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sophiste impie et du sectaire fanatique, aux yeux du franc-maçon athée et du prêtre apostat. Louis XVI est roi; et, de la profusion de ses bienfaits dans des cœurs gangrenés ne naîtra qu'une moisson d'ingratitude. Ils pourroient, ces bienfaits, étre le salut de l'état, le conspirateur est forcé d'en convenir; mais que l'état périsse plutôt que de devoir son salut aux présens du despotisme: car, ainsi que tous les rois, Louis XVI aussi est un despote. Mais Mirabeau apprend de plus à ses collègues ce que pourroient ignorer ceux qui ne connoîtroient pas le code calviniste, que ce despote n'est que leur mandataire, qui doit, non leur donner, mais recevoir d'eux la toi, n'ayant pas même le droit de leur commander d'être heureux.

Elles n'étoient ni moins séditieuses, ni moins impertinentes que les grandes phrases de Mirabeau, les phrases du prêtre chartrain. Vous êtes aujourd'hui ce que vous étiez hier! La merveilleuse découverte ! Mais, comme vous n'étiez hier que les sujets de Louis XVI, le seul droit que vous ayez de plus aujourd'hui, c'est d'ajouter à ce titre celui de révoltés. Qu'on les écoute ces blasphémateurs, ils auront leur idiome imposant et même religieux : ils parleront de leur dignité; leur bouche impure osera proférer les noms de temples et de sanctuaires, de religion et de vertus, de sacerdoce, et même de mission sublime. Juste ciel! la mission du fanatisme insurgé contre

Louis XVI, mise au-dessus de la mission divine qui consacre sa puissance; la dignité et les vertus d'un Sieyes et d'un Mirabeau! Le despotisme, les excès même du despotisme dont Louis XVI a souillé le sanctuaire national* !..

On ne peut comparer à cet attentat d'audace et de perversité que le succès qu'il obtint, et les cou+ pables applaudissemens qui en furent la récompense. Enhardi par le suffrage universel, Mirabeau, dont la politesse ne le cède pas à la logique, invité par le grand maître des cérémonies de se rappeler l'ordre de se séparer qu'avoit donné le roi, en levant la séance, répondit : «Vous qui n'avez ici ni place, ni > voix, ni droit de parler, vous n'êtes pasfait pour nous >> rappeler le discours du roi. — Je vous déclare que, »si on vous a chargé de nous faire sortir d'ici, vous » devez demander des ordres pour employer la >>force; car nous ne quitterons nos places que par » la puissance des baïonnettes. Et, comme le conspirateur n'est pas sans quelque défiance de

* Il faut adjoindre à ces deux factieux le janséniste Camus. « M. Camus le premier, nous dit Rabaut de Saint-Étienne, écla >tant contre le despotisme de ce lit de justice, appelé séance royale, fit la motion à l'assemblée de persister dans ses arrê»tés, qu'aucune autorité ne pouvoit annuler.» (Histoire de la Révolution française, page 139.) On ne sauroit trop le remarquer: c'est partout l'homme insurgé contre les principes catholiques, c'est partout ou le sectaire ou l'impie que l'on voit s'insurger contre Louis XVI, et dénoncer le prétendu despotisme du plus humain des rois.

cette puissance qu'il affecte de braver, à l'instant même il propose à ses complices de se gratifier mutuellement d'un privilège d'impunité; et, à son invitation, les députés déclarent que les députés sont inviolables, et que tout individu, tout homme public, tout tribunal qui entreprendroit sur leur liberté sera réputé infâme, traître à la patrie, et poursuivi comme tel! Et le vulgaire, qui se paie de mots nouveaux, vit des inviolables dans ces violateurs effrénés de la majesté souveraine.

Ils eurent raison, sans doute, ceux qui jugèrent que Mirabeau et Sieyes, que Camus et Bailly avoient mérité l'échafaud le 23 juin ; et ils auroient pu envelopper dans la même sentence le perfide Necker. Mais, quand ils ont conclu que Louis XVI avoit eu tort de ne pas les y faire conduire, ils ont peu réfléchi à la marche des événemens et à la position de plus en plus critique où se trouvoit alors le monarque, au milieu d'un royaume en fermentation, à la porte d'une capitale livrée aux conspirateurs, environné d'une assemblée qui l'appeloit son mandataire, à la tête de courtisans dont une partie sourioit lâchement à ses ennemis, et l'autre conspiroit ouvertement avec eux, pouvant à peine compter sur ses propres gardes, en insurrection scandaleuse contre leurs chefs (7), et encore moins sur ses ministres, dont le plus accrédité, Necker, venoit de montrer à nu toute la bassesse d'un cœur jaloux et vindicatif, en refusant obstinément à son

maître, qui avoit daigné l'en conjurer, de l'accompagner à cette séance décisive qu'il avoit concertée avec lui.

Eût-il donc été de la sagesse de Louis XVI de tenter un coup de vigueur, au moment où il pouvoit si peu compter sur les instrumens les plus immédiats et les appuis domestiques de son autorité ? L'absence du ministre favori du peuple, remarquée de toute l'assemblée, avoit fait conclure que tout ce qui s'y étoit passé s'étoit fait contre son gré; et ce fut cette opinion qui inspira aux agitateurs du tiers état l'excès d'audace qu'ils firent éclater. Mais rien ne prouve mieux à quel point le monarque se trouvoit, dès cette époqué, asservi à l'empire de l'opinion pervertie, que ce qui se passa le même jour au sujet du même ministre. Le bruit se répand qu'il est disgracié à l'instant une foule de députés environnent son hôtel, tout Versailles est en rumeur, la consternation paroît générale. Bientôt une multitude inquiète et mutinée se porte au château, l'assiége par toutes les avenues, pandant en imprécations contre les aristocrates, et demandant à grands cris, tantôt monsieur Necker, tantôt le sauveur de la France; car c'étoit aussi de ce nom que le peuple fasciné appeloit le perfide artisan des malheurs prêts à fondre sur la monarchie *.

se ré

* Necker avoit refusé d'accompagner Louis XVI à la séance du

Cette effervescence populaire, à la suite des excès auxquels venoit de se porter le tiers état, avoit de quoi inquiéter la cour; et la reine, dans cette crise, fit appeler Necker, qui avoit, à la vérité, offert sa démission, mais que le roi n'avoit pas acceptée. Après quelques reproches de bonté, sur ce qu'il voudroit abandonner ainsi son maître dans un moment d'embarras, la princesse introduit le ministre dans le cabinet du roi, où il veut bien se laisser persuader par Louis XVI de rester en place.

Durant cette négociation, le peuple toujours en rumeur, ne cesse de crier sous les fenêtres du roi : Vive M. Necker, point de renvoi! Ivre de l'encens qui brûle en son honneur, et pour le savourer de plus près, l'idole du peuple, au sortir de chez le roi, va se confondre parmi la multitude qui remplit les cours du château et cette multitude n'est pas seulement cette canaille apostée pour insulter les aristocrates; elle se compose de tous les députés du tiers état, de tous ceux de la noblesse qui se sont veradus à d'Orléans, de la première bourgeoisie de Versailles, et d'un nombre même d'officiers de la maison du roi. Tout ce monde environne Necker, le prie, le presse, le conjure de ne pas abandonner

23 juin, uniquement parce que ce prince avoit rejeté de son pro jet de déclaration les articles dont nous avons parlé, et dont parlera un jour ce ministre républicain, pour nous apprendre qu'il se proposoit par-là de faire faire à Louis XVI un pas vers la constitution anglaise.

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