Page images
PDF
EPUB

donnance, est une précaution qu'elle prend pour difpenfer l'accufé d'une recherche difficile ; & cerre précaution d'ailleurs infpire la confiance au juge, qui ne doit pas préfumer qu'un homme veuille le tromper, lorfqu'il s'offre pour garant de la certitude du crime qu'il lui dénonce.

Cette précaution ne doit donc pas être regardée comme une fin de non recevoir en faveur de l'inftigateur d'une accufation contre un accufé.

De même, rien ne fert à un accufareur de rendre plainte contre des particuliers fans les nommer; en les défignant, par exemple, par la dénomination de quidams, fi ces particuliers viennent à être décrétés & qu'il leur faffe fignifier le décret, il eft tenu des Réparations civiles fi ces particuliers parviennent à fe juftifier.

Nous n'avons pofé aucun principe dans ce paragraphe, qui ne foit puifé, foit dans l'efprit, foit dans la lettre de l'ordonnance, & que nous ne puiffions appuyer d'une multitude d'arrêts; nous choifirons parmi ces arrêts, les plus célèbres & les plus

récens.

M. de Mazières, fermier général, est menacé de perdre la vie, s'il ne fait porter 300 louis à tel arbre du Cours-la-Reine qui lui eft indiqué. M. de Ma÷ zières en fait part au lieutenant de police (M. de Sartine), & lui demande de faire veiller à fa fûreté : ce magiftrat lui dit de faire porter la fomme à l'endroit indiqué. Ce confeil eft fuivi; l'argent eft porté, & des hommes de la police font poftés en ambuscade. Dès la pointe du jour, le nommé Garnier, officier d'office de M. de Laubepine, fe préfente vers l'endroit fur les fix heures du matin, dans l'hiver, & dans un temps de pluie; il paroît se baiffer pour prendre la fomme; les hommes de la police accourent auffi-tôt vers lui pour l'arrêter : il veut fuir, il tombe entre leurs mains.

Garnier, ainfi arrêté, eft conftitué prifonnier, & le procès s'inftruit: M. de Mazières ne fait aucun acte; il s'en tient au dépôt de la lettre qui contenoit la menace.

Garnier interrogé fur le motif qui le conduit dans un lieu fi éloigné, à une pareille heure, dans l'hiver & dans un temps pluvieux; interrogé fur ce qu'il s'étoit baiffé vers l'endroit, il fatisfait les juges fur ces deux points.

On ne prouve pas que la lettre foit de fon fair, ni qu'il y ait participé; il prend des conclufious contre M. de Mazières, demande à prouver qu'il a follicité contre lui pour qu'il fût retenu en prifon, & que même il avoir fait des démarches pour obtenir contre lui une lettre de cachet. La cour l'admet à la preuve de ces deux faits, &, cette preuve faite, il obtint fix mille livres de dommagesintérêts par forme de Réparations, & les dépens. Plaidant M. Dodin pour Garnier.

Cet arrêt juge, 1°. qu'il n'eft pas néceffaire qu'il y ait un accufateur ou un dénonciateur formel, pour que la Réparation foit adjugée; 2°. que l'acculé n'eft point altreint à faire preuve de la calomnie. M. de Mazières étoit de bonne foi, il avoit cru fes jours en danger; jamais il n'avoit connu Garnier; il rapportoit une preuve matérielle de la inenace qui lui avoit été faite.

7

En août 1779 un particulier, déterminé par › différens motifs, rend plainte contre des quidams qui ont formé un complot pour lui faire perdre la vie; il adminiftre pour témoins fes domeftiques, fa concubine & d'autres gens notes. Deux des accufés qui font informés de fa plainte & de fes décrets, le fomment de les leur fignifier; il obéit, & déclare qu'il y fatisfait comme fommé. Appel de ces décrets & de la procédure; ce particulier demande qu'elle foit continuée & renvoyée en con

féquence devant le premier juge, c'est-à-dire devant le lieutenant-criminel du châtelet: fur l'appel l'accufation eft démontrée fauffe; l'accufateur est condamné à 44000 livres de dommages-intérêts par forme de Réparation civile; & comme les accufés avoient articulé dans leurs plaidoyers, des faits qui tendoient à prouver que l'accufation étoit calomnieufe, M. l'avocat général en rendit plainte fur le champ, & requit que ces faits feroient rédigés par écrit & déposés au greffe, pour être préalablement informé fur ces faits; mais la cout joignit le tout à la caufe, pour être fait droit en jugeant, & ce fut alors que l'accufateur (*) fut décrété d'ajournement perfonnel. L'auteur de cet article eut la principale part dans cette affaire, l'une des plus célèbres & des plus intéreffantes qui fe foient jamais préfentées au palais; elle fut plaidée pendant dix-neuf audiences les grand'chambre & tournelle affemblées.

Cet arrêt décide plufieurs points importans; le premier confiftegens ce que les Réparations civiles s'accordent même en matière grave, fans qu'il foic

33

[ocr errors]

(*) » Faifant pareillement droit for les conclufions de notre procureur général, ordonne qu'à la requête & par» devant M. Nouette, confeiller, que la cour commet à cet effet, il fera informé des faits portés en la plainte de notre » procureur général, reçue par l'arrêt de la cour du 25 juillet » dernier, circonftances &dépendances; & dès à préfent » ordonne que la partie de Tronfon du Coudray fera ajournée » à comparoir en perfonne, pour être ouie & interrogée par» devant ledit confeiller commis, fur les faits fur lefquels » notre procureur général voudra le faire ouïr & interroger » pour lefdites informations faites & interrogatoire fubi, communiqué à notre procuteur général, être par lui requis & » par la cour ordonné ce qu'il appartiendra. Si mandons mettre »notre prféent arrêt à exécution felon fa forme & reneur. » Fait & donné en notredite cour de parlement, la grand» chambre affemblée, le 13 août 1781, & de notre règne le huitième, Collationné DE BRET. Par la chambres.

ลง

[ocr errors]

néceffaire de fubir les formalités de l'inftruction; l'accufé peut arrêter cette inftruction par un fait péremptoire qui prouve fon innocence; le fecond, en ce que l'accufation, comme calomnieufe, n'intéreffe que le ministère public. La calomnie & la fauffeté de l'accufation font clairement diftinguées par cet arrêt. L'absolution des accufés, les Réparations civiles qu'ils obtiennent, leur font accordées contre l'accufateur, parce que cette accufation eft démontrée être nulle & mal fondée; cet accufateur est décrété d'ajournement perfonnel, parce que l'accufation eft fufpecte de calomnie.

L'impoffibilité d'accorder des Réparations en ce cas, ne laiffoit pas d'avoir des partisans. » On a » donc pu prétendre, difoit à cette occafion l'auteur de cet article que vous n'avez pas le droit de nous abfoudre & de nous venger.... Vous pouvez, melfieurs, vous pouvez nous abfoudre, ➜ vous pouvez nous venger, vous le devez; & les argumens qu'on vous a faits fuppofent l'ignorance ou des principes ou de l'état de la caufe; ils fuppofent que vous n'avez pas d'oreilles pour » entendre les inconféquences qui échappent au - défefpoir de l'accufateur & à fa mauvaife foi.

[ocr errors]

ས ' ༎

L'appel que nous avons interjeté devant vous » du fond des décrêts, eft purement dévolutif : vous êtes à la place du juge; nous foutenons que ce juge a erté, nous foutenons qu'il y a nullité & récrimination dans la plainte.... & tout » moyen de nullité, en matière criminelle, eft propofable en tout état de caufe, & en général il ne » peut être objecté trop tôt.

[ocr errors]

30

Nous foutenons

que, foit qu'il y ait nulliré, foit qu'il n'y en ait pas, l'accufateur doit être décrété fur fa propre information.

» Il doit l'être, puifqu'il eft convaincu d'avoir fuppofé un crime auquel appartient la peine de

"

» mort; il a fuppofé qu'on eft entré furtivement chez lui, & qu'on lui a enlevé des papiers de » conféquence; & il reconnoît .... la vérité lui arra» che l'aveu que ces papiers avoient été confiés par » lui-même à fon avocat.

Suit l'énumération de plufieurs faits qui conftatoient la calomnie, & dont l'avocat de l'accufateur prétendoit fe fervir pour mettre les accufés dans la néceffité de faire preuve de cette calomnie: il y avoit même une plainte en fubotnation rendue par l'auteur de cet article, qui fembloit favorifer ce moyen qui lui étoit oppofé; voici qu'elle fut fa réponse:

[ocr errors]

» En vain oppoferoit-on que la plainte en fu» botnation que j'ai rendue, eft une exception qui » ne fe peut décider qu'avec le fond du procès contre » l'accufateur & contre fes témoins.

[ocr errors]

» Je réponds que cette plainte en fubornation » n'a point encore eu fon encore eu fon cours; l'ordonnance m'at» corde un délai pour y renoncer; & celui qui propofe l'exception eft toujours le maître de l'a»bandonner. J'ai rendu cette plainte dans l'incer titude où j'étois de parvenir autrement à juftifier » mon innocence; je l'ai rendue, lorfque la procédure de mon adverfaire m'étoit inconnue; » mais aujourd'hui que le fecret en a percé de » toute part, & que je fuis justifié & au delà, ce » fecours me devient fuperflu.

ཐོ ས

» D'ailleurs, la fubornation en elle-même » n'eft point une action vulgaire; la pourfuite en appartient au ministère public, & il n'eft pas » de citoyens que fa vigilance ne raffure : la partie civile ne l'emploie ordinairement que comme

"

[ocr errors]

» moyen.

Á Rome même, on étoit le maître, en pour» fuivant une action née d'un délit, d'opter entre la voie civile & la voie criminelle; c'eft l'expreffion de plufieurs loix. On n'étoit jamais

« PreviousContinue »