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les patriotes ne cessaient de nous jeter de temps en temps des boulets et des bombes, surtout le soir après souper, et le matin après le coup d'eaude-vie.

« La subordination ne régna pas beaucoup dans le camp parmi les gentilshommes de province, lorsque le bruit courut, que les princes allaient rejoindre le roi de Prusse : ils témoignèrent leurs mécontentemens, et murmurèrent beaucoup. Ils se déchaînèrent à haute voix contre les monarchiens qui entouraient Monsieur, accusé de l'être lui-même. Pour faire cesser tous ces murmures, le comte d'Artois se rendit au camp pour assurer les mécontens, et particulièrement les Bretons, qu'ils ne tarderaient pas à les suivre, et que des raisons très puissantes, qu'il ne pouvait déduire, les obligeaient à s'absenter, et à faire cette dé

marche.

de

« Le 20, d'Hettange à Beuviller. Le 21, Beuviller à Houdelancourt. Le 23, d'Houdelancourt jusqu'auprès d'Étain, où nous passâmes presque la demi-journée à attendre l'ordre, qui fut de nous rendre au bourg de Rouvré, éloigné d'une demilieue. En route, les aides-de-camp nous annoncèrent que le roi de Prusse tenait quarante mille patriotes enfermés dans un défilé; d'où ils ne pouvaient sortir sans être criblés; qu'en conséquence ils allaient mettre, ou ils avaient mis bas les armes. Pendant que nous fumes auprès d'Etain pour attendre l'ordre de nous rendre à Rouvré,

on répandit que Custine était en marche pour nous attaquer; en conséquence, le corps de la marine qui était sorti d'Etain par où nous devions passer également pour approcher de Verdun, reçut l'ordre de retourner sur ses pas.

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« Le 26, à Branviller en passant par Etain, petite ville assez jolie, où il y avait un district. Le à Houdainville, une lieue au delà de Verdun ; nous passâmes entre ses murs. Pendant notre séjour, une partie de la brigade d'Armagnac, dans laquelle était le bataillon breton, fut envoyée avec un détachement de Prussiens pour lever des vivres et des fourrages au bourg patriote de Dieu, qui en avait refusé.

Le 4, à Mogeville; le 6, auprès du bourg de Dieppe, où nous restâmes, depuis neuf heures du matin jusqu'à trois heures du soir, à attendre l'ordre pour aller à Verdun combattre contre les patriotes. Le général Clairfait nous demandait au roi de Prusse, qui lui refusa cette dernière ressource, en disant qu'il ne voulait pas exposer de si braves gens que les émigrés. Il lui avait demandé premièrement son artillerie, parce qu'il n'en avait pas assez, et en second lieu, sur son refus de lui donner son artillerie, de faire mettre son armée en bataille rangée; comme pour feindre de se battre et de le laisser ensuite avec ses autrichiens se démêler contre les patriotes qu'il avait promis de battre; mais tout lui fut refusé. Alors Clairfait se vit forcé de reculer et même de battre

en retraite; car les patriotes ne cessèrent de le poursuivre mais ils épargnèrent les Prussiens, leurs bons amis.

:

Le 10, de Mogeville pour Foamé : en y allant, on nous annonça que nous nous retirions décidément de dessus le territoire français. Le 13, à la Granville, d'où le 14 nous nous rendîmes contre les murs de Longwi; nous nous y arrêtâmes un quart d'heure auprès de la porte qui donne sur la grande route de Luxembourg; après le moment du repos, nous continuâmes notre marche, et à un quart de lieue plus loin, nous fimes, avec le plus grand regret notre sortie de France, pour nous rendre à Musson, où nous séjournâmes.

« Autant notre entrée en France avait été joyeuse et bruyante, autant notre sortie fut triste et déplorable. La consternation et la douleur étaient peintes sur presque tous les visages. Les murmures, les plaintes les plus amères et les invectives éclatèrent contre le roi de Prusse et son général Brunswick, qui avaient promis de livrer bataille aux patriotes le 27 ou 28 septembre, quelques jours avant notre départ de Verdun, après que les généraux autrichiens, et surtout Clairfait, ainsi que nos princes et nos généraux français, leur eurent prouvé d'une manière bien convaincante et bien évidente, la nécessité d'un combat, et le succès infaillible qui en résulterait; comme aussi la perpétuité inévitable des troubles de la France, et ses malheurs incalculables, si on ne le

livrait pas. L'on s'entretint des conférences que Brunswick avait eues avec Dumouriez ; des cris de vivent le roi de Prusse, Brunswick, les Prussiens et la nation! qu'on avait entendus dans l'armée patriote, à l'issue des conférences; des sommes d'argent que Dumouriez avait fait remettre, ou avait promis au roi de Prusse, et de l'espérance flatteuse qui avait été donnée au général de Brunswick, de le faire monter sur le trône de France; enfin qu'il se vendait, lui et ses troupes, comme avait fait son père; qu'il avait trompé les Liégeois, etc., etc.

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Le 16, de Musson à Burange. Le 17, à Archi par Arlon, où les émigrés qui se retirèrent, déposèrent leurs armes. Nous apprîmes que les soldats prussiens fouillaient les voitures des émigrés, volaient et pillaient leurs effets, et les dernières ressources qu'ils pouvaient avoir, dans une circonstance aussi désastreuse, et enfin ne voulaient plus nous recevoir dans l'électorat de Trèves.

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Lc 18, à Wittimont; le 19, séjour; le 20 à la Neuville, où nous apprîmes que nous allions dans le pays de Liége, et que le prince évêque voulait bien nous y recevoir. Nous restâmes à la Neuville le 21 pour ranimer notre courage, qui tombait par la tristesse et par la dyssenterie, qui se déclara parmi nous. Jusqu'à ce moment l'espoir de rentrer chez nous, nous avait fait supporter les fatigues et les peines, et il n'y avait eu que très peu de malades pendant la campagne.

Le 22, de la Neuville au village de la Vacherie; le 23, à Baillonville par Marche en Famine, petite ville avec de vieux murs. Le 24, à Senny, où nous séjournâmes six jours. Notre bataillon, ainsi que les autres, avaient beaucoup diminué, surtout depuis Arlon, et tous les jours il en partait. Plusieurs émigrés essayèrent de rentrer en France: mais dans ce temps les frontières étaient si garnies de patriotes (il y en avait dans tous les bourgs et tous les chemins) qu'ils furent forcés de retourner sur leurs pas. En outre, l'armée de Dumouriez nous suivait et marchait sur la même ligne que nous; mais sur le territoire français pour se rendre dans les Pays-Bas. Comme nous n'étions pas bien éloignés des patriotes, nous étions toujours sur nos gardes. On nous avertit un jour qu'un détachement avançait sur nous pour nous altaquer, et de nous tenir prêts. Nous étions disposés à les bien recevoir; mais ils ne se présentèpas. Le 29, la huitième compagnie bretonne, qui n'était inscrite que sur le contrôle du cantonnement d'Ath, fut inscrite sur celui du bataillon breton.

rent

pas

Le 31, de Senny à Huy. Comme je ne doutais de notre licenciement, vu que l'embarras de nos princes augmentait et que leur crédit baissait de jour en jour, l'emprunt qu'ils sollicitaient de la Hollande, et qu'on annonçait devoir s'effectuer, ne s'effectuant pas, je pris le parti, pour n'être pas présent, lors du licenciement qui me paraissait

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