Page images
PDF
EPUB

Lors du célèbre arrêt du 3 avril 1685, dont nous faifons mention dans cet article, la cour, dans le prononcé, ne s'eft fervie ni des termes de Répa rations civiles ni d'intérêts civils; elle adjuge trois mille livres à la veuve & aux enfans, fans fpécifier. à quel titre les parties fe fervoient de la dénomi nation d'intérêts civils.

Mais ce qui détruit plus particuliérement les principes de l'auteur qui donne lieu à ces réflexions, eft l'arrêt du 12 mars 1674, rendu contre une femme qui avoit formé une accufation capitale contre fon mati.

1o. Cet arrêt adjuge la Réparation en termes formels, comme peine principale & non pas comme peine acceffoire.

2o. Cet arrêt l'adjuge au profit de l'accufé contre l'accufateur & fans aucune inftruction contre la

[ocr errors]

partie condamnée.

Cet arrêt fut rendu contre la veuve Cupif, femme du fieur Dumefnil, au profit de ce dernier & de fa fille du premier lit (*).

[ocr errors]

» que lesdits dommages & intérêts aient été demandés par la partie qui les aura obtenus, & defquels ces parties pourront faire remontrance par ledit procès cc. Ordonnance 1539,

article 88.

[ocr errors]

» Tous greffiers, même de nos cours & ceux des feigneurs feront tenus de prononcer aux accufés les arrêts, fentences & jugemens d'absolution ou d'élargiffement le même jour qu'ils auront été rendus ; & s'il n'y a point d'appel par nos procureurs ou ceux des feigneurs dans les vingt-quatre heures, mettre les accufés hors des prifons & l'écrire fur »le regiftre de la geole: comme auffi ceux qui n'auront été » condamnés qu'en des peines & Réparations pécuniaires, en » confignant entre les mains du greffier les fommes adjugées pour amendes, aumônes & intérêts civils «. Ord. 1670.

[ocr errors]

(*) Voici le prononcé de la fentence & de l'arrêt:

[ocr errors]

Entre dame Françoile le Marie, veuve de Chriftophe

Quoique la Réparation civile fe pourfuive à la requête de la partie civile, cependant le juge peut la prononcer d'office, lorfqu'il voit qu'il peut le faire utilement, comme dans le cas où il y auroit des mineurs dont il fût fait mention au procès; ce principe fut agité & reconnu contradictoirement lors. du célèbre arrêt du 3 avril 1685.

Cet article eft divifé en quatre paragraphes. Dans le premier, on traite de ceux à qui s'accorde la Réparation civile, & de ceux contre qui elle s'accorde; dans le fecond, de la manière de l'arbitrer; dans le troifième, de la faveur fous laquelle elle eft envifagée; dans le quatrième, de ceux à qui elle appar

30

39

[ocr errors]
[ocr errors]

Cupif, vivant écuyer, fieur d'Auffigné, & à préfent femme » de maître Etienne Dumefnil, feigneur des Broffes & d'Auffigné, confeiller & avocat du roi au préfidial d'Anjou à Angers, non commune en biens avec lui, autorisée par »fon contrat de mariage à tous effets, & par juftice à la pourfuite de l'accufation, appelante d'une fentence rendue » par le lieutenant criminel en la fénéchauffée du Maine & » préfidial du Mans, le 3 feptembre 1672, d'une part; & » ledit maître Etienne Dumefnil, & damoiselle Claude Du» mefni!, fa fille du premier mariage, intimés, d'autre part. » La cour, fans s'arrêter à ladite requête, faifant droit fur l'appel de la fentence & procès par écrit, a mis & met » l'appellation & fentence de laquelle a été appelé, au néant, " en ce que ladite Marié auroit été condamnée vers lefdits "Dumefnil & fa fille, chacun en la fomme de fix mille » livres de Réparation; émendant quant à ce, l'a condamnée " en quatre mille livres de Réparation envers ledit Dumefnik, » & deux mille livres envers ladite Dumefnil fa fille, ladite » sentence au réfidu fortiffant effet. Et fur l'appel des confrontations faites par ledit lieutenant criminel du Mans, l'appellation au néant; ordonne que ce dont a été appelé » fortira effet; a condamné ladite le Marié en l'amende de » douze livres & ès dépens, néanmoins tant des caufes principales que d'appel vers lefdits Dumefnil & fa fille, chacun » à leur égard. Fait, &c.

[ocr errors]

tient, lorsque celui qui l'a obtenue décède avant qu'elle ait été acquittée.

S. I. De ceux à qui s'accorde la Réparation civile, & de ceux contre qui elle s'accorde.

La Réparation civile eft due à tout accufateur qui parvient à prouver l'accufation qu'il a intentée contre celui qu'il a accufé.

Elle eft due au contraire à l'accufé contre l'accufateur, s'il parvient à justifier son innocence.

L'accufateur peut être de bonne foi dans l'accufation; il peut avoir été trompé & avoir pris les apparences de la preuve pour la preuve elle-même: cette erreur le fouftrait aux recherches du miniftère public, mais ne l'excufe pas aux yeux de l'accufé. Certe erreur eft fon fait, il doit réparer le tort qu'elle a caufé à l'innocent dont il a expofé l'honneur ou la vie, ou même la vie & l'honneur.

L'accufé n'a point à examiner quel deffein a conduit fon accufateur; il doit fe borner à fe juftifier & à prouver que l'accufation eft fauffe ou téméraire dès que cette juftification eft opérée fur l'un de ces points, la Réparation lui eft due; il ne doit entrer dans la difcuffion des motifs qui ont déterminé fon accufateur, qu'autant que l'évidence de ces mêmes motifs ferviroit à accé lérer fa juftification ou la mettre dans un plus grand jour.

La calomnie de l'accufation n'intéresse que la partie publique, qui doit déployer la févérité de fon ministère, & requérir une peine, fuivant que les faits fur lesquels porte cette calounie font plus ou moins graves.

[ocr errors]

L'accufé, pour obtenir cette Réparation, doit diffiper tous les nuages qui couvrent fon innocence;

[ocr errors]

il doit détruire l'enfemble de la preuve; tant que cette preuve laiffe un doute, il ne peut prétendre à cette fatisfaction.

L'accufateur, en ce cas, en eft également privé. L'innocence & le crime doivent être dans un même degré d'évidence.

Mais il faut obferver que le défaut de preuve opère de droit la justification de l'accufé, & que l'accufateur eft condamné par cela même qu'il manque de preuve.

tés

7

Ceş principes, dictés par la raifon, ont été adop par l'ordonnance. L'article du titre 3 de celle de 1676, en contient la difpofition précise. D'après cet article, il fuffit que l'accufateur ou le dénonciateur foit mal fondé, pour que l'un ou l'autre foit condamné aux dépens, dommages & intérêts des accufés, & à plus grande peine s'il y échet.

Ici M. Jouffe eft en oppofition avec ce texte qu'il a commenté. Il femble vouloir obliger l'accufé à faire preuve de la calomnie de l'accufation; & rien n'est plus contraire à l'efprit & à la lettre de l'ordonnance, comme rien n'eft plus contraire à la tranquillité des citoyens & à l'ordre public.

Ce commentateur prive de toute Réparation l'accufé qui fait tomber l'accufation par les reproches contre les témoins. Si ces reproches font for dés, & que ces dépofitions une fois écartées, il ne refte plus aucune preuve, la Réparation eft due. C'est à l'accusateur ou au dénonciateur à s'affuter des faits qu'il dépofe dans le fein de la juftice, ainfi que de la confiance que méritent les témoins qu'il entend lui adminiftrer.

L'ordonnance n'aftreint l'accufé à faire preuve de la calomnie que contre l'accufateur ou le dénonciateur qui s'est défifté; & certe diftinction qu'elle introduit n'eft que pour les dépens & les dommages-intérêts que pourroit prétendre l'accufé, à raifon

du préjudice qu'il auroit fouffert & des frais qu'il auroit faits depuis ce défiftement; mais non pas les dommages-intérêts réfultans du préjudice qu'il reçoit de la plainte ou de la dénonciation par elle

même.

Le titre de l'accufé eft la plainte ou la dénonciation; il lui eft dû des dommages & intérêts qui font plus ou moins confidérables, fuivant que l'accufateur ou le dénonciateur s'eft défifté ou qu'il a perfévéré.

3

Telle eft l'expreffion même de l'articles du titre de l'ordonnance de 1670. L'article 7 établit une diftinction: fi l'accufateur qui s'eft défifté eft de bonne foi, il ne doit de Réparations que relativement au tort qu'il a occafionné par le fait de fa plainte; fi au contraire cette plainte eft calomnieuse, il doit cette Réparation pour le préjudice que l'accufé a fouffert dans tout le cours de l'instruction. Et rien de plus équitable ni de plus jufte dans l'efprit de l'ordonnance. D'un côté, il falloit raffurer les citoyens contre la légèreté ou l'inconféquence des dénonciateurs, en leur infligeant une peine; de l'autre, mettre un frein à la méchanceté, en augmentant cette même peine contre eux; & puifque l'ordonnance n'accorde aucun recours à l'accufé contre le ministère public, foit pour la Réparation, foit pour les dépens, il étoit jufte de lui accorder cette Réparation & ces dépens contre le calomniateur

convaincu d'avoir armé ce même ministère.

Quoique l'ordonnance ne faffe mention que des accufateurs & des dénonciateurs, expreffions qui ne conviennent qu'à des particuliers qui ont fait un acte judiciaire; cependant tous ceux qui peuvent être convaincus d'avoir inftigué une accufation ou d'y avoir participé, peuvent être recherchés & pourfuivis en Réparation.

La fignature fur le regiftre, à laquelle le dénonciateur eft obligé par l'article 6 du titre 3 de l'or

« PreviousContinue »