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sire par dessus tout, c'est que vous continuïcz celles que je sais que vous avez déjà faites en Angleterre pour obtenir ma réunion avec mon frère et vous. De mon côté, je fais tout mon possible pour pouvoir au moins me mettre en chemin pour me rapprocher; mais comme d'Avaray vous l'a marqué dans ma lettre du.............. l'esprit de terreur ou de vertige qui a gagné la plupart des princes d'Allemagne, est cause que j'ai été forcé de recourir à l'empereur pour en obtenir un asile momentané.

Je travaille aussi à prolonger la guerre extérieure, que je regarde comme un mal nécessaire, pour empêcher les rebelles de réunir trop de forces contre vous, jusqu'au jour où le bandeau sera tombé des yeux d'un plus grand nombre de mes sujets.

Envoyez-moi la liste de tous ceux qui combattent sous vos ordres et que vous jugez dignes de la croix de St. Louis; je les nommerai tout d'un temps. Cette forme est moins régulière que celle d'envoyer des brevets à chacun; mais la difficulté des communications l'exige. Mon frère vous fera connaître que ma sollicitude s'étend à d'autres grâces dont vous ne me parlez point, mais dont c'est à moi de m'occuper. Je le charge aussi de confirmer les officiers de votre armée dans le grade que vous leur avez donné, et qu'ils méritent si bien.

Adieu, brave Charette; je sens que si je pouvais jamais être jaloux de mon frère, ce serait en ce

moment; mais j'ai la ferme espérance que je n'aurai pas long-temps à l'être.

Signé, Louis.

Lettre du chevalier CHARETTE à M. BEJARY, chef de division de l'armée catholique et royale

A Belle-Ville, ce 25 juillet 1795,

l'an 1er du règne de Louis XVIII.

Monsieur, Charette est trop connu pour qu'on puisse croire un seul moment qu'il fasse une marche rétrograde et déshonorante.

Je vous renouvelle le serment irrefragable de combattre jusqu'à la dernière goutte de mon sang pour mon Dieu et mon Roi; de ne déposer les armes que lorsque l'héritier présomptif sera sur son trône, lorsque la religion catholique sera établie sur des bases solides et protégée par la force armée.

Je suis bien sincèrement, Monsieur, votre très humble serviteur, Le chevalier CHARETTE.

Le comte D'AVARAY, au chevalier CHARETTE.

Vérone, 13 août.

Le roi m'ayant appris, mon général, qu'il venait de metttre le comble aux bontés dont il m'honore, en m'assurant une part à votre estime, je me croirais coupable envers mon maître et vous, si je gardais plus long-temps le silence. L'homme que le roi honore du titre de son ami, sollicite donc les bontés de celui qu'il a si justement nommé

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le second fondateur de la monarchie. Je n'ai pas la présomption, mon général, de rien vous offrir en retour de ce que je demande avec tant d'instance; il serait trop hardi de témoigner un sentiment particulier à celui qui a l'admiration de tous. Permettez-moi donc seulement d'espérer que, me connaissant davantage, et me voyant bientôt combattre près de vous, vous ne rejetterez pas l'amitié de celui qui, dans ce moment, n'ose vous offrir que des témoignages de dévouement et de respect.

Pour remplir les intentions du roi, je dois vous dire de sa part, que sa situation est plus critique que jamais. Depuis long-temps, enflammé d'une ambition de gloire dont il ne peut pardonner qu'à vous de lui avoir donné l'exemple, il se voit privé du moyen le plus noble, le plus sûr, et le plus favorable à ses intérêts, d'aller vous rejoindre. L'Espagne, le descendant de Louis XIV et de Philippe V, a fait sa paix; et désormais les sollicitations pour transporter le roi à la Vendée par la Méditerranée, sont vaines; il ne nous reste donc que les Anglais; ce sont eux qui nous porteront en France, si, comme il y a tout à parier, nous ne pouvons obtenir, des vaisseaux russes, de se charger de cette noble entreprise. Le roi va donc incessamment quitter Vérone pour s'arrêter dans quelque ville de Suabe, où il attendra le retour d'un courrier anglais que milord Macartney, envoyé auprès du roi, va expédier à Londres. Tout semble se réunir pour conduire S. M. à l'armée de

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Condé; mais outre que l'empereur ne paraît pas disposé à reconnaître encore l'autorité légitime, le roi n'a d'autre but que sa brave armée catholique et royale. Travaillez donc sans relâche, de votre côté, à lui en aplanir le chemin. Atténucz le mauvais effet que peut produire en France la confiance apparente accordée aux Anglais. Si vous avez quelques avis à donner au roi, faites-moi passer votre lettre par le comte d'Entragues, jusqu'à ce que je puisse vous donner une nouvelle direction.

Si vous apprenez, mon général, que le roi soit à l'armée de Condé, que cela ne vous étonne pas; car sans laisser soupçonner son projet à qui que ce soit, il compte quitter sa station en Allemagne pour aller passer quelques jours à son armée du Rhin. Il est essentiel que l'Angleterre n'en soit pas prévenue; car voyant le roi avec M. le prince de Condé, non seulement elle ne se presserait pas de répondre à sa demande, mais elle pourrait même le laisser sur le Rhin, dans la dépendance de l'empereur.

Dès que la réponse de Londres sera venue, vous en aurez avis; mais quelle distance ! quelle lenteur! Puissé-je enfin voir le moment où, après avoir soustrait notre maître aux assassins de sa famille, je le remettrai entre les mains du glorieux défenseur de ses droits.

J'écris cette lettre par duplicata, afin d'être sûr que vous la recevrez.

Je crois nécessaire qu'elle reste secrète entre nous; je ne l'ai communiquée qu'à S. M.

Signé, le comte D'AVARAY.

Lettre du Roi, au Chevalier DE CHARETte.

A Vérone, ce 3 septembre 1795.

Vous jugez sans peine, monsieur, de la douleur avec laquelle j'ai appris la funeste affaire de Quiberon et ses affreuses suites: mon cœur est déchiré; mais mon courage n'est pas abattu: il résidait en vous avant cette cruelle journée, il y réside de même.

Faire pleurer de braves et fidelles sujets; mes parens, les proches parens abandonner ma cause; Charette et sa valeureuse armée me restent. Les sentimens que je vous ai exprimés dans ma dernière lettre n'ont pris que plus d'activité, et les commissions que je vous ai données n'ont fait qu'acquérir plus d'importance. Je charge mon ami de vous écrire plus au long, comme je vous ai prévenu que j'en userais. Je ne puis finir cette lettre sans vous parler, je ne dirai pas du desir, mais du besoin impérieux que j'ai tous les jours davantage d'être auprès de vous, et de vaincre ou mourir à la tête de ma brave armée catholique et royale. Signé, Louis.

P. S. Le roi me donne ordre, mon général, d'ajouter quelques mots à sa lettre ; je dois commen

cer par surmonter mon trouble et mon ivresse, de グ

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