Page images
PDF
EPUB

le décret suivant : « M. le président écrira à milord Stanhope, président de la société, une lettre dans laquelle il lui témoignera la vive et profonde sensibilité qu'a éprouvée l'Assemblée nationale de France à la lecture de la déclaration faite au nom de la société de la révolution d'Angleterre, laquelle respire les sentimens d'humanité et de bienveillance universelle qui doivent lier, dans tous les pays du monde, les vrais amis de la liberté et du bonheur des nations. >>

M. de Boisjelin, archevêque d'Aix, présidait alors l'Assemblée; il s'empressa de remplir le vœu de ce décret, et peu de temps après il en reçut de la société de Londres une lettre de remerciemens. C'est cette dernière pièce qui fut lue dans la séance du 30 janvier; après l'avoir vivement applaudie, l'Assemblée en ordonna l'impression. La voici :

« Les membres de la société de la Révolution d'Angleterre prient M. l'archevêque d'Aix de recevoir leurs plus sensibles remerciemens de la lettre qu'il a adressée à lord Stanhope, leur président, et par laquelle il leur a fait part de l'arrêté de l'Assemblée nationale de France.

» Ils n'ont jamais éprouvé de plus vive satisfaction que celle que leur a donnée sa lettre, et la mention pleine de bonté dont l'Assemblée nationale a pris plaisir à honorer leur adresse de félicitations. Ils ont ressenti particulièrement la justice que cette auguste Assemblée leur a rendue quand elle a reconnu dans leur adresse l'influence de ces principes de bienveillance universelle qui doivent dans tous les pays du monde réunir les amis du bonheur public et de la liberté.

» Leurs cœurs sont pénétrés de ces principes, et ils ne désirent rien avec plus d'ardeur que de voir arriver le moment où ces principes, dominant dans le cœur de tous les hommes, doivent éteindre l'envie et les haines nation'ales, exterminer de la surface de la terre l'oppression et la servitude, et faire disparaître les guerres, ces terribles erreurs des gouvernemens.

» Ils envisagent avec transport la perspective de ces temps fortunés, qui s'ouvre à leurs regards, et dont les décrets de l'Assemblée nationale semblent donner un gage humain.

au genre

» La société de la Révolution croit devoir ajouter dans cette circonstance que parmi les plus importans bienfaits de la révolution de France elle compte la leçon salutaire que la tendance de ces grands mouvemens doit donner à tous les rois.

» Les Français sont heureux d'avoir un roi si justement appelé le premier des citoyens, qui sait céder à leurs désirs, qui les encourage à reprendre leurs droits, et que leurs suffrages ont couronné par le titre de Restaurateur de la liberté française; ce titre l'élève au plus haut degré de gloire.

» Puissent les despotes du monde reconnaître leur erreur insensée! Puisse son exemple leur apprendre qu'ils ne pourront jamais être plus grands, plus heureux et plus puissans, que lorsque abjurant le pouvoir despotique ils se placeront eux-mêmes, ainsi que les rois de France et d'Angleterre, à la tête de la constitution d'un gouvernement libre et d'un peuple éclairé !

«

[blocks in formation]

>> BENJAMIN COOPER, secrétaire. Londres, le 6 janvier 1790. »

A cette lecture, d'un si puissant intérêt, vint se joindre une circonstance qui acheva d'émouvoir tous les cœurs. M. le président annonça à l'Assemblée que la famille Verdure, détenue pendant dix ans dans les cachots sur une accusation de parricide la plus invraisemblable, demandait à être introduite à la barre, et à montrer à l'Assemblée nationale le premier fruit de ses bienfaisantes institutions judiciaires. Le père de cette famille infortunée était entouré de ses quatre enfans; derrière eux se plaçait ou plutôt se cachait leur généreux et modeste défenseur, M. Vieillard de Boismartin, qui leur avait consacré sa fortune, ses talens et une grande partie de sa vie. Ils

furent présentés à l'Assemblée par MM. Faucher (1), frères jumeaux, officiers des chasseurs d'Alsace, qui prononcèrent le discours suivant :

[ocr errors]

Messieurs, nous amenons devant vous une famille qui, accusée de parricide depuis dix ans, vient enfin d'être rendue à la société par un jugement conforme à vos décrets.

» Il honorera notre vie le jour où nous offrons à la bienfaisance des lois nouvelles ces malheureuses victimes des anciennes lois.

» En rendant cet hommage à l'Assemblée nationale, nous en devons un à cette classe de citoyens particulièrement dévouée au service de l'Etat, et à laquelle nous avons l'honneur d'appartenir; elle nous a appris que nous nous devons autant à l'infortune particulière qu'à la défense de la patrie. »

Après les témoignages de la plus vive sensibilité donnés, à cette intéressante famille, le président lui adressa ces paroles :

<< Votre longue infortune touche vivement l'Assemblée. Ses pénibles travaux ont pour but d'écarter les erreurs qui ont fait tant de victimes. Oubliez, s'il est possible, les peines cruelles que vous avez éprouvées, et goûtez du moins cette

(1) « Ces deux jeunes militaires qui ont présenté la famille Verdure à l'Assemblée nationale, les deux messieurs Faucher, sont frères jumeaux. La nature, en les faisant naître ensemble, n'a pas imprimé seulement une grande ressemblance dans leurs traits, dans leur physionomie, dans leur son de voix, mais dans leur caractère, dans leurs idées, dans leurs sentimens, dans tout leur esprit et dans toute leur âme. Nés au même instant, ils n'ont jamais été séparés un seul jour de leur vie; c'est toujours ensemble qu'ils servent la patrie et les malheureux. (Extrait du Journal de Paris, 2 février 1790.)

Nous n'ajouterons qu'un mot à ce dernier trait, le seul qu'après trente ans on puisse y ajouter; c'est que les deux frères Faucher, poursuivant avec honneur une carrière commune, nommés généraux par un même décret, blessés dans un même combat, dévoués pour la même cause, périrent de la même mort, en 1815, en vertu d'un jugement du conseil de guerre séant à Bordeaux. Déjà une première fois condamnés à la même peine, en 1793, tous deux étaient montés sur l'échafaud; le glaive allait les frapper, lorsqu'un ordre de la Canvention nationale arriva assez à temps pour les soustraire à la mort.

consolation, que l'époque où l'on a reconnu votre innocence est celle d'un nouvel ordre de choses qui préviendra d'aussi

funestes erreurs. »

LOUIS XVI A L'ASSEMBLÉE NATIONALE.

Discours du roi,

-

[ocr errors]

Réponse du président. Serment prété par tous les membres.

Un hommage étranger avait pu flatter l'orgueil d'une nation trop longtemps dédaignée; mais il manquait à la France un bonheur vraiment national, celui d'une approbation solennelle donnée à ses désirs, à ses volontés, enfin l'union franche et intime du trône avec les représentans du peuple ; ce bonheur Louis XVI le fit goûter aux Français dans la séance du 4 février 1790.

Peu après l'ouverture de cette mémorable séance le président fit lecture à l'Assemblée d'un billet que le roi venait de lui adresser, et qui était ainsi conçu :

« Je préviens M. le président de l'Assemblée nationale que je compte m'y rendre ce matin, vers midi. Je souhaite. être sans cérémonie.

y

» Signé LOUIS. >>

La lecture de ce billet fut couverte d'applaudissemens. L'Assemblée nationale, sur la demande de sen président, envoya au-devant du roi une députation composée de trente membres, parmi lesquels on comprit tous les anciens présidens: MM. de La Fayette et Bailly, qui se trouvaient présens, furent ainsi appelés en tête de la députation. A peine eut-on le temps de faire quelques dispositions dans la salle; un seul tapis jeté devant la place du président annonça qu'elle était destinée au roi.

Le roi paraît; il est accueilli avec amour : la députation et les ministres précèdent et ferment son cortége. L'Assemblée cst debout. Le roi indique qu'il va parler; le plus grand silence succède aux applaudissemens; enfin S. M., restée aussi debout, fait lecture du discours qui suit :

« Messieurs, la gravité des circonstances où se trouve la France m'attire au milieu de vous. Le relâchement progressif

de tous les liens de l'ordre et de la subordination, la suspension ou l'inactivité de là justice, les mécontentemens qui naissent des privations particulières, les oppositions, les haines malheureuses qui sont la suite inévitable des longues dissensions, la situation critique des finances et les incertitudes sur la fortune publique; enfin, l'agitation générale des esprits, tout semble se réunir pour entretenir l'inquiétude des véritables amis de la prospérité et du bonheur du royaume.

» Un grand but se présente à vos regards; mais il faut y atteindre sans accroissement de trouble et saus nouvelles convulsions. C'était, je dois le dire, d'une manière plus douce et plus tranquille que j'espérais vous y conduire lorsque je formai le dessein de vous rassembler, et de réunir pour la félicité publique les lumières et les volontés des représentans de la nation; mais mon bonheur et ma gloire ne sont pas moins étroitement liés au succès de vos travaux.

» Je les ai garantis, par une continuelle vigilance, de l'influence funeste que pouvaient avoir sur eux les circonstances malheureuses au milieu desquelles vous vous trouviez placés. Les horreurs de la disette que la France avait à redouter l'année dernière ont été éloignées par des soins multipliés et des approvisionnemens immenses. Le désordre que l'état ancien des finances, le discrédit, l'excessive rareté du numéraire et le dépérissement graduel des revenus devaient naturellement amener; ce désordre, au moins dans son éclat et dans ses excès, a été jusqu'à présent écarté. J'ai adouci partout, et principalement dans la capitale, les dangereuses conséquences du défaut de travail; et nonobstant l'affaiblissement de tous les moyens d'autorité, j'ai maintenu le royaume, non、 pas, il s'en faut bien, dans le calme que j'eusse désiré, mais dans un état de tranquillité suffisante pour recevoir le bienfait d'une liberté sage et bien ordonnée; enfin, malgré notre situation intérieure généralement connue, et malgré les orages politiques qui agitent d'autres nations, j'ai conservé la paix au dehors, et j'ai entretenu avec toutes les puissances de l'Europe les rapports d'égards et d'amitié qui peuvent rendre cette paix plus durable.

[ocr errors]

Après vous avoir ainsi préservés des grandes contrariétés

« PreviousContinue »