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la Galaisière. Je vous prierais aussi, mon cousin, de vouloir bien me rappeler aux souvenirs de mes anciens camarades, et de dire à d'Ambrine de ne pas m'envoyer encore ce qu'il m'avait promis. Je vous demande pardon de vous charger de mes commissions; mais je n'ai pu écrire qu'à vous. Malgré que je sois bien persuadé que vous n'en doutez pas, je prends toujours un nouveau plaisir à me dire, pour la vie, tout entier à vous, et à vous assurer du profond respect avec lequel j'ai l'honneur d'être, mon général, votre très humble et très obéissant serviteur,

Signé, Armand DE BEAUMONT.

Au château de la Verdi, le 16 avril 1796.

Lettre de M. DE GRANJON, à M. le marquis D'AUTICHAMP.

GÉNÉRAL,

Lassel, ce 3 mai 1796.

Je comptais avoir l'honneur de vous remettre en personne la lettre dont M. l'abbé Bernier m'avait chargé pour vous. Il aurait été bien intéressant que je vous entretinsse de vive voix, ne pouvant suppléer par le papier à tout ce que j'avais à vous communiquer; mais le zèle de M. de la Garde et son dévouement pour vous, vous en diront assez, pour vous déterminer sur le parti que vous avez à prendre. Je ne vous donnerai aucun détail sur le pays que j'habite; M. de la Garde l'a par

couru, et il a vu ainsi que moi, toutes les armées, les ressources qu'elles ont, les besoins qui les gênent et l'avantage qu'on pourrait tirer d'elles. Nous sommes loin de la perfection: mais on peut créer les moyens d'y arriver. La Bretagne offre un travail plus satisfaisant qu'ailleurs, quant à son organisation. Il faudrait un homme pour réparer les pertes de la Vendée, et la lettre de M. l'abbé Bernier vous indiquera celui que l'on souhaite avoir.

Le choix du pays, cet objet que vous avez toujours regardé comme indispensable, pour décider une démarche aussi importante que celle d'y aller commander, vous l'aurez unanimement; déjà je m'en suis ouvert à demi à différens chefs, qui tous sont entrés dans mes vues, sans que j'eusse l'air d'y être intéressé; ainsi, nous pourrons avoir le bonheur de vous posséder parmi nous; le pays en ressentira l'avantage, et nous, nous en goûterons la douceur. M. de la Garde ne vous cachera rien; sa franchise répugnerait sans doute à vous entraîner dans une entreprise trop hasardeuse; c'est donc d'après ce qu'il vous dira que vous arrêterez une résolution. Pour moi, mon général, qui n'ai en vue que votre conservation et votre gloire, je crois que c'est à la vérité seule à vous donner conseil, et M. de la Garde se fera un devoir de vous la mettre sous les yeux.

Si je veux vous parler d'un homme qu'on adore à la Vendée, je n'ai qu'à vous nommer monsieur

296 CORRESPONDANCE DE MM. D'AUTICHAMP.

votre neveu: il m'en coûtait beaucoup pour me séparer de lui, et ce n'était qu'au plaisir de vous revoir, que je faisais le sacrifice de ma séparation d'auprès d'un si aimable chef. Tous ces messieurs se portent à merveille; il ne se passe pas de jour que nous ne parlions de vous, et du bonheur d'en être rapprochés.

Le malheureux Rochette et M. de Buchet ont été tués. Nous restons encore quatre, pleins de santé: M. le chevalier de Beaumont, Kermartin, Lavincendière et moi. Nous partageons tous quatre les mêmes sentimens pour vous; et quant à moi, mon général, permettez que j'ose vous assurer que, jusqu'au dernier soupir, je ne cesserai, mon général, d'être, avec le dévouement le plus absolu et le plus respectueux, votre très humble et très obéissant serviteur, Signé, GRANJON.

FIN DE LA CORRESPONDANCE DE MM. D'AUTICHAMP.

DE CORMATIN,

ET AUTRES PIÈCES TROUVÉES DANS SON PORTefeuille, OU SAISIES A DIFFÉRENTES ÉPOQUES.

NOTICE sur M. le baron DE CORMATIN, major-général de l'armée catholique et royale de Bretagne, trouvée dans le portefeuille d'un chouan, en 1795,

M. le baron de Cormatin, qui fait aujourd'hui tant de bruit par le monde, et s'érige en protecteur de la Bretagne, n'est autre chose que Désotteux, fils de M. Désotteux, saigneur d'un petit village de la province de Bourgogne, c'est-à-dire, chirurgien de campagne, faisant même la barbe dans l'occasion, et coupant les cheveux très proprement. Son oncle, chirurgien-major au régiment du Roi, homme à talens, prit soin de son éducation, lui ôta des mains la lancette et les rasoirs paternels, lui ceignit l'épée ou côté, et conçut l'idée d'en faire un militaire.

Rose et Faber ont ainsi commencé.

Une occasion favorable se présente; l'oncle, chirurgien, venait de retirer d'une maladie dangereuse le baron et la baronne de Viomesnil. Pour prix de ses soins, il demande au baron, qui allait

partir pour l'Amérique, une place d'aide-decamp sous-lieutenant en faveur de son neveu.

Le baron de Viomesnil accorde par sentiment de reconnaissance, et fait expédier le brevet au jeune Désotteux, quoique ce fût contre les ordonnances d'alors.

Arrivé en Amérique, Désotteux se glisse chez les Lameth, s'étudie à gagner leur confiance, devient leur bas valet; ceux-ci étaient en faveur, et le jeune homme voulait percer.

La paix faite, Désotteux repasse en France à la suite des Lameth. Lié à leurs opinions, à leurs projets, à leur fortune, il dut nécessairement marcher sur leurs traces; aussi les accompagnait-il d'une manière servile, dans tous les sentiers de l'intrigue, tenant toujours dans ses mains le pan de leur habit, comme un fidèle caudataire.

A la révolution, les Lameth prennent parti contre la cour, qui les avait accablés de bienfaits, et gorgés de pensions : Désotteux déclame contre la cour. Les Lameth se font démagogues furieux, Désotteux se fait démagogue forcené. Les Lameth, unis aux Orléanistes, font marcher à Versailles, les 5 et 6 octobre, une partie de la garde nationale parisienne, précédée d'une troupe de femmes des halles, pour insulter Louis XVI, et le traîner de force à Paris. Désotteux, placé à l'avant-garde sous un habit de femme, se distingue dans cette brillante journée, et mérite les éloges des meneurs qui l'avaient préparée. Il avait, dit-on, au retour,

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