L'invention du solitaire

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Dominique Rabaté
Presses Univ de Bordeaux, 2003 - Comparative literature - 398 pages
L'invention du solitaire : laissons jouer le double sens du titre. Comment et pourquoi le solitaire s'invente-t-il à une période de l'histoire (littéraire) et qu'invente-t-il ? A la première question, il faut répondre en périodisant l'histoire des rapports entre écrivain et solitaire. À la deuxième, on peut plus brutalement répondre : ce que le solitaire invente, c'est la littérature - dans son sens moderne. L'antinomie première que nous ne cesserons de voir est la suivante : comment être et se sentir seul, alors que cette pensée se dit par les mots, c'est-à-dire par ce qui est social en soi ? Comment affirmer son irréductible singularité avec les mots de tous ? Envisager l'histoire de cette invention, c'est donc faire la généalogie de cette nouvelle figure, qui recoupe en partie l'histoire des modalités formelles de la Modernité et de ses contradictions. Les études réunies dans ce livre sont articulées en trois moments. Le premier temps ne peut faire l'économie d'un retour à Rousseau, qui change la donne de la solitude dans ses rapports avec l'écriture. Mais Rousseau reste ambivalent face à ce qu'il découvre malgré lui ; ce sont ses héritiers qui infléchissent dans un certain sens sa découverte. Exaltation de l'esseulement, perte des repères historiques, accentuation du divorce avec la société : tels sont les traits analysés de Zimmermann à Senancour, de Chateaubriand à Lamartine et Vigny, de Rabbe à Thoreau. Le deuxième moment est compris dans le premier mais Baudelaire lui confère son sens nouveau. Changement de décor avant tout : c'est dans la grande ville, dans les foules que le solitaire habite maintenant ; il y côtoie l'anonyme multitude. Contre le romantisme, la littérature moderne cherche les voies d'une essentielle dépersonnalisation, la figure presque anonyme du solitaire, d'Amiel à Flaubert, de Lautréamont à Huysmans ou Bloy - tandis que la percée du monologue souterrain défait la possibilité d'une solitude unifiée, des premiers coups portés par Dostoïevski à ceux de des Forêts, Nabokov et Beckett. La période contemporaine hérite alors de cette contradiction fondamentale : isolé et séparé, le sujet l'est sans pouvoir fonder aucune autarcie souveraine. Monade, chaque être vivant l'est par son exister mais cette solitude est prise dans la série des autres solitudes, semblables et différentes. De Camus à Genet, de Cohen à Perec, ou encore de Saint-John Perse à Sylvie Germain et Tabucchi, nous en décrivons le trajet - avant de voir dans le tueur en série une des figures les plus terribles du solitaire, à la mesure de notre société actuelle.
 

Contents

Dominique Rabaté Introduction
7
Brigitte Louichon Le parti que jai pris décrire et
25
Patrick Marot Senancour de la figure du solitaire à lécriture du solitaire
47
Fabienne Bercegol Figures du solitaire dans lœuvre de Chateaubriand
69
Laurence Tibi Lamartine et les figurations du solitaire
97
MarieCatherine HuetBrichard Le poète en exil Stello de Vigny
111
le cas Alphonse Rabbe
131
Thoreau et luniverselle solitude
147
Pierre Glaudes Léon Bloy entre deux solitudes
225
Isabelle Poulin Que faire du solitaire ? Le monologue à double face chez
239
seul dans le noir
253
Monades en série
269
Laurent Dubreuil Monade et principe de solitude dans
287
Jérôme Cabot Solal Solitaire Style
301
JeanPierre Zubiate Perse et le mont SaintJohn
313
Julien Roumette Le solitaire désemparé Un homme qui dort de Perec
327

Multitude solitude
165
Francis Lacoste Solitude et création chez Flaubert
177
Valéry Hugotte Moi seul contre lhumanité Lautréamont
193
une affaire de secret
215
Lydie Parisse La Pleurante des rues de Prague de Sylvie Germain
353
Andrea del Lungo Lauteur en quête dauteur
363
Dominique Rabaté Portrait du solitaire en serial killer
379

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