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lui fit lire par le greffier l'acte d'accusation. Elle fut condamnée, après six jours d'audience, comme coupable d'avoir coopéré à différentes manœuvres contre la liberté de la nation; d'avoir entretenu une correspondance avec les ennemis de la France; d'avoir participé à un complot tendant à allumer la guerre civile dans l'intérieur de la république, et å armer les citoyens les uns contre les autres. Dès que cette sentence fut prononcée, la reine baissa les yeux, et ne les leva plus. Le président lui demanda: N'avez-vous rien à opposer à cette détermination de la loi? Rien, dit-elle. Et vous, qui vous êtes officieusement chargés de sa défense? Ils répondirent: Notre mission est remplie à l'égard de la veuve Capet. Le 16 à 11 heures et demie, la fatale hache termina la destinée lamentable de cette princesse. L'infâme Chaumette avait conçu le détestable projet d'arracher contre la reine une déposition de son propre fils. Il voulait même le faire paraître devant le tribunal, après l'avoir enivré; mais la commune de Paris n'a pas osé porter aussi loin l'imposture.

Le 16 octobre, je fus m'inscrire chez M. du Dresnai, qui arriva le 13 au soir d'Angleterre, avec la permission de S. M. B. de lever un corps d'émigrés, qui auraient, du gouvernement anglais, un schelling par jour. Depuis le 25 juillet dernier, le même gouvernement nous donnait 12 sols par jour; ce qui suffisait à peine pour vivre. M. du Dresnai établit alors une correspondance avec les

royalistes de France, et tous les 8 ou 15 jours, il faisait partir un bateau pour les côtes de France. Nouvelles de Paris. - Foucher (de Nantes), représentant du peuple du département de la Nièvre, a fait, au nom de la nation française, une loi qui contient 8 articles, par laquelle il est défendu d'exercer aucun culte, autre part que dans les temples, et ordonne que tous signes de religion seront détruits dans tous les lieux publics. L'article 5 veut qu'il n'y ait qu'un seul lieu commun, pour déposer les cendres des morts, et qu'on n'y trouve que des arbres, et une statue représentant le sommeil. Par le 6° article, il y aura sur la porte cette inscription: La mort est un sommeil éternel. Cependant, en niant l'immortalité de l'âme et une vie future, il anéantit toute religion, pour y substituer le théïsme, ou plutôt l'athéïsme.

« A la séance du 10 novembre, la section des Sans-Culottes déclara à la barre, qu'elle ne voulait plus de prêtres : elle demanda la suppression totale de leurs salaires; une nombreuse procession défila dans la salle, au son d'une musique nationale. Une jeune femme de la plus belle figure, vêtue de la robe de la liberté, s'avança et se plaça devant le président. Chaumette prononça un discours, dans lequel il dit, que le fanatisme fait place à la vérité, que les voûtes gothiques ne retentiront plus de mensonges. Vous voyez que nous n'avons pas pris pour nos fêtes, ajouta-t-il, des idoles inanimées : e'est un chef-d'œuvre de la nature que nous avons

couvert des vêtemens de la liberté. Le peuple n'a qu'un cri: Plus d'autels! plus de prêtres! plus d'autre Dieu que le Dieu de la nature! On demanda que la ci-devant église de Notre-Dame, fût changée en un temple consacré à la Raison et à la Vérité. Cette proposition, convertie en motion, fut décrétée.

« L'armée du prince de Condé s'est couverte de gloire dans l'affaire du 2 décembre; mais elle a beaucoup souffert. Dans la perte faite par les troupes de ligne, et les chevaliers de la couronne, on compte vingt-six gentilshommes tués, et cent vingt et un blessés, dont onze sont déjà morts. Elle a couru le danger de faire une perte irréparable dans la personne de son brave général, le prince de Condé; un obus vint s'amortir sous le ventre de son cheval, qui, effrayé, fit heureusement un écart qui sauva le prince. Le jeune duc d'Enghien montra beaucoup de valeur. Une pièce de canon prise et trois ou quatre coups de baïonnettes dans ses habits, attestent ses exploits; sans un chevalier de la couronne, il eût peut-être été tué par un cavalier qui avait le sabre levé pour lui fendre la tête. Le duc de Boubon fut blessé, mais heureusement sa blessure ne fut pas aussi fâcheuse qu'on le craignit d'abord; il n'eut que les tendons de deux doigts coupés. Le 8 et le 9, il y eut une action des plus vives contre l'aile droite de l'armée impériale; mais les patriotes furent mis en déroute, et chassés avec une perte considérable.

Dans la séance du 11, Hébert demanda aux jacobins pourquoi la sœur de Capet n'avait pas été jugée immédiatement après Antoinette.

⚫ (Janvier 1794). Depuis le mois de novembre dernier, on nous donnait ordre de nous tenir toujours prêts à partir pour la décente. Le 21 novembre nous fumes assemblés, près la première tour, pour former les compagnies, et on nous distribua ensuite les fusils. Le 25, les émigrés s'assemblèrent et on nomma les chefs des sections et des escouades, et les exercices furent réglés depuis dix heures du matin jusqu'à midi.

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Monseigneur le comte d'Artois écrivit, le 11 janvier, une lettre des plus flatteuses à M. de Broglie, en lui envoyant les médailles et diamans, et l'épée de son fils pour être vendus au profit des émigrés les plus nécessiteux (*).

• Le 25, il fut rendu une ordonnance par la cour de Londres, pour défendre aux ecclésiastiques romains d'essayer de faire des impressions sur l'esprit des habitans en matière de religion, et de porter atteinte aux principes de la religion protestante, heureusement établie dans cette ile; et pour leur défendre pareillement d'exercer leur religion d'une manière publique, contraire aux lois du pays.

« Le mai, les évêques réfugiés en l'île de Jersey firent une réponse à milord Beleare, commandant en chef, qui voulait armer les ecclésias

(*) Voyez, à la fin de ce Journal, les No III, IV et V.

tiques (*). Ils lui représentèrent et prouvèrent que, suivant toutes les règles et toutes les loix divines et humaines, ils ne devaient et ne pouvaient même pas prendre les armes. Ils lui démontrèrent également, qu'en bonne politique, ils ne pouvaient agir autrement, parce que ce serait donner une occasion favorable aux ennemis de la vraie religion, de publier que les ecclésiastiques ont pris les armes, sans dire qu'ils y ont été forcés; de crier plus fortement contre leur prétendu fanatisme, et de confirmer le peuple dans cette injuste opinion, qu'ils n'ont que trop calomnieusement répandue. Depuis le mois de février dernier, on faisait courir, de temps en temps, le bruit que les ecclésiastiques allaient être armés; que les émigrés en étaient cause, et qu'un avocat-général avait proposé à un prêtre de faire une adresse au nom de son corps, pour demander aux états de prendre les armes; que cet ecclésiastique lui demanda pour qui il le prenait; que l'avocat, voulant le séduire en flattant son amour-propre, répondit qu'il ne lui faisait cette proposition que parce qu'il le savait très capable de faire cette requête; et que, même personne ne l'était plus que lui: ce qu'il refusa nettement, en lui disant qu'aucun de ses confrères ne pouvait prendre les armes. Sur ce rcfus formel, on dit que l'avocat la fit lui-même en anglais, la fit traduire en français, pas trop correc

(*) Voyez, à la fin de ce Journal, le N° VI.

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