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DE

RAPPORTS, OPINIONS

ET

DISCOURS

PRONONCÉS A LA TRIBUNE NATIONALE

DEPUIS 1789 JUSQU'A CE JOUR.

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LIVRE PREMIER.

DISCOURS ET DISCUSSIONS SUR DIFFÉRENS SUJETS.

L'ANNÉE S'ouvrit sous de nobles auspices: une époque si féconde en serviles hommages sut inspirer enfin le langage de la liberté ; la nation ne vit point sa dignité compromise par ces discours bas et adulateurs que trop souvent dans la même circonstance ses délégués osent prononcer en son nom. L'Assemblée nationale, par l'organe de son président, salua le monarque en lui rappelant que la liberté et le respect des lois étaient devenus indispensables au bonheur des Français; et le prince, éclairé sur ses vrais intérêts, promit de faire tout pour la félicité publique, source unique de l'amour que les peuples portent aux rois. Ce que déjà l'on avait obtenu d'un concours si nécessaire "de sentimens et de volontés entre les premiers pouvoirs était un garant des bienfaits l'on en attendait encore: la constitution, la division du royaume par départemens, la création des municipalités, l'organisation du pouvoir judi

que

ciaire, la formation d'une armée nationale, et tant d'autres travaux décrétés en partie par l'Assemblée et successivement sanctionnés par le roi; en un mot la régénération complète de l'édifice politique, désirée si ardemment, s'accomplissait chaque jour, et chaque jour faisait chérir davantage cette sublime révolution, qui restera à jamais la gloire de la France, l'exemple des peuples esclaves, la leçon des monarques, et l'effroi des tyrans.

Dans ce second volume nous suivrons la marche adoptée pour celui qui le précède : plusieurs cadres seront ouverts aux matières qui réclament une classification particulière, et le livre premier, en rappelant les séances les plus remarquables, continuera de réunir les discours et les discussions qui ne dépendent pas essentiellement des principales divisions de cet ouvrage.

L'Assemblée nationale était tout pour la France; c'était dans son sein que de toutes les villes, de tous les cœurs, venaient se rendre et s'épancher les plaintes, les réclamations, les espérances, les marques de dévouement pour la patrie. Deux séances par jour, celle du soir se prolongeant souvent jusqu'au milieu de la nuit, pouvaient à peine suffire aux trop nombreux objets soumis à ses lumières, confiés à sa sollicitude; et ce qu'un Français peut avouer avec orgueil, c'est qu'un charme inexprimable attache à la lecture de cette foule d'incidens qui se pressaient pour interrompre les délibérations : la raison en est simple; dans le moindre événement notre liberté naissante marquait ses premiers pas, offrait ses premières douceurs. Cependant il nous faut faire un Choix... et non l'histoire de ces temps, les seuls grands, les seuls héroïques des annales de la France; commençons donc à feuilleter ces imposantes archives pour en extraire seulement ce que nous ordonne notre tâche.

Les diverses branches de la législation sont constamment l'ordre du jour : nous renvoyons pour chacune d'elles au livre qui lui est consacré. Nous voudrions nous arrêter

d'abord à la séance du 2 janvier, qui présente une discussion si longtemps attendue sur les lettres de cachet; mais le décret définitif qui rendit à la liberté, à la vie tant de victimes du despotisme n'ayant été prononcé que dans le courant de mars, nous attendrons cette époque pour réunir en un seul article tout ce qui aura été dit sur cet objet. Nous en agirons de même à l'égard de toutes les discussions interrompues ou remises, afin de les présenter dans leur ensemble. Enfin, la première séance qui fixera notre attention sera celle du 30 janvier, parce qu'elle offre à recueillir des matériaux curieux pour l'his

toire de nos Assemblées nationales.

HOMMAGES A L'ASSEMBLÉE NATIONALE.

La société de la Révolution de Londres. -La famille Verdure.

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Séance du 30 janvier. Ce jour était comme destiné à proclamer les premiers bienfaits de la révolution française l'Assemblée nationale reçut en même temps l'hommage d'un peuple libre et le doux témoignage de la reconnaissance d'une famille que le décret salutaire des 8 et 9 octobre 1789 (1) venait de rendre à la vie et à l'honneur. La tribune ayant retenti de ce double triomphe, nous n'en croyons point les détails étrangers à cet ouvrage.

Dès le 25 novembre 1789 M. le duc de la Rochefoucauld avait fait connaître en ces termes une honorable circonstance pour l'Assemblée :

«

Messieurs, les opérations de l'Assemblée nationale ont excité la reconnaissance de tous les Français et l'admiration des étrangers; c'est un hommage étranger que j'ai l'honneur de vous présenter.

» La société qui se rassemble à Londres pour célébrer l'anniversaire de la révolution de 1688 a cru devoir offrir à

l'Assemblée nationale de France un hommage pur qu'aucune

(i) Voyez tome Ier, Législation criminelle, rapport par M. de Beaumetz, pages 370 et 400.

prévention de nation à nation n'a pu empêcher. Cette société est présidée par milord Stanhope (1); elle a pour secrétaire le docteur Price: tous les deux sont célèbres par leurs lumières dans les sciences et par leur zèle pour la liberté publique; elle est composée de trois cents membres, aussi distingués par leurs talens que par leur naissance.

» On avait déjà, selon l'usage, fait circuler plusieurs toasts patriotiques, lorsque le docteur Price, si avantageusement connu par des écrits aussi lumineux que pleins d'énergie en faveur de l'indépendance de l'Amérique, proposa la motion suivante, qui fut adoptée à l'unanimité (2):

RÉSOLUTIONS.

• La société réunie pour célébrer la révolution de la Grande-Bretagne, dédaignant toutes les préventions natio

(1) Cet honorable lord est le père de ce Stanhope qui, en 1818, se permit une misérable diatribe contre les Français.

(2) Copie de la lettre de lord Stanhope à M. le duc de la Rochefoucauld Londres, 6 novembre 1789.

« C'est avec une grande satisfaction que j'ai l'honneur de vous envoyer deux résolutions unanimes d'une assemblée très nombreuse et très respectable, de la société établie en Angleterre pour célébrer la fameuse révolution de 1688. Ces motions ont été reçues avec l'approbation la plus marquée et des acclamations réitérées. Oserai-je vous prier, de la part de la Société, de présenter ces résolutions à l'Assemblée nationale de France? Je vous prie de me croire, avec lę plus grand respect et sincère attachement,

1.

» Monsieur le duc,

» Votre très-humble, etc.

" Signé STANHOPE. »

Copie de la lettre du docteur Price à M. le duc de la Rochefoucauld.

Stackent, près Londres, le 9 novembre 1789.

"L'adresse de félicitations à l'Assemblée nationale de France, qui se trouve ci-jointe, ayant été proposée par le docteur Price, il espère que le duc de la Rochefoucauld ne trouvera pas mauvais qu'il l'accompagne de quelques lignes pour l'informer qu'elle a été adop

nales, et se réjouissant de tous les triomphes que la liberté et la justice remportent sur le pouvoir arbitraire, présente à l'Assemblée nationale de France ses félicitations sur la révolution opérée dans ce royaume, et sur la perspective qu'elle ouvre aux deux premiers empires du monde de participer en commun aux bienfaits de la liberté civile et religieuse. La Société ne peut s'empêcher d'unir ses vœux ardens pour l'heureux et complet succès d'une révolution si importante, et en même temps d'exprimer la satisfaction qu'elle éprouve en réfléchissant sur l'influence du glorieux exemple donné en France pour encourager les autres nations à assurer les droits inaliénables de l'humanité, à amener une réforme générale dans les gouvernemens de l'Europe, et à rendre le monde entier heureux et libre.

» Arrêté que la présente déclaration sera signée par le président, au nom de la Société, et adressée par lui à l'Assemblée nationale de France.

» Les deux résolutions ci-dessus ont passé à l'unanimité. » Par ordre de l'Assemblée,

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L'Assemblée nationale, vivement touchée de ce témoignage extraordinaire d'estime, avait par acclamation rendu

tée avec une ardeur qu'on peut difficilement exprimer par une assemblée composée du comte de Stanhope, du lord maire de Londres, de plusieurs membres du parlement d'Angleterre, et de plus de trois cents personnes de distinction, réunies à l'occasion de l'anniversaire de la révolution anglaise, pour célébrer cet événement. Si les expressions de leur admiration, si les souhaits de prospérité qu'ils prient le duc de la Rochefoucauld de présenter pouvaient paraître une témérité de leur part, ils espèrent que l'Assemblée nationale de France voudra bien excuser cette démarche comme l'effet d'une effusion de zèle dans la cause générale de la liberté publique, qu'aucune considération d'inconvenance n'a pu retenir les représentans de la France travaillent pour le monde autant que pour eux, et le monde entier est intéressé à leurs succès. n

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