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Que vous dirai-je enfin ? cet incident inopiné fe faifit tellement de tous les efprits & de toutes les ames, que les nouveaux époux s'oublièrent eux-même. Les pères & les mères ne penfoient plus à leurs enfans. Suzanne regardoit de temps en temps Louise, mais c'étoit pour la voir fenfible au triomphe de la vertu. Quant à moi, mon émotion fut telle en ce moment, que je ne crois pas avoir éprouvé de ma vie une impreffion de bonheur plus vive & plus délicieuse; &, fi les violons n'étoient pas venus ramener l'enjouement & réveiller la joie, chacun fe feroit retiré de la noce en plearan Mais M. le Curé fut le premier à porter fanté des époux, des pères & mères ; & il n'oublia pas la nôtre. Le vin égaya les efprits, le chant rendit la fcène encore plus animée & plus riante ; & la danse, au fortir de table, acheva la révolution.

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Par M. Marmontel. )

la

Explication de la Charade, de l'Enigme & du Logogriphe du Mercure précédent.

LE mot de la Charade eft Foiblesse, celui de l'Enigme eft Oni; & celui du Logogriphe eft Misère, où l'on trouve Eris, Sire, Emir, Mer, Ire, Semer, Merife, Ros, Se, Me, Ere, Rime, Si, Ré, Mi.

CHARADE.

JE vois la Liberté rouler fur mon premier ;
A l'État obéré je porte mon dernier ;

Tout mauvais citoyen doit brouter mon entier. Par M. Verlhac, Capitaine Aide-Major de la Garde Nationale de Brive.

JE

ÉNIG ME.

E fuis un meuble nécessaire,
Principalement en hiver;

Prenez-moi dans un fens contraire ;
Et je fais dégaîner le fer.

Par le même.

LOGO GRIPHE.

JE fuis avec cinq pieds un piteux animal;

De mes peines fouvent c'eft le terme fatal.
Avec deux de mes pieds j'entretiens la molleffe,
Et fans moi maint Auteur va puiser au Permefle.
Changeant un de ces pieds, je foutiens ta structure
Mes deux extrémités font d'un temps la mesure:
Quatre pieds au Printemps me font-Reine des fleurs;
Sans mon tout renversé bien froids font les Auteurs.
(Par un Abonné. )

NOUVELLES LITTÉRAIRES.

LETTRES de Mde. la Princeffe de G***, écrites à fes amis, pendant le cours de fes voyages d'Italie en 1779 & années fuivantes. 2 Vol. in-12. A Paris, Duplain, Libraire, Cour da Commerce, rue de l'ancienne Comédie Françoife.

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Nous avons une foule de Voyages d'Italie, dont la plupart font des copies les uns des autres; & il y a tel homme”, qui fe croyant obligé de faire un livre, parce qu'il a voyagé dans la patrie des Arts imprime, non pas ce qu'il a vu & ce qu'il a fenti, mais ce qu'il a lu dans d'autres Voyageurs. C'eft ce qu'on ne dira pas de ces Lettres. L'Auteur paroît avoir écrit à mefare que les objets la frappeient. Ils ré veillent en elle des fontimens & des idées, Elte a le befoin de les répandie & une grande facilité à les exprimer avec zefpric & imagination, dans toute la liberté du com-) nierce épiftolaire, & toute la confiance de l'amitié. Ses deferiptions font VIVES quelquefois brillantes , toujours agréa

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bles, & leur multiplicité inévitable augmente le mérite de la variété dans les formes & le ton. On trouve peu de ces Lettres où il n'y ait des traits ingénieux, des traits de fentiment, des expreffions heureufes. L'Auteur s'ennuie à Bologne: « Je n'aime point la Nature en hiftoire, & encore » moins en pétrifications; tout cela ne » dit rien à mon cœur & le glace. Heu» reufement les Beaux Arts font venus à » mon fecours. Sans eux je ne fais trop ce » que j'aurois fait de mon ennui, car il commençoit à paroître; je le chaffois par refpect pour la science. Mais j'avois » beau le chaffer; l'ennui eft comme le » fommeil; c'eft le fommeil du plaifir; plus on le chaffe, plus il accable ». Elle écrit de Padoue: » J'erre autour des tombeaux; les êtres vivans que je rencontre difent fi peu de chofe à mon cœur & » à mon efprit, que je vais chercher les » morts. Leurs cendres me parlent davan »tage. Je viens de voir à Arquata, à quelques milles de Padoue, celui de l'im» mortel Pétrarque. Ce tendre Poëte y eft » couronné de lauriers. Pourquoi n'avoir » pas mêlé des myrtes à cette couronne ? "il eft vrai que le myrte eft l'arbre de la »vie & non celui de la mort. Maïs Pé"trarque eft-il mort?

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La defcription de Venile eft d'une touche forte qui peut étonner dans une N°. 14. 3 Avril 1790.

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femme, & qui fait croire que Mde. la P. de G. fait monter fon efprit & fon style à tous les fujets.

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» Mon étonnement va toujours en croîffant. Tout frappe ici mes fens d'une manière nouvelle. J'habite les ondes, & , c'eft dans un palais magnifique. Je ne vois plus dans la Nature que le ciel,& l'élément majeftueux qui m'environe. Tout a dif paru; je n'apperçois par-tout que l'ou» vrage des hommes; ils règnent feuls ici. Les animaux les plus gais, les plus aimables n'y trouvent plus d'afile; le papil lon & la fauvette fuient dans les airs; » ils ne s'arrêten: ni fur les fleurs, ni fur ,, le feuillage, & l'onde a pris la place » de la verte prairie, L'homme lui-même, » privé des couleurs de la Nature, fem» ble l'avoir oubliée, il n'eft plus fenfble à fes, beautés; & voulant auffi s'oublier lui-même, il cache les traits qu'elle » lui donna, fous un inafque qui devient fa figure pendant fix mois de l'année ; on diroit qu'il eft honteux d'être homme. » Seroit-ce pour voiler fon ame, qu'il » cache ainfi les traits de fon vifage la pour qu'il a de lui même me le feroit croire. Dans le fein du vaste élément qu'il » a choif pour la demeure, & dont il s'eft rendu maître avec tant de hardieffe » s'eft lié lui-même avec des chaînes "de fer, en voulant pourtant être libre.

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