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appuie fa défense; c'eft ce qui résulte de la maxime, reus excipiendo fit actor, combinée avec celle qui oblige le demandeur à produire tout ce dont il fait emploi pour juftifier fes prétentions.

En fecond lieu, il eft pareillement hors de doute, que de toutes les pièces qu'un défendeur peut avoir en fa poffeffion, il doit exhiber celles qui appartiennent à fon adverfaire ou qui ont été faites pour lai.

C'est par cette raison que le prêteur, chez les Romains, obligeoit les officiers connus fous le nom d'argentarii, à repréfenter aux particuliers pour lefquels ils avoient travaillé, les comptes & notices qu'ils avoient tenus (*).

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C'eft fur ce fondement que la loi D. de edendo, & la loi 46, §. 5, D. de adminiftratione tutorum, impofent au tuteur la néceffité d'exhiber à fon pupille les regiftres & papiers qui contiennent les détails de fa geftion.

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Le parlement de Flandres à pareillement décidé, 3 octobre 1698, qu'un receveur d'abbaye contre le compte duquel on fe pourvoit en ré» collement, peut être contraint d'exhiber les no»tices particulières de fon adminiftration «. Ce font les termes dans lefquels M. Desjaunaux trace le fommaire de cet arrêt.

Troisièmement, la loi, 7, C. de edendo, fait entendre très clairement que le défendeur eft obligé de repréfenter les titres communs entre lui & le demandeur.

De là, l'arrêt du parlement de Flandres du pre

(*) Prætor ait : Argentaria menfa exercitores rationem qua ad fe pertinet, edant adjecto die & confule. Hujus edicti ratio æquillima eft, nam cùm fingulorum rationes argentarii conficiant, æquum fuit id quod mei causâ confecit, meum quodammodò inftrumentum mihi edi.

mier février 1703, rapporté par M. Desjaunaux, qui juge que le furvivant de deux conjoints ne peut refufer de donner communication aux héritiers » du prédécédé, des difpofitions qu'il peut avoir faites, foit conjointement ou féparément «.

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De là, l'arrêt de la même cour du 26 novembre 1708, fuivant lequel les comptes des communautés des villages font publics, & les habitans n'en peuvent refufer la communication à ceux » avec qui ils font en procès «. Ainfi s'exprime le magiftrat que nous avons déjà cité plufieurs fois.

De là, le droit qu'ont les légataires de demander l'exhibition de tous les titres & papiers du défunt lorfque l'héritier veut, fous prétexte d'infuffifance de la fucceffion, faire fur leurs legs la détraction d'une quarte falcidie. La loi pénultième, §. dernier, D. ad legem falcidiam, eft formelle fur ce point.

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De là, l'obligation de l'héritier de représenter au légataire tous les titres & documens dont il peut avoir befoin pour déterminer l'étendue de fon legs, comme le prouve la loi 29, §. 2, & la loi 91, §. 3, D. de legatis. 3°. On a vu à l'article LÉGITIME, tome 35, page 392, qu'il en eft de même à l'égard du légitimaire.

De là, l'arrêt du parlement de Provence du 31 janvier 1639, rendu, dit Brillon, fur la question file demandeur peut contraindre le détendeur à » lui faire exhibition de pièces. L'exhibition de pièces ne fut point ordonnée, parce que le fidéi» commis n'étoit point encore ouvert; mais il fut dit que les pièces feroient confervées par le défendeur & paraphées par le demandeur «<,

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De là enfin, le droit qu'ont le feigneur & le vaf fal de fe faire réciproquement exhiber leurs titres respectifs. Le nommé Defardoise demandoit au duc de Lorraine communication des anciens aveux qui avoient été faits pour un fief qu'il tenoit de lui,

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afin d'y conformer le nouveau qu'il vouloir faire. Le duc de Lorraine s'oppofoit à cette demande ; mais elle fut adjugée à Defardoi e par arrêt du 10 mai 108. Le chapitre métropolitain de Cambrai prétendoit un droit de terrage fur des terres appar tenantes au nommé Coupigni: les communautés de Bourfier, d'Oigner & d'Emicourt intervinrent au procès, & demandèrent communication de tous les titres, papiers & documens relatifs à cette prétention. Le chapitre s'y refufa; mais il fut con lamné par arrêt du parlement de Flandres du 10 février 1767.

Mais un feigneur peut-il, en faifant renouveler fon terrier, obliger fes vaffaux, non seulement à lui exhiber leurs titres de propriété & de poffeffion, mais encore à les dépofer au greffe pendant un certain temps? J'ai foutenu & fait juger l'affirmative dans une caufe dont voici l'efpèce.

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Le fieur de Taffin, feigneur de Troisviller en Cambréfis, ayant obtenu des lettres de terrier, fic condamner les abbé & religieux de Saint-Aubert & le baron d'Hanmez, à produire, fous due expurgation de feriment, tous les titres & papiers, baux n anciens & modernes, & autres pièces juftifica-»tives de leur propriété ou jouiffances de toutes & chacune les terres énoncées aux déclarations par eux produites «. Cette fentence, rendue le 28 août 1775, fut fuivie, de la part des religieux & du baron d'Hanmez, de plufieurs incidens qui tendoient à en éluder l'exécution. Le 30 mai 1776, il en intervint une autre qui leur ordonna de » rapporter les baux retenus par les uns & retirés » par l'autre, pour être déposés au greffe du fiége pendant huitaine, & pouvoir pendant ce temps en » être pris toute infpection & appaisement convenables. Les religieux & le baron d'Hanmez interjetèrent appel de cette fentence au bailliage de Cam

brai, & offrirent, comme par furabondance, de faire expédier au fieur de Taffin des copies collationnées de leurs baux, moyennant le payement des frais des expéditions. Pat sentence du 24 août de la même année, les juges du bailliage de Cambrai décretè rent les offres des appelans, & condamnèrent l'intimé aux dépens. Appel au parlement de Flandres de la part du fieur de Taffin: voici les raisons que j'ai employées pour lui.

L'obligation des vaffaux & tenanciers de rapporter leurs titres au terrier de leur feigneur, ne peut plus faire aujourd'hui la matière d'un problême : elle eft fondée, fuivant tous les feudiftes, fur le principe que la poffeffion civile des fiefs & cenfives appartient au feigneur dominant: Vera, dit Dumoulin, & propria civilis poffeffio feudi eft penes. primum dominum. Ainfi, lorfqu'un feigneur demande l'exhibition des titres de fes vallaux & cenfitaires, il ne demande rien qui lui foit étranger, il ne fait que réclamer fon propre bien; c'eft, pour ainfi dire, en fon nom que ses vaffaux & cenfitaires ont póffédé, contracté & agi; il ne leur fait donc pas d'injuftice en les obligeant de lui rendre une espèce de compte de leur adminiftration, ou, en d'autres termes, en fe faifant repréfenter les actes qu'ils ont pallés relativement aux poffeffions qu'il leur a concédées. D'après cela, il eft fenfible que les vaffaux & centitaires ne doivent pas fe borner en cette matière à une exhibition momentanée de leurs titres; ces titres appartiennent au feigneur jure principali & poteftalio, comme dir Chaffeneuz; le feigneur doit donc avoir un temps moral pour en faire l'examen. Le fentiment juftifie cette propofition, & s'il falloit des auteurs pour l'appayer, on en trouveroit en foule; nous ne rapporterons qu'un paffagé de Tronçon fur article 73 de la coutume de Paris, aux, mots exhiber les lettres. » Quand notre cou

» tume,

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» tume, dit-il, & les autres difent que l'acquéreur doit exhiber fon contrat d'acquifition au feigneur, » il ne fuffit de lui montrer, mais eft obligé de lui » délaiffer....... L'exhibition qu'est tenu faire le nouvel acquéreur d'héritage, ne s'entend d'une fimple » & nue édition, mais d'une actuelle communi»cation, telle que le feigneur direct & cenfuel puiffe voir & retenir quelque temps le contrat, » afin de s'inftruire de ce qui lui eft dû. L. 1, §. » edere, D. de edendo, coutume de Clermont en » Beauvoifis, article 113 «. Si cet auteur ne parle ici de que l'exhibition à faire par un nouvel acquéreur de fon contrat d'achat, c'eft uniquement parce que le texte qu'il commente n'a pas d'autre objet; mais il est évident qu'il faut dire la même chofe des titres anciens, lorsqu'il s'agit de la confection d'un terrier eadem ratio, idem jus. Auffi voyons-nous que les articles 6 & 7 de l'arrêt du parlement de Befançon du 26 août 1692 (*), contiennent abfolument la même difpofition que la fentence rendue à Troifvilles le 30 mai 1776.

Sur ces raifons, arrêt du 27 avril 1780, au rapport de M. Hennet, qui met l'appellation au néant, émendant, ordonne que la fentence des juges de Troifvilles fortira effet, condamne les intimés aux dépens des deux inftances d'appel.

Hors les cas dont on vient de parler, la règle générale eft qu'un défendeur n'eft pas tenu de repréfenter à fon adverfaire les titres qu'il en fa poffeffion, quoiqu'ils puiffent fervir à l'appui des prétentions de celui-ci. La loi 7, C. de teftibus, la loi dernière, C. de edendo, fout formelles fur ce point; & l'on trouve dans Papon, livre 8, titre

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(*) Cet arrêt eft rapporté ci-devant au mot ARPENTAGE. Tome LIV.

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