Page images
PDF
EPUB

bord, puis outrager aussitôt le pouvoir exécutif sujet.

Louis XVI, à la suite de ses concessions du 25 juin, s'étoit au moins réservé le pouvoir suprême et exclusif sur l'institution et la direction des ar-, mées. Mais réduit à n'être plus que pouvoir exécutif dans l'empire, il ne pouvoit plus s'y flatter d'aucun pouvoir incontestable; et c'est ce que lui annoncera bientôt l'assemblée souveraine et législative. Une insurrection éclate parmi les soldats du régiment des gardes françaises, dont le duc d'Orléans favorisoit, soudoyoit même les débauches dans l'enceinte de son palais. Les officiers ayant condamné les plus coupables à la détention, les satellites du duc d'Orléans se portent en foule à la prison, en brisent les portes, en tirent les prisonniers, sous les yeux de deux cents soldats spectateurs complices, et les ramènent triomphans au Palais-Royal, où leur délivrance est célébrée par un festin scandaleux. Quoique la connoissance d'un pareil délit fût évidemment de la compétence du chef suprême de l'armée, l'assemblée pouvoir législatif se l'arrogea, et mit en question, à ce sujet, ce que bientôt elle n'y mettra plus: si elle ne pouvoit pas, en certains cas', s'attribuer aussi le pouvoir exécutif? Mais, les plus vives réclamations s'étant élevées de la part de tout le côté droit, le côté gauche, pour ne pas mettre le dernier sceau de l'évidence à une complicité que les circonstances de cette insurrec

tion ne trahissoient que trop, proposa et fit adopter que l'assemblée interviendroit auprès du pouvoir exécutif pour le pardon des coupables.

En vain Louis XVI eût-il refusé ce qu'on étoit disposé de lui arracher: il prononça une amnistie, sous le prétexte, que les séditieux surent apprécier, que c'étoit la première fois que l'assemblée invoquoit sa clémence. L'impunité n'est jamais plus dangereuse que quand le coupable la sent fondée sur l'impuissance. Dès ce moment, l'esprit d'insubordination saisit la plupart des corps militaires, et fit simultanément des progrès effrayans dans les principales garnisons. Il s'établit, dans presque tous les régimens, un foyer secret d'insurrection qu'alimentoit l'or du due d'Orléans, toujours à la poursuite de son affreux projet d'acheter la ruine de sa famille aux dépens de sa fortune.

La franc-maçonnerie, de son côté, secondoit de tous ses moyens les efforts de son grand maître, et, par les clubs qu'elle dominoit, souffloit la révolte parmi les troupes. Déjà, dans plusieurs provinces, les soldats s'étoient mutinés contre la discipline et les chefs qui vouloient encore la maintenir, lorsque Louis XVI, suivant le droit qu'on ne lui avoit pas encore contesté, et pour contenir sa capitale en effervescence, en fit approcher quelquesuns de ses régimens, tant étrangers que français, jugés les plus intègres. Dès lors le duc d'Orléans et les principaux conspirateurs, alarmés d'une me

[ocr errors]

suré qui tendoit å renverser leurs projets, mettent tout en œuvre pour effrayer le peuple de Paris, et associer à leurs craintes l'assemblée toute entière. Mirabeau, se faisant auprès d'elle l'interprète des vœux publics, lui dénonce « des faits cachés, des Dordres secrets, des contre-ordres précipités, des >>préparatifs de guerre qui remplissent d'indignation » les cœurs; et, dans ce moment, poursuit le dé» clamateur avec une malicieuse adresse, pourquoi » des troupes? jamais le peuple n'a dû être plus calme, plus tranquille, plus confiant. Notre pré»sence est la caution de la paix publique. De »>quel œil ce peuple verra-t-il cette foule de soldats >oisifs lui disputer le reste de sa substance. » Cette dernière considération surtout étoit d'un habile tacticien, et ne pouvoit manquer de réussir auprès du Parisien, que les manœuvres du duc d'Orléans tenoient toujours affamé.

Un nombre même de députés, dont les intentions n'étoient pas suspectes, se laissèrent prendre à ce leurre, concoururent au perfide décret par lequel le roi devoit être instamment supplié d'éloigner les troupes de la capitale. Des cœurs simples applaudirent au discours où l'assemblée, mariant l'astuce et l'hypocrisie à de touchantes vérités, alloit elle-même dire à Louis XVI : « Les mouve»mens de votre cœur, sire, voilà le vrai salut des » Français. — Que veut dire cet appareil menaçant? » où sont les ennemis de l'état ou du roi qu'il faut

subjuguer? où sont les rebelles, les ligueurs qu'il » faut réduire ? Une voix unanime répond dans la >> capitale et dans l'étendue du royaume : Nous ché»rissons notre roi, nous bénissons le Ciel du don » qu'il nous a fait dans son amour. Et comment

» s'y prend-on, sire, pour vous faire douter de l'atta>> chement et de l'amour de vos sujets? Avez-vous » prodigué leur sang? êtes-vous cruel, implacable? >> avez-vous abusé de la justice? le peuple vous » impute-t-il ses malheurs ? vous nomme -t-il >> dans ses calamités? a-t-on pu vous dire que le » peuple est impatient de votre joug? qu'il est las du »sceptre des Bourbons? Non, non: la calomnie >> du moins n'est point absurde elle cherche »un peu de vraisemblance pour colorer ses noir

> ceurs.or

» La France ne souffrira pas qu'on abuse le • >> meilleur des rois, et qu'on l'écarte par des vues >> sinistres du plan qu'il a lui-même tracé. L'as» semblée nationale vient vous déclarer solennelle>>ment que les piéges, les difficultés, les terreurs ne >> retarderont point sa marche et n'intimideront point >> son courage.

D

» Le danger, sire, est pressant, est universel, Dest au delà de tous les calculs de la prudence » humaine. Jugez de son étendue par les alar>>mes qui nous amènent devant vous de grandes >> révolutions ont eu des causes bien moins écla>> tantes.

« Sire, nous vous en conjurons, au nom de la »patrie, au nom de votre bonheur et de votre »gloire, renvoyez vos soldats aux postes d'où vos >> conseillers les ont tirés renvoyez surtout les »troupes étrangères. Votre majesté n'en a pas » besoin. Et pourquoi un monarque, adoré de » vingt-cinq millions de Français, feroit-il ac>courir à grands frais autour du trône quelques » milliers d'étrangers? Au milieu de vos enfans, »soyez gardé par leur amour. — Ah! l'autorité que » tous les cœurs vous défèrent est la seule pure, la » seule inébranlable: elle est le juste retour de vos > bienfaits, et l'immortel apanage des princes dont » vous serez le modèle. »

Quel touchant assemblage de qualités et de vertus réunies sur la tête d'un même prince! Qu'on nous en permette ici la remarque, pour la rappeler en son lieu : voilà donc le portrait de Louis XVI tracé. de main non suspecte; et, s'il faut en croire des hommes qui conspirent déjà, et qui vont continuer de conspirer contre lui, ce monarque, au mois de juillet 1789, est « un roi chéri, un don du Ciel dans »>son amour, recommandable par la douceur et la »justice, que le peuple ne nomme point dans ses » calamités, contre lequel la calomnie seroit absurde. Il est le meilleur des rois, un monarque adoré de vingt-cinq millions de Français, père au » milieu de ses enfans, gardé par leur amour, ré»gnant sur tous les cœurs par l'autorité des bien

« PreviousContinue »