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du Roi ne pourra être exécuté, s'il n'a été signé par le Roi et contresigné par l'ordonnateur du Département. "

"Vous voyez donc, Messieurs, que le contre-seing ne regarde que les ordres du Roi; mais en aucune manière les invitations du Roi à l'Assemblée, et que ce seroit contrevenir à votre Constitution que d'adopter ce principe. Qu'en résulteroit-il en effet? Que toute communication personnelle avec le Roi seroit interdite aux Représentans de la Nation. Là-dessus je consulte votre raison et votre cœur. Si le Roi étoit trompé, si vous vouliez l'éclairer, auriez-vous un autre moyen de le prémunir contre les suggestions des Ministres? Il faut qu'il puisse vous communiquer directement ses vues, et que vous puissiez lui exposer sans détour la vérité, et l'intérêt des Peuples. Je conclus à ce que, sans s'arrêter à la proposition de M. de Mirabeau, on passe à l'ordre du jour.

M. de Mirabeau répliqua que, des articles constitutionnels lus par le Préopinant, il ne s'ensuivoit nullement que les messages du Roi ne dussent avoir aucune légalisation.

Ce seroit, dit-il, accorder au Pouvoir exécutif l'initiative des Lois, que la Constitution lui ôte. La personne du Roi étant sacrée, et une fiction de la Loi lui ayant accordé une infaillibilité purement idéale, je demande s'il ne doit pas toujours apparoître au Consell un garant de ses propositions.

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Je demande ce que veut dire l'objection emphatique que le Roi pourroit être. trompé, comme si la Loi du contré-seing Ministériel empêchoit l'Assemblée Nationale de correspondre directement avec lui? Et

s'il pouvoit être trompé par l'effet de ce contre-seing, les Ministres, sans ce contreseing, ne pouvoient-ils pas, mille fois plus souvent, lui suggérer des démarches de pure insinuation et de complaisance? S'il étoit une circonstance qui pût étayer mon opinion, ne seroit-ce pas celle où nous nous trouvons, où l'on vient vous proposer des Projets inconstitutionnels et insidieux, où l'on vous demande de déroger à vos Décrets que le Monarque lui-même a sanctionnés ? Que ceux qui se sont engagés dans le labyrinthe de difficultés où ils se débattent, n'en cherchent le fil que pour l'intérêt du Peuple." Je conclus que le Président soit chargé de représenter respectueusement au Roi que sa Lettre ne portant aucun caractère de légalisation, est contraire aux dogmes de la responsabilité."

Une partie de l'Assemblée applaudit à ces argumens: le plus grand nombre réclama l'ajournement; et après avoir flotté quelque temps dans ce débat, l'on passa à l'ordre du jour, c'est-à-dire, à la discussion du Projet de Décret, tendant à établir le payement forcé de la Contribution Patriotique.

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Si vous convertissez cette Contribution volontaire dans le plus onéreux, le plus accablant des impôts, dit M. Robespierre quel effet une disposition pareille produira-telle sur les esprits; quelle facilité ne donnera-t-elle pas aux insinuations des ennemis du bien public?» L'Opinant s'étendit ensuite sur le détail des opérations à faire pour rétablir la confiance, pour fortifier l'espoir par le patriotisme, et le patriotisme par l'espoir, etc.

M. Roederer. « Les dispositions qui vous sont présentées aujourd'hui sont contraires à deux de vos Décrets. Vous avez voulu que la Contribution Patriotique eût toutes les formes du patriotisme, vous avez décrété qu'il ne seroit fait aucune poursuite. Pourquoi aujourd'hui vous propose-t-on de convertir en Contribution forcée ce qui ne devoit être que volontaire? Un impôt ne peut être établi de cette manière, et ce seroit un piege tendu à la bonne foi des Citoyens. Ne demandez que des sacrifices volontaires, et laissez pour récompense l'honneur de les avoir faits."

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Vous ne connoissez pas encore le nombre des déclarations; illest impossible que toutes soient faites. Le Clergé ignore son sort; les Propriétaires des droits féodaux, et même les Contribuables, ont été jusqu'ici dans l'incertitude. Les pensions sont réduites ou suspendues, etc. Il n'est pas douteux que cette inquiétude ne se dissipera bientôt, et qu'alors tous les Citoyens s'empresseront de justifier l'opinion que vous avez conçue de leur civisme.

"La publication des Listes des Déclarations est le moyen le plus salutaire; il soumettra chaque Contribuable à la censure morale de ses Concitoyens. "

M. Dubois de Crancé annonça que les Députés mêmes du Commerce étoient venus au Comité des Finances, pour demander le rétablissement de la publicité des Listes.

M. le Chapelier proposa que chaque Citoyen fût tenu, en se présentant aux Assemblées Primaires, d'exhiber l'extrait de sa Déclaration et les cotes de ses Impositions, lesquels seront lus à haute voix ; mais comme

ce moyen ne porteroit que sur ceux qui assistent aux Elections, l'on a adopté ce moyen conjointement avec celui proposé par M. Roederer; ces dispositions furent refondues avec les premiers articles du Projet du Comité des Finances, articles purement réglementaires.

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Pendant le cours de cette discussion, un Membre s'écria: « Voici le vrai moyen, de donner nous-mêmes l'exemple; justifions ici de nos Déclarations, et ajoutons-y le quart de nos appointemens.

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La seconde partie de cette Motion fut vivement appuyée par plusieurs Membres. MM. de Croy et Alexandre de Lameth la combattirent sous le prétexte qu'elle avoit déja été rejetée. Suivant eux, le traitement des Députés n'est point une faveur, mais une indemnité due à ceux qui sacrifient leur état et leur fortune au bien public.

L'Auteur de cette Motion, ajoutèrentils, a-t-il voulu nous imposer uue nouvelle Contribution? Par quel motif serions-nous astreints à payer plus que nos Concitoyens? L'Assemblée a établi dans son sein un Bureau de secours, et j'invite les personnes qui montrent tant de désintéressement, d'y porter les leurs. »··

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Un don doit être libre. Les riches n'ont le droit de forcer les pauvres de donner. « Celui qui n'ayant que ses appointemens pour vivre, en donneroit le quart, donneroit trop ; et celui qui donneroit ses appoin-1 temens tout entiers, jouissant d'un revenu de_100,000 liv. ne donneroit pas assez. »

Les différentes Motions ayant été relues, M. Dupont demanda l'ajournement. En réfutant sette opinion, M. Demeunier peignit

les mouvemens sourds de Paris qui feroient craindre une explosion, sans les soins infatigables de la Garde Nationale. Sans la Contribution Patriotique, les Finances s'écrouleroient, et avec elles, la Constitution; et les Députés, chargés de malédictions, iroient cacher dans les Provinces leur désespoir et leur servitude.

M. Charles de Lameth effaça ces terreurs, en assurant qu'elles étoient l'ouvrage des Ennemis de la Constitution, qu'on offroit de superbes gages aux Créanciers de l'Etat, et qu'aucune Nation n'avoit des Finances aussi florissantes que la France.

La Motion de M. le Chapelier ayant obtenu la priorité, elle fut décrétée en ces

termes :

I. Toutes personnes jouissant de ses droits et de ses biens, qui ont au-delà de 400 livres de revenu net, devant payer la Contribution patriotique établie par le Décret du 6 Octobre dernier, sanctionné par le Roi, ceux dont les revenus, ou partie des revenus, consistent en redevances en grains, ou autres fruits, doivent évaluer ce revenu sur le pied du terme moyen du prix d'une année sur les dix dernières. »

«II. Tous bénéfices, traitemens annuels, pensions ou appointemens, excepté la solde des Troupes, tous gages et revenus d'Offices, qui, avec les autres biens d'un Particulier, excéderont 400 livres de revenu net, doivent servir, comme les produits territoriaux ou industriels, de base à sa déclaration, sauf à diminuer ses deux derniers payemens dans la proportion de la perte ou diminution des traitemens, pensions, appointemens et revenus quelconques,

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