Page images
PDF
EPUB

Tout dort autour de moi, tout dort..... jusques au

vent.

Je n'entends rien, finon l'horloge du couvent,
Qui, fans troubler la paix de ces douces demeures,
Retentit dans nos bois... Elle fonne... trois heures!
Déjà? de tout l'hiver je n'avois tant dormi:
Car je n'ai fi fouvent repofé qu'à demi!
La Nature aujourd'hui doit être fatisfaite :
Quatre heures! c'eft affez, c'est trop pour un Poëte.
Rimons donc jufqu'au jour. Je n'aurai pas besoin
D'aller chercher, je penfe, un Apollon bien loin.
J'ai ce bon La Fontaine, ici, dans mon alcove.
Contre les importuns, c'eft-là que je me fauve,
Sous la protection j'aime à passer la nuit ;
Et fon portrait charmant, fi-tôt que le jour luit,
Eft le premier objet que me montre l'Aurore."
Mon œil en ce moment ne le voit pas encore ;
Mais je fais qu'il eft là tout prêt à fe montrer;
Je le touche, & cela fuffit pour m'inspirer.
Ton nom, cher La Fontaine, oui, ton nom fêt
m'enflamme;

Dis-moi donc ; car il faut que je t'ouvre mon ame :
Mon Maître ! mon ami!... te ferois-tu douté
De ce haut rang d'honneur où te voilà monté ?
Jamais, de ton vivant, tu ne l'euffes pu croire:
Tu ferois le premier étonné de ta gloire.
Et Racine! & Boileau! couple de Beaux-Efprits,
S'ils revenoient au monde, ô qu'ils feroient surpris,
En voyant de quel nom la Poftérité nomme
Celui que, de leur temps, ils appeloient Bonhomme!

Le Bonhomme peut-être a fu vous surpasser,
Meffieurs.... Non que je veuille ici vous rabaisser :
De vos fots détracteurs je ne fuis point complice;
Et crois, ô Defpréaux! que je te rends jukice.
Le bon goût n'eut jama's défenfeur plus zélé :
Jamais en fi bons vers la raifon n'a parlé.
Tu me vois profterné devant ton Athalie,
Divin Racine! Eh bien, pardon, je vous fupplic;
L'un & l'autre, à mes yeux, vous êtes trop parfaits :
Votre perfection ne m'infpira jamais

Ce touchant intérêt, ce charme inexprimable
Que j'éprouve toujours en lifant une Fable...
Celle des deux Pigeons, du Meânier & fon fils,
Le Chêne & le Rofeau, Garo, les Deux Amis,
Sur-tout les Animaux malades de la pefte...
Je finirois, je crois, par nommer tout le refte.
Sévigné... j'aime fort cette comparaison,
L'aimable Sévigné compare, avec raison,
Tout le Recueil avec un panier de cerifes:
Les plus belles d'abord font les premières prises;
Pais de moindres, & puis enfin on mange tout.
On a cité ce mot plein d'efprit & de goût,

Dans une Pièce... Eh mais, Pièce, où, par parea

thèse,

Notre bon La Fontaine auroit été bien aise
De fe retrouver peint, mais peint au naturel.

La Fable auroit fuffi pour le rendre immortel:
Mais je ferois fâché qu'il n'eût pas fait tel Conte...
Car je les ai lus tous ; &, je le dis fans honte,

Je les lis fans malice,, ainfi qu'il les a faits,
Ses Contes cependant ne font pas fi parfaits;
Mais on y lit tel vers qui vaut feul un Poëme.
Tenez: Je voudrois bien déchauffer ce que j'aime
Ou bien; l'Oifeau n'est plus, vous en avez diné;
L'effai des dons d'amour à Conftance donné
Par fon Amant, pourquoi? quiconque aime le die,
Ma foi, l'on donneroit toute une Comédie,
Pour avoir fait cela; mais il ne l'a point fait.
Il ne les faifoit point, fes vers, il les trouvoit :
D'eux-mêmes ils venoient fe ranger fous fa plume,
Il en auroit rempli de la forte un volume,
Sans jamais foupçonner de quel prix ils étoient
Aufli les donnoit-il pour ce qu'ils lui coutoient.
Mais la Poftérité qui met tout à sa place,
Mieux que lui de fes vers fent le prix & la grace
Et relevant celui qui s'étoit abaiffé,

Voit... C'est à quoi peut-être il n'eût jamais penfé,
Voit, dis-je, en ce naïf & charmant Fabuliste,
Un Philofophe, un Sage, un profond Moralifte.
C'eft que notre Poute a tous les tons, dui, teus ;-
Car qui fait mieux que lui paffer du grave au doux?
C'eft qu'il eft tour à tour naïf, tendre, fublime,
Avec quelle vigueur fon Payfan s'exprime !:
Eh mais, s'il entendoit un éloge pareil &

Il diroit que j'abufe un peu de fon fomincil,
Bon La Fontaine, hélas! pardon; c'eft que je t'aime
C'eft que je fuis tout fier de cette amitié même
Par cela feul, vois-tu, je crois valoir un peų.
Le nom de ton ami, j'en fais ici l'aveu,

Èft pour moi le plus doux & le plus beau des titres;
Oui... mais déjà le jour perce à travers les vitres;
Et mon appartement, par degrés éclairé,
Laiffe voir ton image: ô moment défiré!
C'est toi; voilà tes traits, voilà ton doux fourire
Je te vois, il fuffit ; je n'ai plus rien à dire :
Auffi bien, je ferois trop hardi, j'en conviens,
De hasarder mes vers, quand j'ai cité les tiens.

Par M. Collin d'Harleville.)

COUPLE T S

A une Demoifelle de feize ans, qui a l'habitude d'enchanter tous ceux qui l'entendent jouer du Piano-Forté.

Air La foi que vous m'avez promife.

TANDIS qu'Euterpe, à fa manière,

Amufe au Ciel les Immortels,
Avec le même Art, fur la Terre,
Vous favez charmer les Mortels.
Ces fons fi doux feroient defcendre
Vers vous les Habitans des Cieux,
Et le plaifir de vous entendre
Nous fait croire au féjour des Dieux

[ocr errors]

Je regardois comme un délire
Ce que l'Hiftoire raconteit
Des prodiges qu'avec fa lyre
Orphée autrefois enfantoit.

Vous m'avez rendu plus traitable
Pour les faits de l'Antiquité :

Ce qui me fembloit une fable,
Par vous devient réalité.

A tous les attraits du bel âge
A fes fugitifs agrémens,
Vous préférez, en efprit fage,

La culture des vrais talens.
Du temps, les meurtrières armes
Détruifent les fleurs du Printemps.
Les talens font toujours des charmes,
Et vous aurez toujours feize ans.

(Par M. l'Abbé C.....)

[graphic]
« PreviousContinue »