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faction de l'é

Août 1792. la révolution ont cherché une cause à cette exalPrétendue tation démagogique, à ces crimes dont le tableau les tranger. frappait d'horreur; soit pudeur, soit calcul, ils ont essayé d'en renvoyer la honte à une faction de misérables que les puissances étrangères auraient payés pour égarer la liberté, et la déshonorer aux yeux du monde. Rien n'établit cette hypothèse, rien ne diminue, au profit d'un machiavélisme imaginaire, le dégoût et l'épouvante que tant d'actes coupables, tant de fureurs délirantes doivent inspirer: il faut que la France accepte pour elle ces souvenirs dans leur intégralité, et puissent-ils servir de leçon aux générations présentes! Sans doute les cabinets étrangers ont dû entretenir en France des agents payés pour surveiller les partis, pour accroître, s'il était possible, l'esprit de division ou de jalousie; mais ce n'est pas dans ces régions subalternes et viles qu'il convient de rechercher l'origine et le point de départ des événements et des crises de la révolution. Si l'on en doutait, il suffirait de s'en rapporter au témoignage des acteurs eux-mêmes de ces grandes catastrophes, à ceux qui, de nos jours, en ont revendiqué la sanglante responsabilité.

Adresse d'Anacharsis

Au nombre de ces prétendus agents de l'étranClootz. ger, dont on a assez injustement voulu grandir le rôle, beaucoup d'écrivains ont rangé le fanatique Anacharsis Clootz, ce ridicule orateur du genre humain, dont le nom a déjà figuré plusieurs fois dans cette histoire. Mais si l'on ne savait par expérience jusqu'où peut aller la déraison du cœur humain, on devrait croire, en effet, que Clootz était soldé par le ministre

Pitt ou par la police de Berlin, le jour où, paraissant Août 1792. à la barre de l'assemblée législative, il osa prononcer le discours suivant, dans lequel, sous prétexte de signaler tous les rois au couteau des jacobins, il semblait n'avoir d'autre but que de déterminer à une prompte levée de boucliers les souverains qui hésitaient encore à s'armer contre la France:

<< Législateurs, disait Clootz, la sagesse de vos dé«crets et la bravoure de vos armées élèvent chaque jour la nation française à une hauteur effrayante << pour les tyrans et consolante pour les opprimés. « Vous ébranlez tous les trônes... Il ne vous reste

plus qu'à mettre à prix la tête des tyrans. L'huma<«<nité vous conjure de pousser un eri tyrannicide «< contre Frédéric-Guillaume, contre le cannibale << Brunswick. Les Timoléon et les Ankarstroëm ont «< répandu quelques gouttes d'un sang impur, pour « arrêter un torrent de sang humain. Le cruel Gus<< tave ferait aujourd'hui un carnage affreux sur nos «< frontières, si Brutus-Ankarstroëm ne s'était pas dé<«< voué à son ingrate patrie. Un prétendu droit des «gens fut dicté par les rois, qui n'ont qu'une tête à «< perdre; mais une nation ne craint pas les repré«sailles. La ligue infernale moissonne notre valeu<< reuse et civique jeunesse, et nous balancerions à << porter la cognée à la racine de l'arbre venimeux!... « Un décret de proscription contre les monarques de « Pilnitz terminera promptement une longue série de <«< calamités. Il faut de puissantes craintes pour inti<< mider de puissants scélérats. Les républicains de la « Grèce et de l'Ausonie se connaissaient en vertus

Août 1792.

Premières exécutions ca

pitales.

«< publiques : imitons leur vénération pour les im<< mortels Scévoles. Donnons des couronnes de chêne << et des arpents fertiles aux vengeurs immédiats des << droits de l'homme, aux pacificateurs des empires, << aux exécuteurs courageux de la justice éternelle. <«< Quant à moi... je prononce le serment d'être <<< fidèle à la nation universelle, à l'égalité, à la liberté, « à la souveraineté du genre humain. Mon cœur est <«< français, mon âme est sans-culotte. »

Après s'être avilie en prodiguant des applaudissements à ce discours insensé, qui provoquait au régicide universel, l'assemblée décida que les Prussiens révolutionnaires seraient admis à combattre dans les rangs de l'armée française, et qu'ils seraient incorporés dans un corps appelé légion des Vandales.

Cependant le peuple était impatient de voir tomber la tête de ceux qu'il appelait les conspirateurs et les traîtres du 10 août, et le nouveau tribunal criminel élu dans la nuit du 17 au 18 août lui semblait encore apporter trop de lenteurs à satisfaire la vengeance publique. Le premier accusé qui comparut devant ce tribunal fut M. Collonet d'Angremont, accusé d'embauchage pour la cour : le 21 août, il fut condamné à avoir la tête tranchée sur la place du Carrousel; l'exécution eut lieu le soir même et aux flambeaux, afin de ne pas faire attendre jusqu'au lendemain la multitude, avide de sang. Quand le valet du bourreau eut pris la tête du supplicié pour la montrer au peuple, il tomba lui-même de l'échafaud, et resta mort sur la place. Étrange incident, qu'on aurait pu considérer comme le présage du sort ré

servé aux victimes d'abord, et, après elles, à leurs Août 1792. juges.

Le lendemain on procéda au jugement de M. Laporte, intendant de la liste civile. Il était accusé d'avoir soudoyé des écrivains contre-révolutionnaires et payé des placards qui provoquaient au renversement de la constitution. Des pièces qui établissaient ces tentatives de réaction royaliste avaient été saisies à son domicile: il n'en fallait pas tant pour convaincre les juges. En prononçant l'arrêt fatal, le président adressa à l'infortuné Laporte une exhortation à la fois puérile et cruelle, lui disant que si sa vie avait été funeste à sa patrie, il pouvait du moins servir ses concitoyens par l'exemple de sa mort. « Citoyens, s'écria Laporte en << montant à l'échafaud, puisse le sang que je vais << verser ramener la tranquillité et la paix, et terminer << nos discordes! » La vue de ce vieillard, livrant aux bourreaux sa tête blanchie, excita un moment parmi le peuple une compassion stérile. Vint ensuite le tour de Durosoy, rédacteur de la Gazette de Paris, accusé d'avoir correspondu avec les émigrés et pris part aux complots de la cour. Son supplice eut lieu le 25 août, en présence d'une multitude immense rassemblée sur le Carrousel « Quel bonheur pour un royaliste, << s'écria le courageux écrivain, de mourir pour son

prince le jour de Saint-Louis!» Et sa tête tomba, au bruit des acclamations du peuple. Deux jours après, quelques fabricateurs de faux assignats furent condamnés à mort, et subirent leur peine. Le tribunal prononça néanmoins quelques acquittements, et entre autres celui de M. d'Affry, colonel de la garde

Août 1792. suisse: ce vieux militaire avait affirmé qu'au 10 août il ne se trouvait pas aux Tuileries et n'avait pas commandé le feu. M. Montmorin, de Fontainebleau, fut aussi renvoyé d'accusation; mais l'auditoire, qui le confondait avec l'ancien ministre de ce nom, accueillit cette justice par des murmures.

Événements militaires

Tandis que le peuple se répandait en plaintes contre la lenteur ou la faiblesse des juges, les événements de la guerre commençaient à prendre un caractère plus sérieux.

Nous avons dit par quelles inexplicables défaites la depuis le mois campagne s'était ouverte, vers le nord, dès les derniers d'avril jusqu'à jours d'avril. La retraite honteuse des corps d'armée Dumouriez, chargés par Dumouriez de commencer une guerre

l'arrivée de

d'invasion ayant forcé les généraux français de renoncer à prendre l'offensive, ils s'étaient bornés à couvrir de leur mieux les frontières, cherchant à aguerrir les nouvelles recrues, à rétablir, s'il était possible, les liens de la discipline militaire. Toutefois, du côté de l'Alsace, nos soldats avaient paru plus heureux. Le jour même du combat de Quiévrain, Custine, qui commandait sous les ordres de Luckner, était entré dans la principauté de Porentruy, appartenant alors au prince-évêque de Bâle, et il s'en était rendu maître sans coup férir. A la suite de cette facile victoire, il avait élevé sur la montagne de Laumont des retranchements destinés à défendre les défilés de Fribourg, de Brienne, de Soleure et de Bâle.

Le 13 juin, l'armée de la Fayette, ayant son quartier général à Maubeuge, avait eu à soutenir un combat contre les troupes du général Clairfayt. Cet engage

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