Page images
PDF
EPUB

jugé digne. L'intérêt de la fociété balance en cè cas celui de l'offenfé; cet intérêt s'oppose à ce qu'on réduife le condamné à un état où il lui feroit à charge à elle-même.

Quant à la jurifprudence des arrêts, on en a cité un grand nombre aux articles CALOMNIATEURS, INJURES, qui rendroient fuperflus ceux que l'on pourroit citer encore.

$ III. Faveur accordée à la Réparation çivile, & limitation de cette faveur.

La Réparation civile, les intérêts civils ou les. 'dommages & intérêts qui s'adjugent par forme de Réparation civile ou d'intérêts civils, produifent de droit la contrainte par corps; il en eft de même des dépens en matière criminelle, pourvu qu'ils foient auffi adjugés par forme de Réparation civile ou d'intérêts civils,

Le condamné infolvable eft obligé de refter en prifon. Si cependant il demande fon élargiffement, en donnant une caution quelconque, le juge eft le maître de l'ordonner; mais il faut pour cela que fon infolvabilité foit notoire. On tient pour maxime, qu'il n'eft point admis à la ceffion de ses biens.

Cette contrainte par corps, résultante de la Réparation civile ou des dommages-intérêts qui s'adjugent par forme de Réparation civile, & même des dépens qui s'adjugent dans cette forme, eft de droit contre toute perfonne de tout fexe & de tout âge. Les feptuagénaires y font foumis, de même les femmes mariées.

La jurifprudence a dégénéré, à cet égard, de fon ancienne rigueur. La partie civile n'étoit tenue à rien envers celui contre qui elle les avoit obtenus; mais aujourd'hui elle eft obligée à configner les alimens par avance: elle n'a pas en ce cas plus de

droit que le receveur du domaine, qui eft obligé de les configner pour les amendes & les aumônes,

Les Réparations civiles font cependant dues de préférence à l'amende adjugée au roi fur les biens du condamné; la cour l'a ainfi jugé le 28 février 1581, en la grand'chambre. Il s'agiffoit des biens de la femme du commiffaire Defclaircins, exécutée à mort pour avoir fait affaffiner fon mari. La conteftation étoit entre la mère du commiffaire & le fermier du domaine.

Cet arrêt eft rapporté dans Denifart; la cour en avoit rendu précédemment un autre celui-ci remonte au 10 mars 1660, & fe trouve, à cette date; dans le journal des audiences. M. Bignon, qui porta la parole dans cette caufe, après avoir obfervé que les anciens arrêts donnoient la préférence au roi pour l'amende fur les biens du condamné, voulut établir une diftinction. Ce magiftrat dit que l'extenfion de ce privilége avoit été modérée d'après la difpofition du droit; que la cour s'étoit bornée à préférer à l'amende qui s'adjugeoit au roi, les créances hypothéquaires qui étoient antérieures à cette amende, & non pas aux créances. fubféquentes, fans diftinction fi elles étoient fondées en droit d'hypothèque, ou fi elles n'étoient autre chofe qu'une pure action perfonnelle : mais, ajoutail, quand il y a concurrence du roi & du particulier, l'amende & ces intérêts civils ayant été adjugés par un même arrêt, tous les deux doivent venir par un même privilége, & avoir, par égale concurrence, ce qui leur a été adjugé fans aucune préférence, d'autant que l'intérêt civil & l'amende ont un même arrêt pour titre de leur hypothèque fur les immeubles du condamné.

Boc, c'étoit la partie civile, répondit que le roi n'avoit ni privilége ni concurrence : que l'intérêt civil fe prenoit par préférence à l'amende adjugée

3

[ocr errors]

au roi, quoique par le même arrêt. » En droit » dit-il, il eft certain que la condamnation qui » vient de la peine, n'emporte point de privilége fur les biens du condamné. La loi 17, ff. de jure fifci, y eft expreffe & formelle, in fomma fciendum eft omnium fifcalium' panarum petitio"nem creditoribus poft-poni. La même chofe eft » décidée par la loi 37 du même titre, quod placuit → fifco non effe panam petendam, nifi creditores, fuum recuperaverint «. Enfin, ajouta Boc, . l'intérêt civil qui eft adjugé à la partie tient lieu & place d'une dette légitime : il eft confidéré comme un créancier dans la fucceffion du condamné, & en ce cas le particulier doit être préféré au roi. Tels font les motifs de l'arrêt qui intervint en faveur de Boc. Le journaliste dit qu'il fut renda d'après les principes que Boc avoit fait valoir.

[ocr errors]

Le privilége qui permet à celui qui obtient la Réparation de retenir le condamné en prison, a fait agiter la queftion de favoir s'il le pouvoit au préjudice du banniffement prononcé par le même arrêt.

On diftingue s'il eft à temps ou à perpétuité hors du royaume; dans le premier cas, les prifons doivent être ouvertes au condamné. Le parlement de Bordeaux a rendu deux arrêts conformes qui font rapportés dans le journal du palais, à la date du 12 & du 15 feptembre 1671 tous deux ont été rendus dans le principe, que la peine afflictive qui regarde l'intérêt public, eft préférable à la fatisfaction d'un párticulier; la cour en prononçant réferva le droit de la partie civile, pour l'exercer après l'expiration du ban, fi les accufés n'y fatisfaifoient avant fon expiration.

pu

Ces deux arrêts jugent qu'ils ne pouvoient être retenus en prifon dans les lieux dont l'approche leur étoit interdite, ce qui ne dit pas qu'ils n'euffent être mis en prifon dans les lieux donc l'accès leur' étoit permis.

Le deuxième arrêt porte, que les prifons feront Quvertes au nommé Eyvart, pour tenir fon ban, fans préjudice, le ban fini, de le faire réemprisonner.

Ce qui rend cette queftion problématique, eft le principe qui veut que les peines foient subies de la manière qu'elles ont été prononcées.

Lotfque le banniffement eft perpétuel & hors du royaume, la Réparation civile doit être acquittée avant que le prifonnier foit élargi, La raifon de cette différence eft fenfible: cette condamnation feroit illufoire; & c'est un principe, que quand les couts ren dent un jugement, elles entendent en affurer ellesmêmes l'exécution. Une fois banni hors du royaume, il n'y auroit pas de moyen pour l'obliger à payer la Réparation. Defmaifons rapporte un arrêt conforme à cette opinion, fous la date du 20 mars 1660; cet arrêt fut rendu fur la demande en requête civile, formée par un nommé Rouffeau, & fur fa requête judiciaire tendante à ce qu'il fût reçu op polant à l'exécution de l'arrêt du 10 feptembre 1659, par lequel il étoit ordonné qu'il ne pourroit être élargi qu'en payant les amendes & les Réparations civiles auxquelles il avoit été condamné par l'arrêt du 20 mai précédent; & faifoit défense au greffier & au geolier de la conciergerie de le laiffer fortir, fi ce n'étoit en payant, à peine d'en répondre en leur propre & privé nom. Les parties de Rouffeau étoient les religieux Auguftins intervenans, & le chevalier de Curton, marquis de Chabanne, Cet arrêt fut rendu fur les conclufions de monfieur Portail.

i

Le condamné ne peut oppofer la compensation; ce feroit porter atteinte au principe qui ne permet en aucun cas que l'action qui naît de la Réparation puiffe jamais être confondue parmi les autres biens de celui en faveur de qui elle a été prononcée: elle eft tellement attachée à fa perfonne, qu'aucun évé

nement ne peut en empêcher ni en fufpendre l'application. Il y a cependant des docteurs qui penfent le contraire: nous en avons fait l'obfervation au mot COMPENSATION, page 442; mais on doit la préférence à ceux qui rejettent la compenfation en ce cas, comme mieux fondés en principe & en raifon, Il eft certain que la compenfation eft une fiction qui ne peut s'exercer fur une dette pénale, & qu'il est de l'effence des peines qu'elles ne puiffent être acquit tées, fuivant l'expreffion des auteurs, par équipollence ni par fiction; elles doivent toujours être fubies de la manière qu'elles ont été prononcées : fi, difent ceux dont nous embraffons l'opinion, & de de ce nombre font Dumoulin parmi les anciens, & Lacombe parmi les modernes la compenfation éroit admife pour les Réparations civiles, des créanciers pourroient impunément fe porter contre leurs débiteurs infolvables à des excès repréhenfibles. Les tribunaux, pour 'venger les débiteurs opprimés, leur adjugeroient en vain des Réparations civiles puifque les condamnés en feroient quittes pour oppofer la compenfation, & donner ainfi quittance de fommes dont ils auroient défefpéré de se faire payer.

2

Lorfque plufieurs perfonnes font accufées du même crime, la Réparation eft adjugée contre tous folidairement, fauf leur recours contre les autres, pour répéter fur chacun d'eux fa part de cette Réparation. Leg. 6. ff. de publicand. & veftig. Il n'eft pas néceffaire que cette folidité foit énoncée dans l'arrêt; elle est de droit.

La jurifprudence a rejeté cette compenfation; on cite plufieurs arrêts, entre autres un du 15 mars 1664, rapporté dans le dictionnaire de la ville. Denifart en a recueilli plufieurs, dont voici l'espèce.

Le nommé le Goix & fa femme ayant été accufés, ch 1718, de banqueroute frauduleuse par

« PreviousContinue »