier, parce qu'il est difficile de ne pas excéder les bornes d'une juste défense, et il ordonne que la cause sera commise à l'ordinaire du lieu,

afin que après avoir tout examiné mûrement, il lui accorde la dispense. En France, nous croyons qu'il serait plus sûr de s'adresser au souverain pontife.

On convient que Clément V a modéré en quelques points la rigueur de l'ancien droit sur l'homicide; mais dans tous ces adoucissemens, il n'en est aucun qui déroge, par rapport aux ecclésiastiques, aux lois qu'on vient de citer, e elles subsistent dans toute leur force.

Raisons de convenance.

Quand il serait permis aux ecclésiastiques, dans la circonstance, de prendre les armes, tout ce qui est permis, n'est pas toujours expédient. C'est une maxime de SaintPaul, aussi sage qu'équitable; et la raison même y souscrit.

Il est inoui jusqu'à présent, que le clergé en corps se soit jamais armé pour la défense commune. On vient de voir en Flandre plusieurs villes assiégées par' les patriotes, et nous n'apercevons point que les ecclésiastiques qui s'y trouvaient enfermés en grand nombre, aient pris les armes; qu'on les y ait même invités. Conviendrait-il à ceux qui sont à Jersey d'en donner et d'en offrir le premier exemple? On a vu en France plusieurs jureurs et des intrus, après avoir quitté les livrées de Jésus-Christ, se revêtir de l'habit national, se mettre à la tête des compagnies, les former au maniement des armes, voler aux frontières, et par là, mettre le comble à leurs scandales, déjà trop multipliés. Quel reproche n'aurions-nous pas à leur faire ! et quoique la cause soit bien différente, notre conduite ne leur servirait-elle pas d'excuse?

Le clergé connaît et a éprouvé toute la fureur, et tout l'acharnement de ses compatriotes; mais en lui mettant les armes à la main contre eux, serait-ce le moyen de les adoucir, et de leur inspirer pour lui des sentimens, je ne dirai pas plus chrétiens, puisqu'ils font profession de ne

l'être plus, mais moins féroces et plus humains? Leur haine contre le clergé en est venue au point que, pour nous rendre plus odieux dans l'esprit des peuples, ils ont eu l'impudence d'avancer et de répandre que plusieurs ecclésiastiques, à qui cette ile a offert un asile, s'étaient rendus à l'armée de la Vendée, et portaient les armes contre eux. Notre armement dans la circonstance, serait-il bien propre à détruire et à confondre la calomnie, ou plutôt ne servirait-il pas à l'accréditer ?

Si la persécution contre nous, ne doit cesser que par la fatale guillotine et de la main du bourreau, nous avons sous les yeux de grands exemples dans toutes les classes du clergé; et après tous les sacrifices que nous avons faits à notre foi, s'il ne faut plus que celui de notre vie, nous espérons de la bonté de Dieu qu'il nous fera la grâce de le faire.

Il n'y a que des raisons aussi fortes et aussi pressantes, qui puissent nous empêcher de nous rendre au desir de M. le commandant; et il peut compter d'ailleurs, en cas de besoin, sur toutes les fonctions de zèle et de charité qui pourront dépendre de nous, et qui n'auront rien d'opposé aux règles de l'église et à l'esprit de douceur, qui est proprement celui de notre saint état; comme de porter des vivres, soigner les malades et les blessés. On peut se distinguer en plus d'une manière s'il nous est défendu de mourir les armes à la main, il nous est très permis, et nous nous ferons gloire de montrer, que nous savons mourir victimes du zèle et de la charité. A Jersey, le 1". mai 1794. Signé par les évêques de Bayeux, de Dol et de Treguier.

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