Page images
PDF
EPUB

tionnaires, outre-passeront les vues des cinq sires, et par vengeance, il les précipiteront du sommet du Capitole: ils saisiront les rênes vacillantes d'un gouvernement horriblement despotique. Pendant ce temps là, les armées, dénuées de tout, livrées à l'indiscipline, au sein du désordre, s'approvisionneront avec la pointe de la baïonnette, se rendront odieuses aux paysans. Plus occupées du soin de pourvoir à leurs besoins pressans, que de prendre des dispositions pour combattre et repousser les ennemis, les armées républicaines fraieront elles-mêmes, aux Autrichiens, le sentier de la victoire. Le corps législatif accusera, destituera le directoire : celui-ci rejettera tout l'odieux de la position déplorable, sur les scissions des deux chambres législatives. Ce sera un gâchis épouvantable!!!

DES VENDÉENS ET CHOUANS.

Que doivent faire les Vendéens et Chouans, dans l'état actuel des choses, et dans le cas où la France se trouverait dans la situation que je viens de supposer?

Les Vendéens, ayant éprouvé différentes fois le perfide machiavélisme de l'Angleterre, qui, lorsqu'elle les voyait trop puissans, leur retirait ses secours, ou lorsqu'elle les voyait trop épuisés ou dans l'impossibilité de faire une heureuse diversion favorable aux armées coalisées, les soutenait; les Vendéens, dis-je, doivent se maintenir bien

unis avec les Chouans, bien ménager leurs forces et leurs ressources, et les avoir tellement bien disponibles, qu'ils puissent s'entre-sccourir et s'entreaider pour porter, de temps à autre, un coup marquant, capable de rehausser et revivifier l'opinion royaliste; ne jamais engager d'affaire générale, se borner à harceler les républicains, leur faire une guerre de partisans; car ils doivent être convaincus que jamais la monarchie de nos ancêtres ne sera honorablement rétablie que par les Français, et que, dans le cas où les armées républicaines essuiraient une entière défection sur le Rhin, ce serait le moment où le directoire serait forcé de retirer, de la Vendée et de la Normandie, une partie des forces pour voler en Flandre, en Lorraine et en Alsace, et ce serait encore le moment propice pour déployer toutes les forces disponibles de la Vendée, et toute l'énergie de la chouanerie sccrètement organisée aux environs des armées des deux partis.

Nous estimons, vu les forces formidables de la coalition sur le Rhin, que cet événement aura lieu vers le mois de juin ou juillet. D'ici à cette époque, il faut mettre tout en usage pour approvisionner la Vendée et les Chouans, de vivres, armes et munitions. Il faut, pour cela, des fonds, et malheureusement, ce n'est pas chose aisée; l'emprunt forcé ayant presque épuisé toutes les ressources. Cependant nous proposons quatre moyens.

1° Une contrefaçon de rescriptions, lesquelles pourront être d'un grand produit, puisqu'elles ne perdent que 38 à 40 pour 100, à Paris, et en province, infiniment moins (aujourd'hui 13 mars, elles perdent 62 pour 100); observant de les faire vendre à bon compte aux particuliers des cam pagnes, pour le paiement de l'emprunt forcé et des contributions arriérées, dont la rentrée va être impérieusement ordonnée.

2° Si les assignats, par le timbre ou tout autre moyen, reprennent quelque valeur, ce qui est infaillible, lorsqu'ils seront raréfiés par diverses rentrées, ils mériteront encore les honneurs de la contrefaçon, pour avoir du numéraire.

3o Le fouillement de tous les courriers de malles et diligences, sur les sept routes du nord et du midi, tantôt à six, huit, dix, douze et quinze lieues de Paris: on y trouvera toujours, soit du numéraire, soit de bonnes rescriptions, soit des assignats, que nous convertirions ici qu ailleurs, en numéraire, et celui-ci, en poudres, munitions, armes, équipemens et habillemens.

4o Des bons royaux de différentes valeurs, depuis deux jusqu'à dix louis, en numéraire, ou même en blanc, remboursables sur le trésor royal, après le rétablisement de la monarchie; ils seraient signés d'un conseil militaire, confiés à une personne sûre, qui les distribuerait à celles qui voudraient contribuer au grand oeuvre, et en tiendrait compte. Les chefs de détachemens des armées

[ocr errors]

royales, pourront les donner aux acquéreurs de biens nationaux, en reconnaissance des contributions militaires qui leur seront imposées, observant, surtout, de les convaincre, que le roi les maintiendra dans leurs acquisitions, attendu qu'on a un autre moyen bien simple pour indemniser les émigrés et l'église, de la dépossession qu'ils éprouvent; leur dire même, que ce moyen consiste dans la redevance annuelle de huit à dix sols par arpent de terre, dont chaque seigneurie sera grevée envers son seigneur et son curé ou évêque, à titre de joyeux avénement.

ÉTAT ET ESPRIT DES ARMÉES RÉPUBLICAINES.

Il n'y a plus que les divers états-majors qui tiennent à la république. Le soldat républicain n'a jamais cessé d'être soldat français; sot, vaniteusement présomptueux, ne sachant pourquoi, ni pour qui il se bat, mais se battant parce qu'on lui dit qu'il y a de la gloire à se bien battre, n'importe pourquoi, et que les Autrichiens et les émigrés, vainqueurs, égorgeront tout le monde. Le soldat va donc en avant, parce que, vu la misère des campagnes, il est mieux nourri et habillé aux armées, qu'il ne le serait maintenant au sein de sa famille. Mais si dans la campagne qui va s'ouvrir, il éprouve un échec du calibre de celui de Mayence, la débandade sera complète; et je ne répondrais pas que les réquisitionnaires, conduits aux armées par la douloureuse pression des menottes,

ne se soulevassent et n'assassinassent leurs chefs et officiers. Peu et très peu de cavalerie fort mauvaise; des chevaux d'artillerie et d'équipage, mal nourris et très insuffisans: voilà l'état des armées républicaines. Encore un échec un peu majeur, elles ne pourront plus se ravitailler ni traîner avec elles les trains formidables d'artillerie, qui font tant d'illusion aux soldats et à l'officier révolutionnaire. La dissolution totale de l'armée du Rhin, entraîne indispensablement celle de la république. Les armées vendéennes, bretonnes et chouanes peuvent compter en toute sûreté sur cet événement, et doivent composer entre elles un corps d'armée d'élite, pour agir offensivement et venir fondre, avec la rapidité de l'éclair, sur le parti anarchiste qui, dans la débâcle, comme le plus audacieux, saisira les rênes flottantes du gouvernement directorial. C'est à cette armée de royalistes français, qu'est réservée la gloire de retirer le sceptre des Bourbons, de la fange ensanglantée où des Cannibales furieux l'ont jeté.

DES ASSIGNATS.

Malgré l'énorme rentrée que l'emprunt forcé a causé, ils n'en sont pas moins en discrédit. La véritable cause, c'est que ne circulant pas dans toutes les mains, ils viennent dans les grandes villes, et surtout à Paris, y fourmiller comme des atomes. Tous les spéculateurs sur l'étranger, tous les commerçans qui ne négocient plus qu'avec de

« PreviousContinue »