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Je vous ai fait, belle Coufine,
Dans cet écrit audacieux
L'aveu, peut-être dangereux,
De mes fentimens en cuifine.
Je me fuis mis à découvert
Aux regards feuls de mon amie
Mais vous pouvez à l'univers
Dire le fecret de ma vie ;
Je faurai braver les caquets
De ces empoisonneurs à gage
Dont j'ai dévoilé les forfaits.
Non, je ne changerai jamais
De goût, non plus que de langage.
Je n'ajouterai plus qu'un mot :
Jufques à mon heure dernière
J'eftimerai la buyandière,
Et je défendrai le gigot.

Et vous auffi, belle Parente 3
Sur une amitié bien conftante,
Comptez au moins jufqu'au trépas;
A vos pieds je fais la promeffe
De ne prodiguer ma tendresse
Qu'à vous seule

entre mes repas.

Par M. Berchoux aîné.

CHAN SON

Sur la convalefcence d'une jeune perfonne.

Air Chantez, danfez, amufez-vous.
LE bonheur fuyoit de ces lieux,
Et nous daiffoit dans les alarmes ;
Le jour n'offroit plus à nos yeux
Que d'éternels fujets de lares;
Et nous étions en danger tous,
Puifque de trait tomboit.fur vous.

Le frère en vous voyoit fa fœur,
Chaque mère perdoit la fille,
Et pour pleurer dans ce malheur
L'on ne formoit qu'une famille.
Soyez contens, parens heureux;
Le Ciel enfin comble nos veux.

Pour exprimer notre bonheur,
Il me faudroit, en traits de flamme,
Peindre ce que fent notre cœur;
Mais pour talent, je n'ai qu'une ame.
L'efprit a befoin d'ornement,

Il n'en faut pas au fentiment.

(Par M. le Prince Baris de Galiwin.)

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LA VEILLÉE,

4. Hiftoire.

Ce fut aufli à peu de frais, dit Olympe.,

que je fus heureufe moi-même toute cette belle faifon, la dernière, hélas ! que ton père devoit paller dans ce féjour, où il fe plaif it tant!

Ces mots furent fuivis de quelques momens de filence; & un nuage de triftefle fe répandoit dans la foci'cé. Olympe, qui s'en apperçut, voulue le diliper: elle reprit

ainfi.

Ma fille vous a dit que Suzanne avoit deux enfans, le frère de lait de ma fille, Marcellin, le plus éveillé des garçons du Village, & Louife, fa fœur aînée. Louifeétoit jolie; mais elle avoit fur-tout un air de candeur, d'innocence, qui laiffoit voir toute fon ame, comme à travers une glace pure. Si on vouloit peindre l'Ingénuité, on lui donneroit ce regard. On voyoi que Pid'e de diffimulation étoit étrangère à Louife: le menfonge n'avoit jamais terni fon heureux naurel; & la vérité fur fos lèvres, fembloit n'attendre, pour s'échapper,. que le foufle de la par le. De tous les caraftè es de la beauté dans er ferante, c'eft à mon gré le plus touchant. Aufli

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Louife, en paroiffant dans le Village de Verval y fit-elle bien des conquêtes.

Je donnois à danfer tous les Dimanches dans la cour du Château ; & au milieu de la jeuneffe que les violons y raffembloient, Louife, fans s'appercevoir qu'elle fût diftinguće, attiroit tous les yeux. Mais fon aimable molestie lui faifoit pardonner, même par fes compagnes, la gloire de les effacer: car l'envie n'eft pas toujours aussi injuste qu'on le penfe, & les avantages qui la bleffent, font le plus fouvent ceux dont on fait vanité. Loin de fe prévaloir des hers pour hamilier fes compagnes, Louise avoit toujours l'air de s'oublier feule, & de céder aux autres les hommages qu'on lui adreffoit. A dire vrai, tous ces hommages la touchoient peu; & entre vingt rivaux que je voyois, timidement empreffés autour d'elle, fe difputer le bonheur de lui plaire, un fea! obtenoit quelquefois la faveur d'un fourire, ou celle d'un regard doucement prolongé. C'étoit le jeune Eloi, le fils aîné de mon Fermier, l'exemple du Village pour les vertus de fon état, dont il avoit la plus noble idée. Je l'avois vu quelquefois au travail; il étoit glorieux de mener la chartue. Vous auriez dit qu'il cominandoit à la terre d'être féconde; & lorfqu'il arrivoit, debout fur fon chariot chargé de gerbes, la tête haute, le regard affuré, l'air triomphant, vous auriez dit qu'il fe eroyoit fur le trône de l'abondance.

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M. de Verval l'avoit pris en amitié; &, en félicitant fon père: Vincent, lui difoit-il, vous êtes un brave homme, un bon Cultivateur; mais votre fils vous vaudra bien. A cet éloge, Eloi, férieux & mo. defte, baiffoit la tête & la relevoit fièrement. Tel étoit l'Amant de Louife!

Au Village, comme à la Ville, la malice & la jalousie on: les yeux pénétrans. Bientôt on s'apperçut & l'on le dit tout bas, que le choix de Louife étoit fait dans fon cœur, & qu'Eloi feroit préféré. Ce bruit vint jufqu'à moi; & je fis appeler Louife.

Ma fille, lui dis-je, on m'apprend que votre modeftie, votre bon naturel, furtout les tendres foins que vous rendez à vos parens vous font chérir dans le Village, & font fouhaiter à toutes les mères de vous donner pour époufs à leurs fils. Elles font bien boines, Madame, de penfer à moi, me dit-elle. Mais vous, Louife, ne feriez-vous flattée de rendre heureuse aucune de ces mères? Après la mienne, celle à qui je fouhaite le plus de bien, Madame,

la bonne Auguftine, la femme de ve Fermier. Elle me fait tant d'amitiés! - J'en fuis bien aife. Et fon mari? - Ah Madame, l'excellent homme! Ils ont one fille de votre âge? Oui, Made, Cécile; c'est ma meilleure amie. Elle a un frère, qui, quoique jeune, eft déjà un homme eftimable. Oui, Madame, bien eftimable (&, à ces mots, deux belles rofes s'épa A G

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