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remplir ses devoirs envers le gouvernement en sa qualité de fonctionnaire;

Vainement les bureaux ont-ils repoussé la proposition Mauguin pour une enquête, et la proposition Salverte pour une communication des pièces;

Vainement Laffitte, etc., soutiennent-ils que l'ordre du jour motivé de Ganneron est inusité, contraire au règlement, infiniment dangereux;

Vainement Odilon-Barrot croit-il tout concilier en désavouant Mauguin et en proposant l'ordre du jour pur et simple;

Casimir Périer, qu'encouragent tant de concessions, veut habilement exploiter ses avantages.

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Dites formellement, s'écrie-t-il, si nous sommes coupables des accusations portées contre nous, ou si vous nous croyez dignes de votre confiance; adoptez la proposition de M. Ganneron; ne nous laissez pas sous le poids d'une accusation qui n'aurait pas été purgée.»

Et 221 voix contre 136 adoptent ce fameux ordre du jour motivé! Et la chûte de Varsovie, qui pouvait briser un trône, et qui devait renverser le ministère, si la discussion avait été concentrée sur la Pologne, c'est-à-dire si Casimir Périer ne l'avait pas détournée sur les émeutes, est momentanément pour lui l'occasion d'un triomphe dans la chambre !!!!....

Mais ce triomphe surpris n'est qu'un mensonge; point d'enquête, point de pièces; par conséquent pas de jugement! et, comme le disait Casimir Périer, le gouvernement reste sous le poids d'accusations non purgees!....

Séance du 9 avril 1832.

Quelle affligeante et honteuse métamorphose! Le gouverneinent, qui proclamait si haut sa sympathie pour la Pologne, demande une loi pour parquer, emprisonner, expulser les Polonais proscrits, quand la France entière voudrait les porter en triomphe pour adoucir leurs malheurs.

Au début de cette session, dit Coulmann, empreinte de la volonté de notre généreuse nation, avec la certitude que tout est possible et facile à l'enthousias me français, que demandiez-vous au gouvernement? C'était de mettre L'épée même, s'il ne restait pas d'autre moyen, dans la balance de la cause polonaise, qui, à la honte des gouvernemens de l'Europe, a vu fléchir le courage et la justice devant la vengeance et le despotisme.

« Quelques mois sont à peine écoulés, Varsovie est tombée; un ukase réunit à jamais le royaume de Pologne à l'empire russe; ses plus nobles enfans sont proscrits, dépouillés, assassinés; et nous, défendus, protégés, sauvés par eux de l'invasion, de la guerre, et peut-être de la contre-révolution, la politique vient.

déjà nous demander contre eux une loi de défiance, d'arbitraire et d'exception, quand nous ne sentons dans nos cœurs que confiance, reconnaissance et admiration pour eux.

<< Le roi et les chambres, dit Lafayette, ont engagé leur responsabilité et leur honneur à ce principe, que la nationalité po lonaise ne périrait pas. Eh bien ! Messieurs, cette promesse a-t-elle été remplie ? Vous connaissez les barbaries et le manque de foi qui ont mérité à l'empereur de Russie le nom de tyran, que je crois de

voir lui donner ici.

«Quand les Polonais, dit Od. Barrot, ont servi d'égide à la France, quand ils ont reçu, sur leurs poitrines, les coups dirigés contre nous, vous les mettez à la disposition de la police!

« Quand vous rentrerez dans vos foyers, dit Lamarque, ne vous exposez pas à entendre dire sur votre passage: Après avoir laissé périr la Pologne, ils persécutent les Polonais.

« Vous vous êtes associés au système du gouvernement, répond Barthe; et si votre raison et votre devoir vous font comprendre que la loi demandée est nécessaire, vous pourrez vous présenter dans vos départemens sans craindre les sympathies de personne.

« Je n'accuse point le ministère, dit Perreau, d'avoir subi une influence étrangère; mais le projet de loi serait venu de Saint-Pétersbourg ou d'Holy-Rood qu'il ne serait pas plus conforme aux vœux des gouvernemens absolus, plus contraire aux sympathies nationales.

« Les Polonais réfugiés, dit enfin Tardieu, ont traversé les départemens de l'Est. Les excellentes populations de ces contrées n'ont pu voir, sans une émotion profonde et la plus vive sympathie, le spectacle de tant d'infortune et de tant d'héroïsme. Elles m'avaient envoyé des pétitions que je n'ai pu déposer, par la raison que nous atteignons le terme de nos travaux.

Ha, si le juste-milieu ne se jouait pas des pétitions de la France, il n'est peut-être pas un village qui ne vous enverrait la sienne pour les Français du Nord!

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Mais l'odieuse loi Barthe est votée; le dernier président de la Pologne est forcé de quitter Paris ; et les héros, échappés à la vengeance des Cosaques mais toujours poursuivis par Nicolas, sont, par Louis-Philippe, contraints d'aller mourir sur les rivages d'Alger!

En deux mots, résumons ces longs et tristes débats.

Dès le principe, Louis-Philippe, blâmant les Polonais en les croyant trop faibles, les abandonne, les sacrifie, les condamne à périr, et ne fait rien pour les sauver.

« Louis XV, s'écrient-ils expirans, nous a du moins envoyé des « Choisy, des Vioménil et des Dumouriez Louis Philippe

<< ne nous a pas même envoyé un courrier!

Mais il n'ose pas avouer à la France qu'il abandonne la Pologne. Cependant il faut répondre à la tribune.

Hé bien, arguties, sophismes, mensonges, ruse, audace, violences, tous les moyens sont bons aux yeux de ses ministres et de ses agens pour tromper la chambre, la France et l'Europe.

C'est encore ainsi pour la Belgique : nous allons le voir.

$ 43.-Belgique.-Sa révolution.-D'abord secourue, puis abandonnée, trompée, opprimée. —Documens diplomatiques. —Débats parlementaires; nouveaux mensonges ministériels.

Violemment séparée de la France en 1814; unie, ou plus tôt soumise à la Hollande, sous le sceptre de Guillaume de Nassau, qui ne s'en dit pas moins roi légitime; n'ayant qu'un simulacre de Charte constamment violée; opprimée par son roi; vexée et humiliée par les Hollandais; irritée contre un ministre persécuteur; échauf– fée par l'exemple des journées parisiennes; la Belgique commence sa révolution à Bruxelles dans la nuit du 25 au 26 août, au sortir d'une représentation de la Muette.

Les armoiries royales sont effacées, la maison d'un journaliste mimistériel (ami du roi, quoiqu'échappé de galères), celles du ministre de la justice (le Peyronnet ou le Barthe des Pays-Bas), celles de plusieurs autres fonctionnaires publics, et l'hôtel du gouvernement, disparaissent devant la vengeance populaire.

Le peuple est armé ; la lutte s'engage avec les soldats; le sang coule; la troupe abandonne ses postes aux citoyens; la garde bourgeoise, subitement organisée, rétablit la tranquillité; le drapeau tricolore français, arboré d'abord, est remplacé par l'ancien drapeau Brabançon.

Mais on ne parle encore que de liberté, d'améliorations dans les institutions du pays, de suppression de plusieurs impôts écrasans pour le peuple, et du renvoi du ministre Van Maanen.

Une députation est envoyée à Guillaume, à La Haye, pour lui présenter une respectueuse adresse, et lui demander l'accomplissement de ces vœux populaires et la convocation des états-généraux. Presque toutes les autres villes, excepté Anvers et Gand, suivent l'exemple de Bruxelles.

Cependant on annonce que de nouvelles troupes marchent sur Bruxelles pour se joindre à celles qui s'y trouvent déjà. Le peuple veut s'opposer à leur entrée; on parlemente, on convient qu'elles attendront le retour de la députation.

Mais les journaux hollandais demandent à grands cris le châtiment des rebelles.

Les deux fils de Guillaume arrivent, le 31 août, pour entrer à la tête des troupes, et demandent auparavant que les armoiries soient rétablies et la nouvelle cocarde déposée.

Le peuple indigné s'apprête à la résistance; mais on parlemente, on négocie : les princes ne persistent pas, consentent à n'entrer qu'avec leur état-major, et font espérer que leur père donnera l'ordre d'éloigner les troupes.

Mais la députation est de retour; et Guillaume, qui a déjà convoqué les chambres pour le 13 septembre, et qui dit avoir horreur du sang, invoque ses prérogatives, ne veut faire aucune concession qui paraisse forcée, et exige préalablement soit la soumission de Bruxelles, soit l'entrée de ses fils à la tête des troupes.

L'irritation populaire est à son comble: on veut combattre; on veut expulser la troupe restée dans la ville.

Louvain et Liège, qui se sont insurgés, envoient des députations et des armes.

Les députés belges accourent et décident qu'ils ne se rendront pas aux états-généraux.

La Séparation de la Belgique d'avec la Hollande, sous la même dynastie, mais avec une constitution particulière, est prononcée.

Le prince d'Orange paraît consentir, promet de demander à son père la séparation, donne de l'espérance, fait sortir la troupe, et part pour La Haye.

Guillaume paraît vouloir céder alors, et révoque Van-Maanen : mais il n'est plus temps.

Vainement prend-il enfin le ton d'un maître irrité, menaçant les agitateurs et les anarchistes, invoquant, dans sa proclamation, la Providence et la légalité, et déclarant sa résolution de maintenir tous ses droits et de dompter la révolte.

Cette proclamation ne fait qu'augmenter l'indignation générale. Le 8, on nomme une commission de gouvernement chargée d'assurer le maintien de la dynastie et la séparation.

Cependant les chefs de la bourgeoisie hésitent, craignent, et regrettent presque d'être sortis de la légalité.

Les députés eux-mêmes changent de résolution, décident qu'ils se rendront aux états-généraux, et partent en effet.

Deux commissaires sont ensuite envoyés, porteurs d'une adresse aux états généraux, pour obtenir la séparation.

Mais le discours du roi, à l'ouverture de la session, est menaçant; les journaux ministériels provoquent à la violence; des députés sont insultés à La Haye ; et les deux commissaires, avertis du mauvais accueil qui peut leur être fait, repartent aussitôt après leur arrivée, sans avoir osé remplir leur mission.

Le discours de Guillaume a été brûlé sur la place publique à Bruxelles; l'exaspération est sans bornes; aux armes ! liberté ou la mort ! tels sont les cris qui se font entendre.

La garde bourgeoise veut d'abord dissiper les attroupemens; une rixe s'engage; des coups de fusils partent; quelques ouvriers sont tués ou blessés.

Le peuple s'irrite, désarme plusieurs postes, enfonce les portes de l'Hôtel-de-Ville, y trouve des caisses de cocardes orangistes et des armes cachées, crie à la trahison, et s'empare de tout ce qu'il rencontre pour s'armer.

Mais les troupes arrivent de tous côtés ; le péril est imminent ; ie peuple, sans rancune, fraternise avec la garde bourgeoise; on parle d'un gouvernement provisoire composé de trois membres dont ferait partie M. de Potter, dont on annonce l'arrivée d'exil; le tocsin sonne, la générale bat; tous les citoyens travaillent à la défense; et, comme à Paris, les rues sont barricadées et les pavés sont portés sur les croisées.

Le 22, une proclamation menaçante du prince Frédéric est introduite à Bruxelles, et ce prince fait arrêter deux jeunes gens qui lui sont envoyés pour l'engager à retirer cette proclamation.

Le 23, après plusieurs engagemens partiels hors de la ville, les troupes lancent sur elle une grêle de boulets, y entrent, pénètrent jusqu'au parc placé sur une hauteur et s'y retranchent. Là, le combat s'engage au chant de la Marseillaise: comme à Paris, on n'entend que le bruit du tambour et du tocsin, les coups de fusils coups de canon ; on ne voit que des blessés, des morts ou des

et les mourans.

26;

les

Le combat continue avec acharnement les 24, 25 et Hollandais tirent à boulets rouges, lancent des obus, et mettent le feu dans la ville

Mais, craignant d'être anéantis, ils sortent pendant la nuit. Un gouvernement provisoire est installé ; il rappelle et s'adjoint de Potter, que son dévouement à la liberté a fait bannir par les juges de Guillaume, et l'arrivée de ce patriote proscrit, dont la

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