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deux auteurs, on ne croit cependant pas que leur opinion doive être fuivie.

Les prefcriptions annales font de rigueur; il fauc qu'elles foient établies par une loi claire & pofitive; il n'eft pas permis de les étendre par interprétation & fous prétexte de fimilitude. Larticle 227. de la coutume de Paris, établit la prefcription annale contre les drapiers, merciers, épiciers, &c. La coutume de Normandie & beaucoup d'autres ont de femblables difpofitions; mais cela n'a aucun rapport aux Réparations des bénéficiers. Les prefcrip tions annales dont on vient de parler font des exceptions à la règle générale, exceptions introduites pour le bien & l'utilité du commerce: encore, dans l'ufage, admet-on les marchands compris dans les difpofitions des coutumes, à exiger, même après l'année révolue, le ferment de ceux qu'ils actionnent pour marchandifes fournies, comme ils les ont réellement payées.

Pourquoi adapteroit-on cette prefcription extraor dinaire aux Réparations des bénéfices, lorfque la loi ne la leur applique pas ? Pourquoi éteindre par un fi court délai une action favorable en ellemême ? Les loix publiques du royaume & les canons femblent avoir pris de concert toutes les précautions poffibles pour affurer les Réparations des bénéfices, en deftinant un tiers des revenus * cer ufage; la prefcription annale détruiroit ces vûes fi fages. Un titulaire prend poffeffion d'un bénéfice où il y a pour vingt mille livres de Réparations à faire; il le pofféderoit pendant trois ans ou même pendant quinze ou vingt mois ; il ne répareroit rien & n'actionneroit point fon prédéceffeur ou fes héritiers; il décéderoit infolvable; fon fucceffeur ne pourroit, dans ce cas, attaquer fon prédéceffeur médiat, qui le repoufferoit

avec la prefcription annale ou triennale. Il feroit injufte de charger le nouveau titulaire de Réparations confidérables qui ne font ni de fon fait, ni de fon temps; il faudroit donc recourir à des emprunts onéreux aux bénéficiers; de pareilles conféquences doivent néceffairement faire rejeter le principe d'où elles dérivent.

Le parlement de Rouen, fur la jurisprudence duquel on voudroit s'erayer pour établir la prefcription annale en fait de Réparations des bénéfices, ne l'admet pas, à en juger par fon arrêt du 4 juillet 1719, que l'on trouve dans Duperray, traité fur le partage des fruits des bénéfices, page 468. Cet arrêt a décidé qu'un réfignant peut être attaqué pour les Réparations d'un bénéfice qu'il a résigné même après l'année de la paifible poffdflion de fon réfignataire. M. de Ménibus, avocat général, qui porta la parole dans cette affaire, s'éleva avec force contre la prétendue maxime établie en Normandie, qu'un bénéficier ne peut être inquiété pour les Réparations d'un bénéfice qu'il a quitté, un an après la paifible poffeffion de fon fucceffeur; ce magiftrat qualifia la propofition de ridicule » Il eft vrai, ajouta-t-il, que par notre coutumie les femmes douairières n'ont plus d'action contre les héritiers » de leurs maris pour faire mettre leur lot à douaire en Réparation, après qu'elles ont laiffé passer une année fans le demander; mais cela a t-il quelque application aux bénéfices «? L'arrêt qui intervint décida que non.

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On ne peut donc pas borner l'action en Réparation à un an; il feroit également téméraire de la borner à trois ou cinq ans, parce qu'il n'y a ni loi, ni ordonnance, ni coutume qui lui fixe un de

ces termes.

Il faut donc s'en tenir aux principes généraux sur

la durée des actions; celle en Réparation des bénéfices eft conftamment une action perfonnelle : or, toute action personnelle dure trente ans. Tant qu'il n'y aura point de loi qui faffe une exception, l'action en Réparations ne peut être éteinte par une prefcripaion d'un moindre temps.

Il est vrai qu'il y a des arrêts, & notamment un du grand confeil, qui a jugé non recevable un abbé qui intentoit une action en Réparations cinq ans après fa prife de poffeffion. Ce ne fut pas parce que fon action étoit prefcrite par le laps de cinq années, mais parce que les experts avoient rapporté qu'ils ne pouvoient diftinguer les Réparations du temps de l'ancien titulaire, d'avec celles furvenues depuis fa mort. Cet arrêt, qui depuis a été rétracté par la voie de la requête civile, fous prétexte de quelques formalités omifes, ne détruit point le principe que nous avons pofé; il prouve feulement qu'un bénéficier prudent ne doit point laiffer écouler de longues années avant de fe pourvoir pour les Réparations contre fon prédéceffeur ou fes héritiers, parce que pendant un efpace de temps confidérable, il peut arriver des événemens qui rendent inutiles la science & la fagacité des experts pour diftinguer les anciennes & les nouvelles Réparations, ce qui forme contre lui une fin de non recevoir infurmontable.

Mais l'action en Réparations des bénéfices ne doit elle pas être prorogée jufqu'à quarante ans. C'est une queftion fur laquelle nos jurifconfultes actuels ne font pas d'accord.

Dans l'action en Réparations, l'action perfonnelle fe trouve jointe à l'action hypothécaire. Plufieurs de nos coutumes prorogent jufqu'à quarante ans ces fortes d'actions. Une foule d'arrêts, tant anciens que nouveaux, ont jugé conformément aux difpofi

tions de ces coutumes, qui ont été puiféés dans la fameuse loi cùm notiffimi, au feptième livre du code, titre loi 7.

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Cette loi a été vivement critiquée par plufieurs auteurs, & fur-tout par d'Argentré. Ils ont trouvé abfurde que l'hypothèque pût proroger l'action perfonnelle au delà de trente ans. L'hypothèque difent-ils, qui n'eft point en elle-même une action mais la dureté d'une action, n'a d'autre base & d'autre fondement que l'action perfonnelle; elle n'en eft, pour ainfi dire, que l'accident ou l'acceffoire; l'action perfonnelle ne dure que trente ans ; après cet espace de temps elle est éteinte. Comment l'hypothèque peut-elle encore fubfifter, ou, pour mieux dire, comment. peut-elle commencer alors à exifter? Car l'action n'eft prorogée jufqu'à quarante ans que parce que l'action perfonnelle, qui ne dure que trente ans, étant finie, on fait alors commencer l'hypothèque qui dure dix ans, ce qui forme l'espace de quarante ans faire commencer l'hypothèque lorsque l'action perfonnelle est éteinte c'eft fuppofer que les qualités accidentelles ne commencent à avoir de l'être que lorfque le fujet n'existe plus; que le fidejuffeur ne commence à devoir que lorfque le principal débiteur a éteint fon obligation.

Mais file parlement de Paris & plufieurs autres tribunaux de ce royaume ont prorogé jufqu'à quarante ans l'action perfonnelle accompagnée de l'hypothécaire, ce n'eft que quand l'hypothèque eft conventionnelle, & non pas quand elle n'eft que tacite ou légale. C'eft ainfi que le mineur, & la femme pour fon douaire, n'ont que trente ans pour fe pourvoir, l'un contre fon tuteur, & l'autre contre la fucceffion de fon mari; l'hypothèque eft, dans ces deux cas, jointe à l'action perfonnelle : cependant l'action ne dure que trente ans, parce que

Thypothèque n'eft pas conventionnelle; elle n'existe que par la force de la loi.

Quand on adopteroit donc la loi cùm notissimi il faudroit la reftreindre aux actions perfonnelles auxquelles l'hypothèque conventionelle eft jointe; tous les auteurs conviennent qu'elle n'a point parmi nous d'application, lorsque l'hypothèque eft feulement tacite ou légale.

D'après ces principes, il eft impoffible de proroger jufqu'à quarante ans l'action en Réparations des bénéfices; elle eft perfonnelle, accompagnée', à la vérité, de l'hypothèque; mais cette hypothèque n'eft que tacite & légale; elle eft de la nature de celle de la femme pour fon douaire, du mineur pour l'adminiftration de la tutelle. Telles font les raifons de ceux qui prétendent que l'action en Réparations des bénéfices ne peut durer au delà de

trente ans.

Ceux qui ont embraffé l'opinion contraire, répondent, que l'action hypothécaire n'ajoute rien ici à l'action perfonnelle, parce que l'action perfonnelle elle-même dure quarante ans pour les Réparations. Cette action, difent-ils, appartient à l'églife, & non au bénéficier. Celui ci, comme adminiftrateur, exerce l'action de l'églife pour les Réparations; mais cette action eft une action réelle pour le rétabliffement du bénéfice : c'eft l'intérêt de l'églife, & non du bénéficier qui agit. Preferire contre l'action en Réparations, c'est donc prefcrire contre l'églife. Or, on ne prefcrit contre l'églife que par quarante ans; donc l'action en Réparations doit durer quarante ans. Ce n'eft pas parce que l'action hypothécaire eft jointe à la perfonnelle; mais c'est parce que l'action perfonnelle elle-même étant à l'églife, étant un droit réel de l'églife, ne peut fe preferire que par quarante ans. Me. Piales paroît avoir adopté cette dernière opinion; mais la

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